Contes des Mille et Une Nuits [BxB]

Nourahanar, ou l'objet le plus rare au monde

Source : Histoire du prince Ahmed, et de la fée Pari-Banou

Le conseil que Schahriar avait tant redouté se déroula bien mieux qu'il ne l'imaginait. Il faut dire que, pour la première fois depuis qu'il avait fait exécuter sa première épouser et les suivantes, il n'était plus sous l'emprise d'un violent chagrin souillé de colère. Les contes de Sheherazade, ainsi que sa douceur et sa sagesse, avaient adouci sa peine et charmé son cœur, touten lui donnant envie de devenir un meilleur souverain, à l'aulne du roi Mihrage. Tous les conseillers le remarquèrent et, aussi simplement que cela, l'espoir revint dans le royaume du sultan.

Pourtant, avec sagesse, personne n'osa faire la remarque et le conseil se déroula donc dans le plus grand des calmes. Le vizir commençait à croire que son fils allait réussir et il se détendait petit à petit, sans pour autant le dévoiler. De son côté, le sultan se rendait à peine compte de sa nouvelle bonne humeur, son esprit trop occupé par le sourire de son époux et sa voix qui savait si bien le faire voyager. Bien sûr, il avait hâte de connaître l'histoire du roi Nourahanar, mais il devait bien s'avouer aussi qu'il était impatient de voir le sourire doux deSheherazade et d'entendre à nouveau sa voix exprimer tant de sagesse.

Raison pour laquelle il avait une ombre de sourire impossible à réprimer lorsqu'il gagna enfin ses appartements pour y découvrir que Sheherazade s'était permis de prendre la liberté de demander aux esclaves de dresser un repas léger dans le jardin des fontaines.

- J'ai pensé que cela vous ferait plaisir après votre conseil, avoua-t-il. Je... j'ai demandé aux cuisiniers qu'ils vous préparent des mets exotiques pour vous faire voyager un peu de cette manière. J'espère ne pas avoir outrepassé mes droits...

- C'est tout à fait charmant de votre part d'y avoir pensé, le rassura Schahriar. Et c'est délicieux. Qu'est-ce ?

Les joues légèrement rouges du compliment, le conteur fit de son mieux pour satisfaire la curiosité de son époux, présentant chacun des plats qui avait été servis, régalant autant l'esprit de Schahriar que son estomac. Et puis enfin il fut l'heure de gagner l'intimité de leur chambre où Sheherazade s'assit sagement sur la couche pour commencer sa nouvelle histoire.

- J'ai achevé hier au soir le conte du roi Mihrage et du prince Houssain, au moment où le roi Nourahanar proposait que chacun des princes raconte son histoire aux autres afin de combler les lacunes dues à de longues années d'absence et de séparation. Il est donc temps, à présent, que vous sachiez le conte de l'objet le plus rare au monde. Voilà de très nombreuses années, alors que tous ces nobles personnages n'étaient encore que des enfants, le père des princes Houssain, Ali et Ahmed vint à adopter comme son fils un jeune prince étranger dont le royaume avait été pillé. Ce garçon n'était autre que Nourahanar et il grandit aux côtés des trois princes dans l'amour d'un foyer. Le temps passa, les jours se firent semaines, les semaines devinrent des mois, les mois des années et les quatre jeunes gens devinrent des hommes en âge de se marier. Parce qu'ils étaient liés par une profonde amitié, c'est tout naturellement que chacun des frères songea à épouser Nourahanar, le seul à ne pas être de leur sang. En vérité, comme le prince Houssain l'avait confessé à Hindbad et Sindbad, puis au roi Mihrage, il n'avait jamais été amoureux de son ami et désirait simplement l'épouser parce qu'il savait pouvoir être heureux en sa compagnie.

Il faut savoir que, des deux frères qui restaient, Ali était quant à lui éperdument amoureux de Nourahanar, sans jamais avoir osé l'avouer à Ahmed et Houssain de peur de leur faire de la peine. Voilà pourquoi les trois frères continuaient à se disputer les faveurs de leur ami qui ne savait que leur dire. Le roi leur père, observant tout ce manège, finit par décider d'y mettre un terme avant que tous ne se rendent malheureux. Il fit donc appeler ses trois fils dans son cabinet privé.