Le Temps Des Sortilèges - Tome 2 - Le Choix

XV

Tristan s'engagea dans le couloir qui menait vers les cuisines, le brouhaha ambiant devenant plus fort à chaque pas. Il savait qu'il y avait toujours d'innombrables racontars que les femmes de ce château prenaient plaisir à se contre entre deux tâches, et il espérait trouver grâce à leurs oreilles attentives, la source de leur malheur rapidement. Mais il avait un atout dans sa manche, il savait déjà à qui il avait à faire : Ira. Le péché capital de la colère et cela lui conférait au moins l'avantage de la surprise. Pas de doute sur son identité, cette haine et ce mépris qui titillait tout le monde ne pouvait venir que de cet énergumène.

Il s'avança vers la porte qui donnait dans la pièce tout en longueur et passa sa tête dans l'embrasure.

***

De son côté, ignorant tout des découvertes de son cousin, Guillaume n'avait pas perdu de temps pour retrouver Gabriell et Raphaël dans la cour. Le milan au plumage ébène avait fait un rapport détaillé à son protégé et entretenait une discussion intérieure avec lui, tandis que la chouette écoutait leurs paroles, sans avoir la possibilité de participer à l'échange:

" L'ermite ne viendra donc pas. En conclut Guillaume, les traits renfrognés.

- Non. Confirma l'oiseau noir. Mais, de toute façon, je ne pense pas que ça change grand chose. Il n'avait pas l'air d'être au courant de la venue de cette Blanche version rajeunie. Il semblait même extrêmement surpris, tout comme l'était Athanase.

- En parlant de ce moine, quand compte-t-il revenir pour faire son travail? Il me semble que nous ayons déjà bien assez de soucis comme cela pour qu'il se permette de rester en retrait plus longtemps. Fulmina Guillaume, sous les yeux ébahis des deux compagnons ailés. J'ai fait preuve d'une patience extrême jusque là mais notre ennemi joue dangereusement avec mes nerfs.

- Il souhaite rester quelques temps encore. Pas plus d'un mois. Annonça le milan, surpris.

- Son égoïsme me révulse ! Nous avons besoin d'aide ici ! Mais gens se meurent, et lui profite de la montagne !!

Raphaël glissa un regard inquiet à Gabriell. Il n'avait jamais vu son protégé en proie à de tels débordements. D'habitude, le jeune homme aurait réfléchit avec lucidité, mais toute maîtrise semblait avoir quitter son corps au même titre que son esprit. Il s'abstint donc de lui confirmer que la petite blonde arrivée il y a peu, n'était pas celle qu'il attendait, du moins d'après Gabriell. Il craignait que la révélation ne lui fasse perdre le peu de lucidité qui lui restait, écartant ainsi les risques qu'il s'en prenne à l'enfant. Le grand brun serrait les poings comme si ceux-ci voulaient frapper son entourage. Raphaël, tout comme Gabriell, savaient pertinemment que le Don de Force pouvait se laisser facilement aller à la colère et à l'égoïsme.

La force était, sans conteste, le Don le plus difficile à maîtriser, car elle nécessitait sans cesse une bonne dose d'humilité et de douceur. Le péché suprême, Superbia, avait été jadis un Don de Force. Sa cupidité, son orgueil démesuré et sa vanité avaient eu raison de lui, et l'avaient poussé à agir avec égoïsme, plongeant son cœur à jamais dans les ténèbres. Gabriell sentit son cœur se fendre une nouvelle fois, lorsqu'elle comprit que l'histoire pouvait encore se répéter... Si Natacha, comme elle le croyait, était amoureuse du jeune homme, alors la jolie chouette ne pouvait que prier, afin que ce dernier ne succombe pas à l'orgueil.

***

Comme Tristan s'y était attendu, il y avait effectivement beaucoup d'animation dans la salle des cuisines. Les femmes parlaient ici et là, s'activant devant les fourneaux, plumant les volailles et s'acharnant sur les gamelles à récurer. Là encore, le jeune homme blond fut frappé par l'atmosphère lourde, malgré la vivacité des babillages incessants. Ira savait y faire avec les populations massives, il avait ensorcelé tous les habitants du domaines, de sorte à ce qu'aucun ne puisse se rendre compte de la mauvaise ambiance qui régnait. Il s'avança dans la pièce et fut accosté par les servantes avec qui il avait l'habitude de parler.