Chapitre 5

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Comme il en était convenu, le groupe de Malcolm confia toutes ses armes aux singes. En échange, César les autorisa à rester sur le territoire de son peuple pour travailler sur le barrage. Il leur ordonna cependant de ne pas traîner. De se concentrer simplement sur ce qu'ils avaient à faire et de repartir dès qu'ils le pourraient. Il savait cependant que sa décision d'accepter les humains chez lui ne faisait pas l'unanimité auprès des singes.

Auprès d'un, en particulier.

Plusieurs heures avaient passées depuis que les singes avaient laissé les humains installer leur campement dans un coin sûr de la forêt. Le ciel était noir et perlé d'étoiles. Koba était allongé sur la peau d'ours qui traînait au milieu de sa hutte et qui faisait office de lit. Son œil droit, le seul qui avait conservé sa couleur et sa fonction (le gauche ne distinguait plus que de vagues ombres grises à travers un épais voile blanchâtre), fixait le plafond. Il se remettait lentement de l'affront publique dont il venait d'être victime.

Le fait que des humains, ces créatures qu'il détestait tant, soient autorisés à travailler sur le territoire des singes le rendait furieux. Il avait fait part de son mécontentement auprès de César, et avait même eu l'audace d'élever la voix face à lui. Le chimpanzé, que Koba considérait pourtant comme l'un de ses plus proches amis, voir même comme un frère, s'était dressé sur ses jambes, menaçant, afin de lui rappeler qu'il s'adressait à son chef. César était une personne pleine de bonté, mais qui savait pourtant faire preuve d'autorité envers ceux qui le défiaient. Intimidé face à ce singe qui faisait presque une tête de plus que lui, Koba s'était résolu à montrer sa soumission en s'accroupissant, tête baissée, et en tendant la main vers son roi. Il avait sentit les doigts de César venir caresser sa paume, signe que l'Alpha faisait preuve d'indulgence. Après ça, il s'était relevé et réfugié dans sa hutte, seul avec sa frustration.

Bien que sa colère eut déjà bien diminuée, elle ne disparaîtrait pas avant peut-être plusieurs jours et allait l'empêcher de dormir. Ça, il commençait à y être habitué : il n'avait fait que des nuits blanches depuis la rencontre inopinée entre les singes et les humains, ce qui expliquait les profonds cernes qui se creusaient sous ses yeux. Il avait enchaîné les cauchemars et les flash-back à propos de son passé atrocement douloureux.

L'un des humains en particulier avait fait resurgir en lui ces horribles souvenirs et sa haine. Ana, cette traîtresse.

Koba avait du mal à croire qu'il y eut une époque où, quand il n'était encore qu'un jeune bonobo qui faisait office d'objet d'études pour les humains, il l'avait appréciée. Il l'avait aimée, oui. Adorée, même. C'était un fait qu'il ne pouvait pas nier. L'humaine avait toujours été très gentille, douce et attentionnée avec lui au centre de recherche où ils s'étaient rencontrés -ce fut le seul établissement dans lequel Koba n'avait pas dû faire face aux seringues et aux scalpels. Dès qu'elle avait du temps libre, elle venait le voir pour lui parler, jouer avec lui, le caresser -quand il était d'humeur pour les contacts physiques. Parfois, elle était carrément maternelle avec lui. Elle avait dû remarquer la détresse dans laquelle il était constamment et l'avait donc pris sous son aile. Rares étaient les humains qui s'étaient comportés ainsi avec lui.

Puis il y eut ce fameux jour où la femme, alors âgée de vingt ans, lui avait susurré cette phrase : "Je serais toujours là pour toi."

Quel idiot j'ai été de la croire... pensa-t-il en grommelant et en se tournant sur son lit.

Lorsque l'humaine lui avait promis ça, Koba avait été persuadé qu'elle le protégerait pour toujours. Que, grâce à elle, plus jamais les humains ne le feraient souffrir. Cette simple phrase avait suffis à renforcer davantage l'amour qu'il lui portait.

Blinded by Hatred - Dawn of the Planet of the ApesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant