XXXI

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Le ciel d'un gris orageux menaçait au dessus des deux silhouettes longilignes encapées dont le pas martelait les pavés abîmés de la ruelle où elles évoluaient, silencieuses comme la mort. La brise fraîche qui les enveloppait n'avait rien de naturel. En effet, la température pourtant élevée à l'approche de l'été, semblait se refroidir considérablement dans le sillage de ces êtres à l'allure inquiétante. Des capuches dissimulaient leur identité, mais l'aura de malfaisance qu'ils dégageaient ne pouvait que confirmer leur appartenance à un groupe bien identifié... N'importe quel Don qui passait par là aurait tout de suite deviné qu'ils n'étaient autres que les suppôts de Satan en personne. Derrière eux, un reptile aux écailles pâles faisait difficilement onduler son corps blessé à leur suite. Le trajet se fit ainsi, sans un bruit ni une pause, tel un cortège de mauvaise augure, porteur de vices et messager de la mort elle-même.
Après de longues minutes, ils s'arrêtèrent finalement, comme un seul homme, devant la porte d'un bâtiment désaffecté, dont les murs abîmés par le temps semblaient être sur le point de s'effondrer. Après un léger temps de battement, l'une des deux personnes sortit lentement une main gantée de dessous son manteau, et leva celle-ci pour l'abattre lourdement sur la poignée de porte rouillée. Le silence accueillit le geste, et s'en suivit un grincement horripilant, signe que la porte s'ouvrait sans que personne n'aida. Une fois totalement entrebâillée, un courant d'air glacial parcourut l'atmosphère et le duo s'y engouffra sans plus d'hésitation.

Toujours sans un mot, ils se dirigèrent vers le fond de la salle où ils se trouvaient et s'engagèrent sur les premières marches de l'escalier métallique situé à cet endroit. La descente ne paraissait pas avoir de fin et semblait mener tout droit en enfer. Une fois en bas, ils continuèrent leur route dans un long couloir sombre, éclairé par quelques vieux néons clignotants. Autour d'eux les murs suintaient d'humidité et de moisissures, et le sol était recouvert d'une substance gluante dégageant une odeur putride et nauséabonde à laquelle n'importe quel être humain aurait succombé. Comme immunisés, les trois présences poursuivirent leurs routes sans s'en soucier de ce qui les entouraient. Damballah, le serpent blanc, était monté sur l'une des épaules de ses compagnons, peut désireux d'infecter sa blessure en la plongeant dans le liquide répugnant qui tapissait le dallage sous leurs pieds...
Leur périple s'acheva devant une nouvelle porte en bois sombre, que la première personne en tête de file poussa avec force, et sans aucune hésitation.

Une fois à l'intérieur, le décor changea radicalement. Contrairement à l'extérieur qui ressemblait à une sorte d'égout où s'amassaient toutes les immondices existantes, la pièce où ils se tenaient à présent était propre et bien mieux éclairée. Cependant, les murs où le rouge sang se mariait au noir des ténèbres, les chandeliers en argent, et le mobilier de matériaux sombres recréaient cette atmosphère peu rassurante qui régnait autour d'eux depuis le début de leur cheminement.

Aucune fenêtre ne donnait sur l'extérieur, pourtant de lourds rideaux et tentures ébènes ornaient la pièce assez dénudée de décorations. Dans le fond, se trouvait une cheminée ancienne aux chambranles travaillées et où brûlait un feu de braises rougeoyantes qui n'apportait cependant pas suffisamment de chaleur pour réchauffer l'atmosphère environnante.

Ôtant leur encombrante cape, les deux personnes posèrent celles-ci dans un coin avant de rejoindre le centre de la salle où avaient été disposés sept fauteuils en cuir vermeil, dont deux encore vides attendant leur occupant.

" Les égouts, vraiment ? Je te pensais plus raffiné que cela, Luxuria... Ironisa une jeune femme à l'aspect négligé tout en prenant place sur son fauteuil, jetant un regard dédaigneux à un homme d'une beauté surnaturelle.

Le concerné lui jeta un regard plein de mépris mais ne prit pas la peine de lui répondre affichant l'air supérieur qu'il arborait quotidiennement, et se concentra sur la dernière personne encore debout. Voyant qu'elle se faisait attendre, cette dernière prit place comme sa comparse avant elle et se pencha en avant tout en tendant son bras pour que le serpent qui était initialement sur son épaule puisse s'y enrouler. L'animal ne perdit pas de temps pour enlacé le membre ainsi présenté devant lui et s'installa autour du cou de son comparse avant de poser son regard rubis sur la petite assemblée. L'aura que dégageaient chaque personne présente concentrait toutes les vices de ce monde et rendait l'atmosphère extrêmement pénible à supporter. Le prédateur à sang froid ne put que se faire tout petit au milieu de cette insupportable tension.

Le Temps Des Sortilèges - Tome 2 - Le ChoixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant