Seconde confession

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     Mettre les pieds dans une église était pour lui aussi apaisant que douloureux. Mais son but n'était pas encore atteint et il ferait le nécessaire pour que sa quête se poursuive jusqu'au bout. Il trempa sa peau brûlée et brunie par le soleil dans le bassin d'eau bénite ; sa main plus précisément, et la porta à son front pour faire son signe de croix. Le curé, toujours présent sur place, marcha dans l'allée derrière les fidèles qui venaient d'assister à la messe et qui quittaient lentement les lieux, en contournant l'amérindien qui ne pouvait nier ses origines de par son apparence et le teint de sa peau. À la hauteur du nouvel arrivant, il s'adressa à lui avec humour.

- Si vous venez pour assister à la messe, c'était la seule représentation de la journée et vous l'avez manquée.

Amarok esquissa un sourire avant de répondre :

- Est-il trop tard pour les confessions ?

- Dieu ne compte pas le temps ici. Vous voulez le faire sur un banc ici ou dans le confessionnal ?

Le tueur regarda tout autour, puis en l'air. Cette église était bien différente de celle qu'il avait visitée pour sa première confession. Il regarda ensuite la dame qui se trouvait au centre de la salle et qui s'affairait à nettoyer et à replacer les livrets de prière.

- Ne vous en faites pas pour Martha. Elle est sourde et muette de naissance.

- Alors dans ce cas, mon père, le banc fera amplement l'affaire.

Les deux hommes prirent place sur le banc, à une distance de bras l'un de l'autre.

- Vous êtes de quelle origine, dites-moi ?

- Je suis algonquin.

- Plus jeune, à mes débuts dans la prêtrise, je visitais les villages tels que Manawan et Maniwaki, pour l'évangile et la confession justement. Mes vieilles jambes ne pourraient plus aujourd'hui.

Le tueur écoutait par politesse.

- Bon. Que voulez-vous confesser mon fils ?

- Vous êtes tenu à la discrétion, n'est-ce pas, concernant la confession ?

- Bien entendu.

- Même dans les péchés les plus graves ?

- Je suis là pour vous écouter fils, sans jugement aucun.

- J'ai failli à l'un des commandements de Dieu.

- Lequel ?

- Tu ne tueras point.

- Vous avez commis ce péché ?

- Oui, mon père, car elle savait, mais elle s'est tue.

- Mais, est-ce que cela méritait à ce point le pire des châtiments ?

- Mes ancêtres disaient : « Si tu veux parler à une créature du mal, tu dois parler son langage, pas le tien. »

- Mais, enlever une vie est un acte que seul Dieu doit appliquer et sait quand appliquer.

- Écoute le vent, il parle. Écoute le silence, il discute. Écoute ton cœur, il sait. Le mien sait, mon père.

- Ton péché a été entendu, mon fils. Puisse Dieu te venir en aide et lui seul te dictera le chemin de la rédemption de tes péchés, fils de Dieu.

- Sur ce, merci, mon père, je dois partir.

Amarok se leva et se dirigea vers la sortie d'un pas calme, laissant le curé songeur face à de telles confidences. Juste avant de franchir les grandes portes, le géant sortit de sa poche une allumette qu'il alluma en y frottant l'ongle de son pouce. Il regarda le curé dans les yeux tout en allumant un cierge. Il lança l'allumette dans le bassin d'eau bénite, mit son index à sa bouche pour signifier le silence et sortit de l'église.


L'affaire WaltOù les histoires vivent. Découvrez maintenant