Le chant des sirènes

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Le regard dans le vide, je pousse un énième soupir. Le dixième en moins de deux minutes. Ça y'est, c'est les vacances d'été. Rien que d'y songer à nouveau, je souffle. Je tape dans un galet posé sur le sable. Il n'a rien demandé à personne, pourtant il est la victime première de mon désespoir. Je contemple au loin les vagues d'un océan bien calme. Elles viennent s'écraser le long de mes pieds nus, comme pour me rappeler que la vie ne s'arrête pas juste parce que je suis déprimée. Vous allez vous demander comment quelqu'un peut il être déprimé d'être en vacances d'été? Hum, alors je vous explique déjà brièvement qui je suis. 

Je m'appelle Maxime, j'ai 18 ans et la raison pour laquelle je soupire comme une âme en peine sur la plage de l'océan un soir de juin, c'est parce que ma copine m'a quitté. Enfin quitté. C'est un peu plus complexe que ça, mais je ne préfère pas trop vous en dire. Je suis dans l'attente de mes résultats du bac, ce qui n'arrange rien. Ma mère me harcèle pour savoir si je vais l'avoir. Je vois pas ce que ça peut lui faire de savoir à l'avance et surtout comment veut-elle que je sache. On est jamais à l'abris d'un accident, surtout quand on sait les notes que j'ai eu en science toute l'année, je trouve encore plus surprenant que ma mère arrive à penser que je n'aille pas au rattrapage. J'ai fait S, plus par dépit que par envi. Je ne sais pas ce que je veux faire, et quand on sait pas on prend la voix qui  permet de tout faire. Quelle belle connerie. J'ai passé une année à prendre des notes en dessous de cinq et à m'entendre dire que je n'avais rien à faire là et que je n'aurais jamais mon bac. Charmant. Heureusement j'ai pu compté sur mes amis. Eux qui m'ont fait rire du début à la fin, eux avec qui j'ai bravé les interdits du lycée, eux avec qui j'ai appris à falsifier des mots d'absence. Finalement, le point positif de cette année c'est le rire. J'ai pris deux trois rides au coin des yeux.. "Les rides du sourire" comme on les appelle. Avec le bac, le rire était notre seul échappatoire. Mais le rire ça combat tous les maux. Même ceux dont on ne parle pas. Mes amis ne sont pas au courant du fait que j'ai quelqu'un dans ma vie. Ou du moins "avais". Je ne leur ai jamais dit. De peur qu'ils ne comprennent pas. J'avais envi de le garder pour moi, de n'en parler à personne, de vivre cette idylle tant que je le pouvais, parce que si un jour ça devait se savoir, alors l'amour secret, l'excitation de la relation cachée, tout cela serait réduit à néant. Le problème, c'est que je me suis renfermée dans cette bulle qui m'a fait tant sourire ces derniers mois. Comment expliquer à des gens que vous êtes malheureux quand ils s-ne savent pas à quel point vous avez pu être heureux? 

Je suis tiré de mes pensées par la sonnerie de mon téléphone. Le mot "papa" s'affiche dessus. Pourquoi m'appelle-t'il ? Un sms suffit généralement. 

Alex: " Max? Tu peux rentrer s'il te plait?"

Maxime: "Euh oui j'arrive, je suis à l'océan j'ai besoin de prendre un l'air. Faut que je rentre de suite ou ça peut attendre?"

Alex: "Maintenant s'il te plait. C'est important."

Je m'apprête à lui demander ce qu'il ne va pas mais il ne m'en laisse pas le temps et me raccroche au nez. Je n'aime pas son ton. Sa voix était lassée, presque vidée. Il ne m'appelle jamais, et quand il le fait, c'est souvent annonciateur de mauvaises nouvelles. Bien que le soleil soit en train de se coucher, je remonte rapidement la dune pour rentrer chez moi. Alors que je passe le portail, je vois mon père assis sur un fauteuil de jardin. C'est de plus en plus bizarre, on dirait qu'il m'attend. Je stresse. Et si il avait tout découvert? Et si il savait tout? Impossible, j'ai fait trop attention. Je sens mes mains devenir moites. Pourquoi me regarde t'il avec ce visage triste et ces yeux vides? 

Max: "Papa?" 

Il lève alors la tête vers moi, le visage embué de larmes. Un stress différent m'envahie. Ça ne peut pas être de ma faute. Il ne pleurerait pas. Il serait en colère mais ne pleurerait pas. Je le regarde la mine grave. Que s'est-il passé pour que mon père me demande de rentrer en pleurant le premier soir des vacances d'été? 

Max: "Papa, parle moi. Tu me fais peur. "

Alex: "Je suis désolé, je ne voulais pas te faire peur. Quoi que tu t'imagines maintenant c'est sans doute beaucoup moins grave."

Je le regarde étrangement, je ne sais pas quoi penser. Il reprend la parole. 

Alex: "Max, ta mère m'a quitté."

Il explose en sanglots. Me répète en boucle que l'amour de sa vie vient de le quitter, qu'il se voyait finir sa vie avec elle, qu'il l'aimait tant, qu'il ne peut pas vivre sans elle. Et alors qu'il pleure dans mes bras, je comprends. Mes parents divorcent. Oui. Mais ce n'est pas ça qui retient mon attention. J'entends mon père se demander comment faire pour passer le reste de sa vie sans l'amour de la sienne. Je sens alors des larmes roulées sur mes joues. Comment vais-je faire mon vivre ma vie sans elle? Ce vendredi 26 juin est une horreur. Une journée noire. La journée où les femmes de nos vies nous laissent. Comment dire à mon père, que du haut des mes 18 ans, je sais à quel point il a mal au coeur? Comment lui avouer? Je ne peux pas. Ce n'est pas le moment. Je veux garder ce chagrin pour moi. Le seul point positif que j'y trouve c'est que le divorce de mes parents sera une excuse à mes larmes. Je suis malheureux oui. Mais je l'étais déjà avant. 

Alors que je m'assoie sur le fauteuil de jardin à côté de mon père, dans mon cerveau les mots suivants se succèdent. 

*Reviens s'il te plait. J'ai besoin de toi. Tu me manques. Je t'aime*

Un long silence intervient, alors que les larmes ne cessent de rouler sur mes joues. 

Moralité - Je déteste les grandes vacances.

Les douceurs de la vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant