J'ai toujours estimé qu'un tatouage révèle quelque chose de la personnalité de celui qui le porte – comme un symbole gravé sur la peau pour toujours – et il joue aussi le rôle d'un masque : une image derrière laquelle on se cache. Pour moi, un tatouage dissimule et dévoile en même temps.
Quand je suis sortie de ma torpeur navrante dans laquelle je m'étais plongée les mois suivant le concert – dépression qui sonna la fin de mes études et l'avortement de mes projets – j'ai reçu le courrier du laboratoire : négatif. Je n'avais pas choppé le SIDA ou une quelconque IST. Malgré un retard de règles plus qu'inquiétant, je n'étais pas non plus enceinte. Mon corps avait juste subi un dérèglement hormonal « certainement dû à un choc émotionnel important. »
'Vous avez été troublée récemment ?' m'avait demandé mon gynéco.
'Non, pas vraiment.'
Il avait l'air perplexe. C'est vrai que l'excuse du 'j'aime bien le SM' pour expliquer mes déchirures vaginales, il avait eu du mal à l'avaler.
'Ou alors, c'est peut-être mes exams qui m'inquiètent beaucoup...'
'Je vois.'
Pendant ma dépression, je ne m'étais pas vraiment attardée sur ma cicatrice à la joue. A vrai dire, je ne faisais attention à presque rien. C'est ma petite sœur qui, avec son tact habituel, m'avait fait remarquer comment les gens me dévisageaient dans la rue. Moi, j'avais mis ça sur le compte du gros pull-over gris qui ne me quittait pas, même les jours radieux du printemps.
'T'as pensé à la chirurgie esthétique ?'
'Je me suis renseignée, oui.'
'Alors ?'
'C'est dix fois plus cher que si je me faisais un tatouage par-dessus à la place.'
Elle m'a regardée comme une extra-terrestre.
'Tu veux te faire un autre tatouage !?'
'Non. Je disais ça juste pour comparer : les prix pour la chirurgie faciale, si elle est purement esthétique, et non réparatrice, sont exorbitants et non remboursés car dans mon cas, ce n'est pas considéré comme un handicap social : ma cicatrice n'est pas assez « dégradante » comme ils disent.'
'Si tu veux, j'en parle aux autres – on va tous économiser pour toi.'
'Non, merci.'
'Tu veux pas ?'
'A quoi ça servirait ? Je ne me lancerai jamais dans la mode de toute façon.'
'T'es toujours négative.'
'C'est possible...'
A chaque fois, je ressentais le besoin viscéral de lui gueuler : « Mais c'est normal d'être négative quand on a été violée ! » mais je le gardais pour moi, comme lorsque j'étais rentrée de Paris, que ma sœur aînée m'avait demandé :
'Alors ?'
'Ben, il y avait trop de monde. Je n'ai pas pu faire signer mes trucs.'
'Tu n'as pas pu lui parler ou quoi que ce soit ?'
'Non.'
'Ah mince !'
Silence gêné pour elle – exaspéré pour moi. Je voulais mettre Rammstein à la porte de mon existence, mais je me rendais compte que ça en faisait intrinsèquement partie, comme si c'était une composante essentielle de ma personnalité. C'est ainsi qu'après ma dépression de sept mois et demi, j'ai déballé mes cartons, ressorti mes CDs et DVDs, raccroché mes posters ; j'ai aussi recommencé à fréquenter les forums et YouTube, où je suivais les nouvelles de loin – où j'apprenais que Rammstein repartaient en tournée avec juste un décalage de quelques mois, proposaient d'échanger les places avec d'autres dates ou de les rembourser si certains fans ne pouvaient se déplacer pour la date de remplacement. Les vidéos live de fans qui apparaissaient de temps en temps sur mon fil d'actu montraient Paul dans un meilleur état, même s'il donnait toujours l'impression d'avoir vieilli de dix ans d'un coup. Il y avait même une interview où le journaliste avait osé lui demander pourquoi il cessait de se teindre les cheveux, et Paul avait tout simplement répondu :
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Amaryllis
FanficGabrielle alias Amaryllis, fan de Till, est une jeune femme qui va irrémédiablement changer le cours de la vie de Paul par une rencontre tragique - celle qui l'engouffrera dans une romance à laquelle personne ne croira vraiment, à part peut-être Til...