Chapitre 17 : Temps volé

32 1 0
                                    

Taillé dans la roche, un château de fortune, à peine visible à l’œil nu tant il était si bien fondé dans le décor du désert, se dressait tout le long du flanc d’une montagne sur une bonne quinzaine de kilomètre. L’édifice ne comptait aucune ouverture – si ce ne sont que de petits trous pour laisser passer l’air et quelque rayon du soleil –, l’unique entrée et sortie se trouvant cachée sous le tapis de sable chaud. Tranquillement, n’importe qui passerait à côté sans se douter qu’un nombre incalculable de vie s’épanouissaient dans cette montagne aux apparences ordinaire.

Si les têtes de serpents et les écailles visqueuses ont souvent données lieu à une ophiophobie des reptiles, alors il vaudrait mieux ne pas croiser la route de ces habitants au sang chaud se tenant sur deux pattes. Ainsi, les Yuan-Tis s’exposaient constamment au grand jour par petit groupe afin de n’attirer aucune attention sur leur repaire. En l’absence de créature plus raffiner à dévorer, ils se contentaient de chasser des monstres du désert et cela suffisait. 

Les Yuan-Tis sont des serpents humains, avec une combinaison de chairs humaines et de serpents obtenue par des rituels maléfiques enseignés par de mauvais dieux. Ils prennent différentes formes mais plus ils ressemblent à des serpents, plus ils pouvaient en général s’élever dans la société composée de créature humanoïde.

Ils considèrent encore que leurs dieux-serpents et leurs physiques reptiliens sont supérieurs à ceux de toutes les autres races, ils abandonnent en cela complètement leurs ancêtres humains. S’ils en ont l’occasion, ils se soumettent à des rituels pour pouvoir ressembler davantage à des serpents, mais ces derniers requièrent beaucoup de ressources, soit des plantes, du feu, de l’argile, la peau d’un Yuan-Tis sacrifié, un kilo de poudre de grandidiérite et enfin le sang d’une victime.

Les Yuan-Tis vivaient aussi bien de jour comme de nuit, infatigable et constamment en action. La colonie s’approchait rarement des agglomérations car seuls les plus forts s’y rendaient pour des raisons personnelles, souvent traduites par une chasse à l’homme. Leur intelligence les poussa à investir dans l’économie d’un pays où ils s’étendraient jusqu’à créer leur propre entreprise et leur communauté. Leurs noms aux sonorités aztèque soulevaient une peur froide.

Muztha s’élevait à la tête de cette communauté reptilienne. Sa stature imposante et son long museau composée d’une rangée de crocs acérés ainsi que ses six yeux rouges le rendaient effrayant. Deux cornes courbées en croissant s’exposaient de chaque côté de sa tête en partant vers l’avant. Ses écailles carénées se dressaient tout le long de son corps telles de redoutables défenses pouvant rivaliser avec l’acier des armes. Ses mains griffues ne lui servaient qu’à chasser et à tuer. Supportant toute sa masse par sa longue queue épinée de lézard, il se balançait d’un pas lourd pour marcher.

Muztha pouvait paraître trop grand et donc trop lourd quand il se déplaçait, mais dans le feu de l’action, sa vitesse pourrait surprendre même les plus rapides. 

En déplacement dans le milieu public, il devait respecter une règle vestimentaire stricte pour garder son autorité et une image parfaite digne d’un souverain. Un millénaire qu’il régnait encore, aussi bien à l’Etat d’une métropole que parmi les siens, sa réputation de tyran laissait derrière lui la méfiance et la rancune du peuple qu’il n’hésitait pas à châtier pour un plus ou un rien. Sa soif de sang ne s’étanchait jamais, sa cruauté effrayait même ses semblables. Mais quelque part derrière cette figure monstrueuse se cachait un rêve : celui d’imposer une dominance abstraite des reptiliens et d’en faire les citoyens principaux de ce monde. 

Dans son château de terre, avachit sur sa montagne de pierres solaires, Muztha dégustait, un large plat callé contre son esselle, des morceaux de viande crus qu’il avalait d’une bouchée. La grande salle où il se détendait était plongée dans l’obscurité, faiblement éclairé par des fleurs lucioles. Quelques Yuan-Tis circulaient par ici pour répondre de ses demandes, d’autres lui servaient de secrétaire concernant les réclamations du peuple, des mission importantes à remplir plus tard ou pour lui tenir simplement compagnie.

De la Terre comme au CielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant