Le Temps Des Sortilèges - Tome 2 - Le Choix

XXIII

Alors qu'elle s'apprêtait à signaler qu'ils ne devaient pas s'attarder plus longtemps, Natacha eut le droit, ou plutôt la contrainte par Pablo, de poser avec le grand brun pour la rubrique histoire du magazine pour lequel ils effectuaient la séance photo. Cette rubrique avait été fraîchement ouverte en l'honneur du passé historique renommé de Cheralye, et le styliste avait fait des pieds et des mains à Natacha pour que celle ci fasse son fameux "air de grande Dame" et pose également en temps que mannequin. Ainsi, s'était elle ironiquement retrouvée en tenue du Moyen-Âge sans avoir eu le temps de donner son avis et elle avait atterrit sous le regard plus qu'explicite de son partenaire qui, lui, trouvait la situation tout à fait cocasse.

"Je vous interdis de vous gausser de la sorte, Messire Guillaume... Grommela la jeune femme en adoptant la position que l'excentrique styliste lui faisait signe de prendre.

Un genou à terre devant elle, le concerné qui, il est vrai, trouvait la situation comique, ne rit pas et se contenta d'observer la blondinette d'un air énamouré qui mit mal à l'aise sa coéquipière. Elle n'émit cependant aucun reproche, de peur que Pablo ne vienne en rajouter une couche en se mêlant de ce qui ne le regardait pas, comme il avait l'habitude de faire.
Une fois les derniers clichés pris, Pablo lui offrit de bonne grâce l'une des photos comme cadeau de remerciement, avec un clin d'œil lourd de sous entendus. Continuant sur sa lancée, le styliste donna à Guillaume quelques vêtements à sa taille en guise de payement pour la séance, au grand soulagement de celui-ci qui trouvait ceux du père de Natacha "légèrement" trop petit et trop étroit. 

Vêtu d'un jean simple, d'un tee-shirt blanc et d'une paire de baskets noires, il avait tout d'un jeune homme ordinaire et si Natacha n'avait pas connaissance de sa véritable identité elle s'y serait trompée, sans l'ombre d'un doute. Il fallait dire que malgré ses expressions étranges et son physique très avantageux, il avait tout d'un jeune de vingt-trois ans des plus banals, ainsi vêtu. Enfin, banalité n'était peut-être pas le mot, en vue des regards plus qu'équivoques que lui jetaient quelques employées de Pablo. Il était diablement beau, habillé comme il l'était. Le voir en jean et en tee-shirt fit naître un sourire au coin des lèvres de la blondinette. Et dire que cet énergumène dirigeait ces terres il y avait quelques centaines d'années, et qu'il se retrouvait devant elle en tenue si décontractée...

Si la décision de s'en aller fut vite prise, le départ, lui, fut des plus compliqués... Pablo leur entrava la route durant d'interminables minutes à tenter de négocier avec Guillaume et Natacha une sorte de "pseudo-contrat" pour que le jeune homme reste finalement en temps que son égérie masculine pour le restant de la session. Devant la persistance du styliste, les deux jeunes gens, fatigués par cette interminable journée riche en émotions, avaient fini par céder. Natacha voyait là l'occasion de ne pas avoir le géant incessamment dans les pattes, surtout qu'elle devait reprendre les cours le lendemain, la pseudo maladie de Zinaïda étant terminée. S'occuper de lui allait être compliqué si elle n'était pas présente pour surveiller chacun de ses faits et gestes...Elle était soulagée de le laisser à quelqu'un en qui elle avait parfaitement confiance.

 Pour le grand brun, il voyait dans cette activité l'opportunité de prouver à sa dulcinée qu'il pouvait parfaitement s'accoutumer à ce rôle de modèle et apprendre à se fondre rapidement dans ce décor moderne. Même s'il avait trouvé le couturier quelque peu agaçant, le travail fatiguant et, au premier abord, les costumes parfaitement ridicules, l'exercice s'était révélé amusant, les vêtements étranges mais étonnamment confortables. D'autant que le dit "Pablo" semblait savoir ce qui plaisait aux femmes dans cette époque. C'est d'ailleurs pourquoi il se répétait en son fort intérieur que, lorsqu'il en aurait le temps, il ne se priverait pas de lui demander certains conseils pratiques pour faire la cour à sa Dame, en adoptant les coutumes actuelles.