IX

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       Une légère sonnerie raisonna dans la chambre plongée dans l'obscurité la plus totale, avant d'être rapidement interrompue. Il était l'heure...

Natacha ouvrit ses yeux et se leva du lit, calculant le plus petit de ses gestes, à l'affût du moindre bruit qui pourrait trahir son entreprise nocturne. Finalement, les heures d'entrainement à Montombe pouvaient s'avérer plus qu'utiles dans des missions telles que celle dans laquelle elle s'était lancée. Les nuits étant relativement fraîches pour cette fin de mois d'avril, la demoiselle enfila rapidement son manteau en  fourrant dans les poches son téléphone et une lampe torche dérobée dans les affaires de camping de son père. En prenant soin de ne pas faire grincer le parquet qui recouvrait le sol de la majorité des pièces de sa maison, elle s'empressa de quitter le domicile familial pour rejoindre le point de rendez-vous qui avait été fixé avec ses partenaires de crime.

Au dehors, l'air était, sans surprise, extrêmement frais et des volutes de buée s'échappaient par intermittence régulière de la bouche de la jeune fille, suivant le rythme de sa course rendu quelque peu maladroite par la fatigue qui engourdissait ses muscles. Les rues de Cheralye ne pouvaient sembler plus paisibles qu'à cette heure tardive, pas même l'ombre d'un chat ne se manifestait sur le trajet de la demoiselle. Un silence apaisé régnait en ces lieux et rappela à Natacha les nuits qu'elle avait passé ici même, seulement sept-cent ans plus tôt. En fermant les yeux, elle avait l'impression de sentir sous ses pieds les chemins en terre battue qui menaient à l'auberge de Bertha, elle crut entendre le bruissement familier du vent dans les feuilles de la forêt recouvrant en grande partie le domaine et au loin une voix rauque et puissant qui l'appelait par son prénom comme si celui-ci était le plus exquis des délices. Et cette voix ne pouvait appartenir qu'à une seule personne... Ce n'est que lorsqu'une larme réussit à se frayer un chemin entre ses paupières que la demoiselle prit conscience qu'elle s'était arrêtée en plein milieu d'un trottoir.

Au loin la cloche de l'église de la ville sonna la première heure du jour, troublant le calme du moment, mais rappelant aussi à la blondinette son objectif premier. Essuyant rapidement le coin de ses yeux, elle reprit sa foulée d'un pas quelque peu plus soutenu, ayant compris que ses compagnons devaient certainement l'attendre à l'heure qu'il était.

" Tu en a mis du temps, grommela Charlie la voix éraillée. Tu es tombée sur une tortue ninja en chemin ou quoi?

- C'est bon, les gardiens n'ont pas encore été remplacé, tempéra Alban qui regardait au loin les murs d'enceinte du grand musée.

- Je suis désolée." S'excusa platement Natacha, avant de suivre le regard du blondinet pour observer à son tour le bâtiment public.

Les murs n'étaient pas très épais mais suffisamment hauts pour dissuader quiconque de vouloir les escalader. Enfin, sauf Alban qui de toute évidence, n'était pas doté de la même force physique que tout le monde. D'un bond agile, il grimpa avec fluidité sur la surface lisse et rejoignit le haut du mur en quelques secondes. Si Charlie hallucinait devant sa souplesse, Natacha, elle, le scrutait avec attention sans avoir l'air d'être surprise. 

Sa théorie se confirmait, et bientôt, elle ne pourrait plus cacher cette évidence à sa meilleure amie. Elle passa nerveusement une main dans son cou, en se demandant si Alban savait qu'elle était elle aussi un Don. S'il avait vu la marque derrière son oreille qui la ralliait à cette étrange confrérie. Elle en doutait, puisqu'il ne lui avait fait aucune réflexion à ce sujet. Elle préférait garder sous silence sa nature exceptionnelle, ne connaissant pas réellement les intentions du jeune homme. Ce dernier leur lança une corde, et les deux filles s'appliquèrent à monter prudemment en marchant sur le mur. 

" Allons y",  chuchota-t-il après qu'elle furent arrivée au sommet. 

Charlie distingua le bâtiment qu'elle avait si souvent visité avec Nat'. Elle coula un regard attristé à la jolie blonde, qui ne devait probablement pas se souvenir de leur enfance heureuse. L'idée lui paraissait totalement tirée par les cheveux, mais elle savait pertinemment que Natacha était incapable de mentir correctement. Elle secoua sa tête pour remettre ses pensées en place. Elles avaient une mission, ce soir et elles ne devaient pas échouer. Ce collier était leur priorité, elles auraient bien assez de temps pour penser à toute cette histoire après avoir récupérer cette fameuse boîte. 

Le Temps Des Sortilèges - Tome 2 - Le ChoixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant