Chapitre 9

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Finalement, l'entièreté des habitants du village éclata de cris, d'applaudissements et de félicitations. La majorité des spectateurs s'empressèrent de s'envoler pour rejoindre la vainqueur en contrebas et la portèrent en triomphe en scandant son nom avec enthousiasme. Je pouvais lire sur le visage d'Obsis une joie sincère pétiller dans ses yeux, une joie simple et saine qui ne ressemblait en rien à la fourberie qui teintait son regard avant le tournoi.

En me tournant vers les membres de la famille cheffe à mes côtés, je pouvais voir leur mal-être et leur inquiétude quant à ce qu'ils avaient vu durant la compétition. Aussitôt Babil avait franchi la ligne d'arrivée, encore sous le choc et perdu par les événements, que Sym s'empressa de passer par-dessus la barrière et de planer jusqu'à son aîné pour s'assurer qu'il allait bien. Elle fut bientôt suivie par sa mère puis par son père qui me proposa de monter sur son dos.

En arrivant en aval au niveau de la fin du parcours, je pus mieux voir la fête que les Piafs réservaient à la guerrière victorieuse : l'entourant de toute part avec agitation, ils se pressaient tous autour d'elle pour la féliciter et lui poser des questions émerveillées quant à sa performance. Harfor enlaçait sa fille par les épaules, la fierté scintillant sans retenue sur son visage. Il répondait à la place de la gagnante avec outrecuidance en bombant le torse et en frictionnant de son aile son enfant unique à chaque fois qu'il disait son prénom, tandis que la principale intéressée semblait se satisfaire de cette situation, souriant et riant librement.

"Babil tu vas bien ? s'inquiéta sa sœur en l'aidant à se réceptionner sur le sol.

- Tu n'as pas cogné la tour, lorsqu'elle t'a déséquilibré ? insista Dézelle, préoccupée, en cherchant le regard de son fils. 

- Non ça va, ne vous en faites pas..."

Le Piaf blanc se dirigea lentement vers un rocher non loin et se laissa tomber à ses pieds, s'adossant contre la paroi minérale en reprenant son souffle.

"Je comprends ce que vous vouliez dire les enfants, acquiesça alors Teba en jetant un bref regard derrière son épaule, où l'archère noire courait au milieu d'un couloir humain en écartant les ailes pour frapper dans celles tendues de ses admirateurs. Les talents d'Obsis ne peuvent qu'éveiller les soupçons, il est hautement improbable qu'elle ait acquis de telles capacités seule et en si peu de temps..."

Perdue dans mes pensées à la suite des dernières paroles de Teba, je me retournai en direction du triomphe qui se trouvait à quelques mètres : Obsis était toujours aussi rayonnante, néanmoins son arc se trouvait toujours sur elle alors que Babil s'était empressé de le lâcher une fois arrivé. Ne le quittait-elle donc jamais même lorsque celui-ci l'encombrait ?

Cette histoire de lueur rosâtre me perturbait toujours. L'arc était de toute évidence en bois exclusivement, alors comment ce dernier pouvait-il émettre de la lumière ? D'autant plus juste avant une utilisation et pendant un si court instant : ce n'était même pas une faculté assumée et permanente, comme si cet effet pourtant exceptionnel n'était pas destiné à être vu... Je repensai à la Lame Purificatrice, puis aux Gardiens que ma mère étudiait : un objet ne semblait émettre de lumière que lorsqu'il était habité d'une force qui le rendait actif. Et puis cet arc n'avait pas été conçu pour faire émaner de lueur, il s'agissait donc d'une force surnaturelle qui agissait sur sa nature...

Craignant la signification de ma propre hypothèse, je m'efforçai de chasser ces pensées de mon esprit et revint les pieds sur terre. Jusque là accroupie auprès de Babil, je me redressai et m'avançai vers l'attroupement de Piafs qui s'écarta aussitôt en me reconnaissant. La jeune vainqueur cessa sa conversation lorsqu'elle me vit émerger de sa foule d'admirateurs et se tourna vers moi sans aucune insolence apparente.

"Je tenais à te féliciter Obsis, commençai-je sur un ton neutre en fixant mon interlocutrice dans les yeux. Ta performance tenait de l'exploit, je suis heureuse que de tels talents demeurent en Hyrule et puisse la protéger avec leur expertise en cas de besoin. Continue de te perfectionner, et n'oublie pas d'où tu viens.

- Merci Votre Altesse."

Obsis, qui paraissait alors honnête et sans arrière pensée, effectua une modeste révérence. Mais au moment de se relever, la guerrière noire redressa brusquement le regard pour le planter dans le mien avec la même fatuité qui m'avait glacé le sang avant la compétition. Son regard, le temps d'une inclinaison, avait changé du tout au tout et les intentions et le jugement au fond de ses prunelles n'avaient plus rien à voir, tout comme ce léger sourire narquois qui étirait son bec. Cette schizophrénie inexpliquée était incompréhensible, c'était comme si deux consciences aux objectifs antinomiques habitaient successivement le corps de la jeune Piaf...

 Cette suffisance et cette perfidie soudaines et inexpliquées me raidirent et j'eus du mal à garder mon sang froid plus longtemps. Sans un mot ni une expression, je finis par me détourner et m'éloignai le plus possible de l'archère dont je sentais toujours les yeux aiguisés posés sur ma nuque. 

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Aventures de Zelda Raphaëlle Hyrule : 4.ObsisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant