De la Terre comme au Ciel

Chapitre 6 : La Zone Noire

Par-delà l'Éther

Un nouveau tremblement vint fragiliser les barrières de l'espace qui se contracta brusquement par de sursauts irréguliers ; la membrane translucide qui divisait les deux mondes repoussa instinctivement la menace et la tempête redoubla d'agressivité. Fou de rage, les éléments se déchaînent, rutilent, crachent et lacèrent en poursuivant la danse éternelle d'un conflit aussi vieux que l'univers et la Vie.

C'est un amalgame obscur qui circule par des galaxies lointaines dans un flux éclatant mêlant supernova et trous noirs stellaires. Fracasse ! L'univers vacille dans un « Boum ! » gigantesque sous la force brute des camps adverses. Et ça recommence, encore et encore jusqu'à l'infinie. C'est une guerre dans laquelle se disputent des âmes pour mourir. C'est une guerre qui n'a pas de nom, un mur régit par les cris et les pleurs, qui doit tenir debout à tout prix sous peine de voir le monde et ses occupants se faire exterminer.

Lui, il le sait.

Dans cet enfer, dans ce chaos de prières et de colères, s'ouvrit un portail dans une pluie de segments sombres. Une créature indescriptible fit son entrée en poussant un grondement redoutable. Elle était immense et terrible, si ignoble et odieuse que rien ne pourrait la décrire.

-C'en est assez ! tonna-t-il, dans la langue obscure des astres. Ton deuil n'a que trop duré, Maė itakq ! Je t'ordonne de reprendre raison !

Dans cet enfer, dans ce chaos, une lumière blanche se détourna des combats pour le voir s'approcher.

-Encore toi. J'aurais préféré que tu ne reviennes plus me déranger.

-Et moi j'aurais préféré que tu te soucies un peu plus du sort du monde. Resteras-tu encore là à ne rien faire ?

La Déesse recentra son attention sur la bataille qui faisait rage. Deux siècles que le conflit éternel entre les forces du mal et les force du bien l'empêchent de rentrer dans le royaume Divin ; deux siècles qu'elle attend que tout prenne fin et qu'un nouveau début commence.

-Ma décision restera inchangée, déclara-t-elle, sans se donner la peine de le dévisager. Ce monde ne me concerne plus. Veux-tu que je te rappelle à cause de qui nous en sommes là ? Vous étiez ses protecteurs, vous n'avez été que des serviteurs inutiles jusqu'au bout, incapable de sauver votre Déesse. Et tu oses revenir pour me demander de vous sauver.

-Oui.

La créature garda le silence un bref instant avant d'ajouter d'une voix rude :

-Je t'ai laissé un siècle, même plus encore pour calmer tes larmes, mais rien n'a changé. Je ne veux pas te brusquer, c'est la dernière chose que je souhaite.

-Je suis surprise que tu ne l'aies pas déjà fait, gloussa l'autre. Tu parles, tu racontes, tu me menace mais je sais que tu ne me détruiras pas. Je me meurs, tu comprends ? Et c'est ce qui t'effraye. Tu refuses qu'une pièce si importante perde la vie si facilement. Mais le Jeu a commencé depuis bien trop longtemps et l'échiquier réclame le sang. Cette guerre devra prendre fin d'un instant à l'autre.

Elle fit une pause, et ajouta :

-Tu l'as senti, toi aussi. Ils se rejoignent tous au même endroit... Les Clefs du ciel et de la Terre. D'ici-là, les lunes Iresh et Élibi laisseront place à l'équinoxe solaire, il sera alors trop tard. La guerre qui gronde derrière nous détruira l'univers et tout se terminera. Le Faux-Dieu des Armées doit revenir, ou vous y passerez tous.

-Nous pouvons empêcher ça, protesta l'abomination avec fougue. Reviens sur Terre, au sens propre du terme, et venge-toi ! Prend le rôle de la Guérisseuse et soit notre guide. Tu es sa soeur, non ?