De la Terre comme au Ciel

Chapitre 12 : A l'aube des ennuis

L'amour d’un frère et d’une soeur, ce lien pur où nul autre n'a sa place, à nul autre pareil, cette intimité sur laquelle aucune enchère n'est possible, où le désir et la sensualité ont leur place parce qu'on connaît l'autre aussi bien que soi-même, aussi bien qu’un miroir pourrait refléter son apparence, dans l’ombre comme dans la lumière. Si le bonheur se trouve quelque part, c'est dans l'état de famille qu’ils ont construit depuis leur enfance. Ce lien qu’ils brisèrent si facilement sans aucune prise de conscience, lorsque, basculant d’un seul coup du côté obscur de la bête qu’ils devinrent, la rage de sang les dévora.

Cet état second peut-être invoqué sans intérêt à moins de s’abandonner à la folie meurtrière. Il n’apparait sous aucun nom propre et est un gène parasite qui va complètement perturber le système nerveux central du corps. Il apparait chez tous les Alshnis suffisamment âgés et a pour objet le carnage. Une fois sous son emprise, l’individu n’est plus accessible à la raison et se voit contrôler par l’entité supérieur : l’instinct. 

Satisfaire un instinct resté sauvage est incomparablement plus intense que mener des tragédies en une seule fois. Sous son autorité, l’Alshni devenu bestial tuera son père pour contrôler, assassinera son ami pour s’imposer car c’est lui le plus fort, c’est lui qui domine. Afin de dompter ce fléau devenu pratiquement invivable pour ses sujets, la Guérisseuse imposait sa marque à la naissance de chaque enfant afin que l’ensorcèlement fasse rapidement effet. Mais pour ceux ne l’ayant jamais reçu, ils n’y échapperont pas.

Bien avant…

Kéwal ignorait quand leur plaisanterie vira au drame ni ce qui les avait poussés à se jeter l’un sur l’autre. Les sens irrités et le sang bouillant, la dispute a éclaté très tôt et ce qui se passa ensuite ? L’Instinct l’a violemment repoussé au moment où ils échangèrent les premières frappes. Comment peut-on chercher à blesser l’autre simplement pour gagner ? Pour le moment, ils étaient inconscients de ce qu’ils faisaient.

La demi-Alshnie sentie le béton s’enfoncer dans sa colonne vertébrale. Propulsée contre le mur, elle leva précipitamment les bras quand un écran de flamme lui tomba dessus. Aussitôt, la chaleur se fracassa avec force sur son bouclier invisible, les flammes pourpres s’éparpillèrent dans tous les sens en sifflant tels des serpents en furies. Ses crocs grincèrent, elle devait plisser les yeux pour ne pas être aveuglée. Elle était coincée et à la merci de son frère.

Ce dernier, main grande ouverte, crachait des flammes comme vomirait de la lave un volcan. Le mur d’en face noircissait déjà de brûlé et de suie tandis que le sable fondait à ses pieds. Il se savait déjà gagnant de ce jeu insolite et pourtant il voulait du sang, il voulait faire mal, il voulait tuer. Son œil droit était devenu bleu indigo, son regard s’était fait mauvais, l’adrénaline courrait dans son corps et il avait encore la force de se battre. Dans un rugissement animal, il donna un violent coup de genou à la surface invisible qui l’empêchait d’atteindre sa proie quand, soudain, il vit le monde basculer.

Kéwal lui avait sauté dessus. Ses ongles enfoncés dans la gorge de sa victime, elle le plaqua durement au sol. Mais avant que la foudre ne les frappe, une main rugueuse s’empara de son poignet par derrière.

-Non, dit simplement Élawen.  

Elle se retourna d’un bloc pour lui arracher les yeux, toutes griffes dehors. Jamais elle ne l’atteignit. Aussi facilement que l’on pourrait jeter un mouchoir, il la balança dans les airs, au-dessus de lui. Ne tardant pas, Éloxim se redressa rapidement pour attaquer et il fut brutalement repoussé en arrière. Son nez se brisa tandis qu’il était propulsé par la force sur cinq mètres environ avant de se cogner au mur d’un bâtiment. Récupérant Kéwal dans ses bras, Élawen l’assomma d’un coup de tête et il y mit de la force car le sol se brisa pratiquement sous ses pieds. Le corps de la jeune fille s’agita promptement puis plus rien.