16. les guêpes de mon grand-père

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D'aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu cette grande ruche, perchée dans l'immense sapin près de la maison de mon grand-père.

Nous étions trois, mes cousins et moi.

Nous étions curieux. Nous n'arrêtions pas de demander si nous pouvions emprunter l'échelle pour essayer d'atteindre le sommet, et voir le nid de plus près.

Et toujours, mon grand-père secouait la tête.

Il disait qu'il ne fallait pas déranger les guêpes, que l'échelle était trop courte de toute façon.

Alors, à chaque nouveau lever de soleil, la ruche était toujours au même endroit, immobile, attendant.
Un appel toujours plus impérieux à venir l'explorer, la toucher, la déranger un peu.

Le plus étrange, c'est que nous n'avions jamais vu de guêpes dans les environs.
Pas une seule, depuis que nous venions ici.

Grand-père nous disait que c'est parce qu'elles étaient trop en hauteur, ou alors en sommeil, et qu'il ne fallait surtout pas les réveiller.

Je sais que mes parents insistaient depuis des années pour qu'il la fasse enlever.
Mais il se contentait toujours de hausser les épaules et de changer de sujet.

Le temps est passé.

D'enfants, nous avons fini par devenir des adolescents.

La stupidité qui allait de pair avec cette évolution ne nous a pas épargné, et nous n'arrêtions pas de nous lancer ce défi idiot qu'était celui d'escalader le sapin et d'en décrocher la ruche.

Mais heureusement, ni moi ni mes cousins n'avions osé.

Du moins, pas à cette époque.

Puis, nous sommes devenus de jeunes adultes... Basiquement la même chose, avec en bonus la capacité de réaliser nos conneries d'adolescents.

— Je te parie que tu ne monteras pas en haut du sapin pour en décrocher la ruche... m'a un soir lancé mon cousin Jérôme pour la millième fois au moins de toute notre vie, alors que nous étions tous trois assis sur le porche, bière à la main et soleil déclinant au-dessus des cimes.

Je me souviens très nettement que mon autre cousin plus âgé, Marc, a levé les yeux au ciel :

— Pas encore ce truc idiot.

Moi ? J'étais assez âgée pour avoir le cran de relever le défi, mais encore trop jeune pour avoir l'intelligence de ne pas le faire.

– Je te prends aux mots, tu me devras une bière.

– Si tu y arrives, je te payerai un pack entier !

Je me suis alors levée, et j'ai marché vers le grand arbre, suivie de près par Jérôme. Marc a fait de même, mais avec une certaine réticence.

Nous sommes finalement arrivés au pied du fameux sapin.

Nous avions bien grandi depuis la première fois que nous étions venus ici, à nos cinq ans ; mais il demeurait malgré tout bien plus large et massif que nous.

Le plus grand arbre que nous ayons jamais vu.

J'ai alors commencé à grimper.

Le début était facile, je l'avais fait de multiples fois. C'est la suite qui posait problème, qui demandait toujours plus d'efforts, qui devenait plus dangereuse aussi.

J'ai battu mon record précédent ce jour-là, et j'ai continué à grimper jusqu'à la ruche.

Les encouragements de Jérôme et les conseils inquiets de Marc devenaient de plus en plus lointain.

Chair de poule 1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant