Le vent soufflait doucement sur les vastes plaines vallonnées qui jouxtaient le domaine du sire Guillaume de Cheralye. Celui-ci était perché sur Raven, observant le paysage qui finissait de renaître entre les mains douces du printemps qui achevait lentement son travail. La famine qui les avait tiraillé durant tout l'hiver, avait été balayée au loin par le souffle léger de la brise printanière, apportant avec elle, des vivres en abondance. Bientôt, la saison des moissons se ferait sentir, et avec elle, la perte cruelle de la femme qui hantait ses pensées. Lorsqu'il observait ainsi la nature, pleines de promesses et de prospérité, il ne pouvait s'empêcher de songer à quel point elle semblait ignorante de son malheur. La vue de toute cette générosité naturelle après tant de malheurs aurait dû le réjouir, mais rien à un faire, son cœur demeurait aussi fermé qu'une huître.
Il avait cessé de se poser des questions depuis que le désespoir avait atteint son cœur glacé par l'absence du seul être pour lequel il battait. Tout lui semblait vain et creux, il avait la vague impression d'errer sans but dans un monde triste et fade dont les couleurs s'étaient volatilisé à l'instant même où les traits de sa Dame s'étaient eux-même estompés. S'il avait su comment pleurer, il l'aurait certainement fait. Mais les larmes n'étaient jamais venue et ne viendraient probablement pas. A la place, toute l'existence qu'il menait lui semblait vaine. Il n'était plus l'ombre de lui-même bien qu'il tentait sans arrêt de ne pas le laisser paraître pour le bien de son peuple.Et dire qu'il avait été si près du but. Elle avait accepté de le prendre pour époux, et de diriger à ses côtés le fief dont il avait hérité. Oui, sans aucune explication, elle avait littéralement et subitement disparu entre ses mains. Le jeune homme avait tout fait pour la retrouver, mais il devinait sans trop de peine que le pays qu'elle avait si souvent souhaité rejoindre depuis son arrivée, devait appartenir à une sorte d'univers parallèle ou une époque postérieure comme elle avait tenté de lui expliquer à Montombe. Il s'agissait là de la seule explication plausible qu'il avait pu trouver, n'ignorant pourtant rien du monde mystérieux qui entourait à présent son quotidien.
En fait, tout lui était égal à présent. Il arpentait les bordels pour essayer de trouver satisfaction ayant perdu tout espoir de revoir celle qu'il avait tant chéri durant ces quelques mois. Pourtant chaque fois, il ne parvenait pas à se laisser tenter par l'une de ces filles de joie, le cœur trop encombré du visage de sa douce. Les soirées sans but s'entassaient négligemment, tout comme le taux d'alcool qui lui permettait d'oublier la douleur de cette perte et le deuil qu'il était censé faire. Il s'adonnait également à l'entretien de son fief avec assiduité pour oublier son déchirement intérieur, mais il savait son travail moins efficace qu'avant. Tristan faisait tout ce qui était en son pouvoir pour alléger la tâche de son ami dont l'anéantissement était indescriptible. Il avait pris une grande partie des hommes en apprentis pour les entraîner, son cousin n'avait pas le cœur à enseigner l'art du combat à ses jeunes recrues mais il était plutôt enclin à se défouler sur elles, chose que Tristan voulait éviter par tous les moyens. Il n'arrivait pas à comprendre comment une femme pouvait à ce point changer la vie d'un homme. Il croyait en l'amour, certes, mais là, il s'agissait d'une véritable destruction sans espoir de renaissance. Il devinait que le cœur meurtri du géant brun prendrait un certain temps pour guérir, même si l'entaille était trop profonde pour ne laisser aucune cicatrice. Le lien que Guillaume avait entretenu avec la mystérieuse Blanche était aussi puissant qu'indescriptible et incompréhensible. Elle était apparue pour disparaître si vite et pourtant la trace de son passage demeurerait éternellement.
Tristan avait fait quelques recherches de son côté, afin de savoir s'il leurs était possible de ramener la jeune femme à Cheralye, et avait envoyé Gabriell dans l'espoir de joindre frère Athanase qui était lui aussi porté disparu depuis un certain. En effet, peu avant le départ de Blanche, Guillaume avait tout expliqué à son compagnon d'enfance, n'omettant en rien la destruction de l'abbaye par les Péchés Capitaux, et de son allégeance à leur cause. Si le blondinet en avait été surpris, il s'était relativement vite accommodé à la chose, et comptait sur le savoir du moine supérieur pour aider le seigneur à gérer la perte de la jeune femme. Mais il savait aussi que le vieil homme avait dû, lui aussi, être brisé par la mort de ses compagnons moines lors de leur dernière bataille, et comme il le redoutait, le retrouver n'allait pas être une mince affaire.
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Le Temps Des Sortilèges - Tome 2 - Le Choix
Historical FictionSortant d'un coma aussi long que mystérieux, Natacha refait lentement surface dans le monde qu'elle avait quitté pendant quelques mois. Ses sens sont perturbés et peu à peu les souvenirs reviennent en sa mémoire bien qu'elle ne sache s'il s'agit du...