Le Premier Voyage de Sindbad le Marin

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Source : De l'île baleine au royaume des cavales

À la tombée de la nuit, Schahriar salua toute sa cour cour sans faire cas desmurmures étonnés qui couraient de plus en plus depuis ses noces avecSheherazade. Il se retira dans ses appartements pour souper avec son époux inattendu,impatient d'entendre le récit du premier voyage de Sindbad le Marin. Avant cela, cependant, il ne put s'empêcher d'interroger le jeune conteur sur la manière dont il avait occupé sa journée dans la solitude forcée qui était la sienne.

- Votre Majesté, répondit doucement Sheherazade, je me suis permis de prendre quelque repos afin de pouvoir contenter votre curiosité par mon récit de ce soir. Je tiens à vous remercier pour le bain que j'ai pu prendre, et je vous assure que je ne souffre pas du manque de compagnie car cela excite mon impatience de vous revoir. Ne vous souciez pas de mon confort, je ne vis que pour vous plaire et je n'ignore pas que la mort m'attend au matin.

Une telle résignation naturelle surprit le sultan qui ne fit pourtant aucune remarque. Il se contenta de guider son compagnon jusqu'à leur chambre où ils s'installèrent pour la suite du récit de Sindbad le Marin. Humblement assis au bord de la couche qu'il n'osait toujours pas considérer comme la sienne, Sheherazade reprit son histoire pour le sultan qui l'écoutait avec attention.

- Au matin, le Voyageur fut à nouveau reçut par son hôte avec toute la gentillesse du monde. Son hospitalité lui avait fait le plus grand bien, apaisant sa fatigue, reposant ses pieds épuisés, et il avait bien meilleure mine. Comme la veille, Sindbad le Marin le reçut dans son boudoir tout orné de marbre délicat et d'outremer, et l'invita à prendre place parmi les coussins.

- A présent que te voici, déclara Sindbad, je vais te raconter comment se déroula mon premier voyage. Comme hier, pour te remercier de ton écoute, je te donnerai autant d'or que tu pourras en tenir entre tes mains.

Le Voyageur protesta qu'il ne faisait pas cela pour l'or mais Sindbad ne l'écouta pas et commença son récit, non sans s'être assuré que son invité était confortablement installé, avec profusion de vins et de douceurs.

- Je disais hier que, me trouvant en grand danger d'endettement, j'avais été pris de raison et j'avais vendu tout ce que je possédais afin de me faire marchand. Je m'étais lié avec quelques négociants qui faisaient commerce par la mer, et je les consultai pour bénéficier des meilleurs conseils possibles. Je m'embarquai ensuite sur un vaisseau que nous avions équipé à frais communs avec d'autres de ces marchands. La chance fit que je ne souffrais pas de cet étrange malaise que les marins nomment le "mal de mer". J'avais au contraire le pied si sûr qu'il me semblait que toute ma vie n'avait eu pour seul but que de me mener sur le pont d'un bateau et je me sentis plus heureux que jamais. C'est sur le pont de ce bâtiment que je rencontrai pour la première fois l'homme qui allait bientôt détenir l'autre moitié de son coeur. Il était jeune, autant que moi, mais bien plus sage que je ne l'étais alors. Nous nous amusâmes de découvrir que nous avions presque le même nom. Il s'appelait Hindbad, et venait d'un port fort éloigné et dont je ne connaissais que le nom, Asamara. Notre jeunesse nous rapprocha et nous liâmes une amitié aussi solide que le bois d'ébène que nous comptions échanger contre nos marchandises. Notre navire fit voile vers l'ouest, vers les riches royaumes et les empires qui s'y trouvaient, et nous abordâmes à plusieurs îles pour y vendre et échanger nos biens contre d'autres de même valeur ou bien plus précieux.

Un jour, notre capitaine mit le navire au mouillage auprès d'une petite île presque à fleur d'eau, qui ressemblait à une prairie au milieu de l'océan. Je fus parmi les quelques personnes de l'équipage qui voulurent y descendre, et Hindbad était avec moi, poussé par cette même curiosité qui m'animait. L'île était de modeste dimensions, la moitié d'une heure était suffisante pour en faire le tour et, hormis de l'herbe bien verte et drue, rien n'y poussait. Nos quelques compagnons et nous-mêmes nous installâmes pour profiter de cet instant à terre et l'un d'entre nous crut bon d'allumer un feu. Il n'y avait pas pire idée à avoir, comme nous devions nous en rendre compte rapidement. Un hurlement effroyable nous glaça le sang, avant que l'île ne tremble tout à coup en une rude secousse. Le capitaine, depuis son navire, avait compris ce qui se passait et nous cria de revenir à bord.

Contes des Mille et Une Nuits [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant