Source : Suite du récit principal, imaginée pour ce recueil
Une troisième année commença peu à peu à s'écouler à la suite de la deuxième, voyant le soleil se lever chaque matin sur le sultan un peu plus épris de son conteur. L'espoir était revenu pour de bon dans le sultanat de Shams et chacun se demandait avec une curiosité grandissante qui était l'épouse qui avait réussi à guérir le souverain de son chagrin et de sa colère. Ils étaient tous loin de se douter que le fils du vizir avait apaisé le cœur du sultan avec l'histoire du pêcheur et celle de l'esclave, l'histoire du fabriquant de ceinture et celle du charmeur de serpents, sans parler de celle du pèlerin fils de roi ou celle de l'homme de la mer et l'homme de la terre.
Le neuvième mois de cette année s'achevait, dans la douceur qui précédait la saison des pluies. Près de mille nuits avaient passé depuis les noces de Schahriar avec Sheherazade et le sultan ne pouvait s'empêcher d'y songer alors qu'il présidait son grand conseil. Le doux sourire de son conteur ne le quittait pas, du moins jusqu'à ce qu'un messager se présente, demandant audience et le ramenant à la réalité.
— Majesté, annonça-t-il en se prosternant, je suis envoyé par mon souverain, le sultan Schahzenan, votre illustre frère. Je précède de peu la grande caravane qui le conduit jusqu'à vous. Par ma bouche, il vous porte ses salutations et tout son amour fraternel.
L'annonce de l'arrivée prochaine de Schahzenan augmenta encore le bonheur de Schahriar qui arrêta là le grand conseil pour donner des ordres afin que toute la ville s'apprête à recevoir en grande joie cette caravane qui s'approchait. Puis, incapable de s'en empêcher, il regagna ses appartements afin de prévenir son cher Sheherazade.
— Majesté, sourit le conteur en s'approchant de lui sitôt qu'il l'aperçut. Que me vaut le doux plaisir de votre visite si tôt dans la journée ?
Une année plus tôt, il aurait peut-être pu craindre que son époux venait pour le condamner à mort, mais désormais il avait appris à lire son visage et à reconnaître la joie et l'impatience sur ses traits.
— Une grande nouvelle, annonça le sultan, qui me remplit de joie ! Mon frère Schahzenan, qui a quitté ma cour voilà déjà si longtemps, s'en vient nous rendre visite ! Sa caravane approche, on aperçoit déjà à l'horizon le nuage de poussière soulevé par les éléphants et les chameaux.
Le bonheur sur le visage qu'il aimait tant fit chanter le cœur de Sheherazade qui sourit tendrement à son époux. Il n'ignorait rien de tout ce qu'il était advenu lors de la précédente visite du sultan Schahzenan et il ne pouvait qu'espérer que cette nouvelle visite achève de réparer ce que la première avait brisé bien malgré elle.
— Je voudrais vous demander un service, mon conteur, reprit Schahriar en prenant ses mains dans les siennes pour les serrer avec affection. Voudriez-vous demander à mon frère son histoire, afin de la conter par la suite ? Le messager a laissé entendre qu'il était arrivé une aventure extraordinaire à Schahzenan qui, hélas, n'a jamais été très doué pour les récits. Cela me ferait grand plaisir que vous racontiez son histoire, de cette si belle manière qui est la vôtre.
Un instant sans voix, Sheherazade se reprit en toussotant, les joues écarlates. C'était un immense honneur qui lui était fait, et il se sentit pousser des ailes.
— Rien ne saurait me plaire davantage que de répondre à votre bon plaisir, Majesté. C'est avec une grande fierté que je vous conterai l'histoire de votre frère.
— Alors c'est entendu ! s'exclama Schahriar avec ravissement.
Pris dans son élan, il enlaça Sheherazade pour embrasser ses lèvres avec une joie qui acheva d'enchanter le cœur déjà épris du pauvre conteur. Puis il lui caressa la joue et recula, l'esprit déjà ailleurs.
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Contes des Mille et Une Nuits [BxB]
RomanceIMPORTANT : Il s'agit d'une RÉECRITURE d'une sélection des célèbres contes arabo-persans, dans laquelle Sheherazade est un HOMME. Je précise, parce que le résumé n'est peut-être pas assez clair, et j'en ai assez des commentaires outrés de personnes...