Chapitre IV - Une signature latine

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C'est en janvier 2013 que je finis de mettre au point ma signature. Celle de Sumiro, c'est la nonne coquine ; Gaïa, la démone venue d'outre-tombe. Etant fan de Dita von Teese et de Catherine Delish, il me fallait quelque chose dans leur veine. C'est ainsi que l'idée du verre de tequila s'est imposée – petit donc plus facilement transportable (même agrandi à ma taille) que le verre de martini de Dita ou celui de champagne de son amie-rivale. Pourquoi tequila ? Bien plus glamour que la vodka. Qui dit tequila sous-entend pays chaud, et le costume qui va avec – je me voyais mal stripper dans une grosse fourrure à la russe ! Et, bien entendu, référence à Rammstein évidente pour les fans du groupe, même si à la longue, je finirai par l'oublier, me dis-je.

Je mets donc au point mon costume, Gürt proposant de payer les frais mais moi insistant pour faire les retouches moi-même. J'adapte aussi mes pas de salsa cubaine et de cha-cha-cha au numéro de sept minutes trente, le plus difficile étant d'apprendre à retirer mes bas sans me casser la figure. Au final, je prends aussi plus d'assurance, me servant de mes tatouages comme de mini barrières derrière lesquelles je peux cultiver un mystère rassurant ; et les autres filles consentent même à partager la soirée du samedi pour ma spéciale, où je combine mon numéro du verre de tequila, le quart de citron en mousse comme accessoire incontournable, avec celui de la Princesse et son Roi, ou encore celui de la gothique, qui plaît moins au public principalement composé de mecs à la quarantaine bien sonnée, venus ici dans l'espoir, toujours déçu, de se taper une strip-teaseuse.

Le plus marrant dans tout ça, c'est que je n'ai aucune origine espagnole ou latine – née en Vendée, de parents et grands-parents bretons, on ne peut pas faire plus français, comme dirait malheureusement ma famille. Mais il semblerait que mes cheveux bruns et bouclés, ma petite taille et la forme de mon visage disent le contraire – le public, que je n'écoute qu'à moitié, m'interpellant souvent par un Hola ou un Buenos días assez amusant.

Quand je suis arrivée au Rose et Pâquerettes, Gürt m'a conseillée de prendre un nom de scène et, sur le coup, je pensais que Gabrielle ferait l'affaire. Puis, je me suis rabattu sur Amaryllis, mon nom de plume comme je l'appelais pour plaisanter, me disant que je ne deviendrais sûrement jamais écrivain de toute façon.

Mais c'est en 2013 que j'ai compris toutes les implications de mon choix. J'étais même fière d'avoir pris ce pseudo. Rien à voir avec le fait qu'en 2013 est sorti le nouvel album d'Emigrate, 'Silent Shouts', plus énergique, plus original, et aussi plus intéressant musicalement que le précédent, offrant même la collaboration de Schneider et Olli, à la grande surprise des fans, qui se réjouissaient de retrouver un semblant de Rammstein après la séparation officielle du groupe. En fait, l'anecdote qui m'a confirmée dans mon choix de pseudo est liée à une autre sortie.

C'est aussi en 2013 que sort le second recueil de poèmes de Till. Inutile de préciser que je l'achète dès sa sortie mais que je n'ose pas rentrer dans la librairie où Till donne une séance de dédicaces. Je reste dehors, devant la vitrine, regardant les loligoths surexcitées lui demander une photo – Till acquiesçant avec son air grognon habituel. Il semble même hésiter un moment quand une fan lui demande quelque chose de plus, puis accepte de se lever et de la prendre dans ses bras. Till a l'air d'avoir vachement vieilli depuis la dernière tournée du groupe. Son costume ne laisse pas voir s'il a pris du bide, mais son menton légèrement dédoublé le laisse présager. Je me surprends à penser : « Cet homme a maintenant un demi-siècle et un gros paquet de rides – pourtant, il trouve encore moyen de rester stoïque face à des gamines qui rêvent de lui sauter dessus pour l'embrasser, voire plus si affinités... Je ne devrais pas trouver autant de raisons de l'admirer – c'est qu'un pauv' type de cinquante berges, bon sang !... »

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