Blanche-Neige

8 0 0
                                    


 

David Fournier, le randonneur, avait appelé la police qui avait envoyé sur place trois enquêteurs. La scène fut passée au peigne fin. Le corps était au sol, étendu sur le dos. La tête reposait sur un oreiller. La victime était vêtue exactement comme le personnage de Blanche-Neige. Aucune marque de violence apparente. Mais des vomissures au sol et sur le visage de la victime. Au sol, une pomme dont un morceau était manquant. Dans le coin, près du poêle à bois, un miroir sur pied où il était écrit avec du rouge à lèvres : « Miroir, miroir, dis-moi qui est la plus belle ? ». Sur la table se trouvait une photo en couleur, mais vieille et légèrement embrouillée, qui devait dater d'une trentaine d'années. Une note aussi. Un bout de papier déchiré et jauni par le temps. Comme une partie d'une vieille lettre écrite de la main d'un gamin, selon ce qu'on pouvait y lire.

« Elle fait exprès, j'en suis sûr. Elle s'assoit et on peut voir par où elle fait pipi. Elle sourit quand elle surprend le regard de quelqu'un entre ses jambes. Il la regarde comme papa regarde maman, quand elle met sa robe du dimanche pour aller en famille chez oncle... »

- Oncle qui ? demanda Jay Harrington à Florian et à Louis, ses collègues.

Il n'obtint comme réponse qu'un haussement d'épaules. Jay posa le bout de papier sur la table et prit en main la photo. Deux garçons et une fillette s'y trouvaient. Autochtones, mais Jay ne pouvait dire si c'était d'origine Cri, Montagnais, Attikamek ou autre. Presque le même âge en apparence, à l'exception de la fillette. Les gamins étaient devant un gâteau d'anniversaire. Sept ans et neuf ans, peut-être, se disait intérieurement l'enquêteur. La fillette avait quatre ou cinq ans, tout au plus. Un gâteau écrit Bonne fête, mais aucune chandelle pour établir l'âge. Derrière les deux garçons et la fillette, le décor commun des cuisines des années 70 à 80. Vieille tapisserie représentant des fruits et un réservoir d'eau chaude en arrière-plan. Les empreintes furent prises, mais il y en avait des différentes par centaines, car l'endroit était accessible à tous les randonneurs qui étaient de passage. Trouveraient-ils celles du suspect parmi celles retrouvées sur la table, les chaises, le poêle à bois, la porte, les fenêtres, la toilette sèche à l'extérieur ou les empreintes sur les murs également ? Les cendres du poêle à bois n'avaient rien à raconter sur la victime, après analyse. Ce n'est pas parmi celles-ci qu'il fut possible de retrouver les vêtements portés par la victime à son départ de chez elle.

- Une jupe fleurie et un chemisier rouge.

Répondit le mari à Florian qui le rencontra le soir même de la découverte pour lui annoncer la triste nouvelle. Un patrouilleur l'accompagnait.

- Monsieur Roméo Marchand ?

- Oui... Mais qu'est-ce qui se passe ?

- Vous êtes le mari de Jacynthe Gagnon ?

- Oui ! Est-il arrivé quelque chose à ma femme ?

L'homme affichait un air inquiet. Encore plus devant le visage malaisé des deux flics, dont l'un était habillé en civil et s'étant présenté sous le nom de Florian Ménard. C'est ce dernier qui prit à nouveau la parole.

- Monsieur Marchand, c'est avec un immense regret que je dois vous annoncer qu'un terrible incident est arrivé à votre femme aujourd'hui. Malheureusement, monsieur Marchand, votre femme est décédée.

Aucun son ne sortit de la bouche du mari, maintenant grande ouverte de stupeur. Les yeux baignant instantanément dans ses larmes. Un monde qui s'écroulait à commencer par ses jambes qui fléchirent, mais il fut retenu juste à temps par Florian et par le constable Turgeon.

Le sentier fut couvert par les maîtres-chiens et leurs bêtes qui ne trouvèrent étrangement aucune piste à suivre. Même que les chiens furent pris d'une certaine folie durant la traque, se retournant même vers les maîtres-chiens en grognant ou en gémissant. Du côté du stationnement à l'accueil, aucun vol de véhicule ne fut rapporté dans le secteur. Le morceau de pomme manquant fut retrouvé dans l'estomac de la victime, morte par étouffement, de ses propres vomissures lui ayant bloqué les voies respiratoires. La cause de ces vomissures provenait d'un curieux procédé qui avait dû prendre deux semaines d'analyse en laboratoire. Il fut établi que la victime avait ingéré une quantité de cortinaires si jolis. Un champignon toxique et mortel. Aussi, on avait retrouvé des traces d'un autre champignon mortel. L'ange de la mort ou l'amanite vireuse. Une autre plante n'avait pas encore été identifiée et se trouvait toujours sous analyse, vingt jours après le drame.

La victime fut identifiée comme étant Jacynthe Gagnon, 59 ans. Semi-retraitée, mais toujours secrétaire à la Commission scolaire des affluents. Une femme sans histoire. Ses deux fils, de 39 et 35 ans, ainsi que son mari, ne purent expliquer le pourquoi de sa présence en ces lieux, à une heure trente de chez elle. La voiture avait été retrouvée dans le stationnement de l'école où elle travaillait, mais il n'y avait aucune trace d'elle, et ses collègues avaient été formels sur le fait qu'ils n'avaient pas vu la victime, Jacynthe Gagnon, ce matin-là. La voiture et son pourtour ne révélèrent rien de plus, sinon qu'un objet appartenant à la victime se trouvait par terre, sur le bitume.

- Tu peux l'atteindre de ton côté ? demanda Louis à Jay.

Ils étaient penchés par terre, de chaque côté du véhicule, et regardaient l'objet.

- Oui, je l'ai, dit Jay qui prit l'objet en étirant le bras de tout son long.

Les deux se relevèrent en s'époussetant de leurs mains, les genoux et le ventre, maintenant empreints des saletés du sol.

- Un étui à lunettes. Elles sont encore à l'intérieur, dit Jay.

- Sûrement tombées au moment où elle sortait du véhicule.

- Échappée durant le kidnapping, peut-être.

- Sans doute.

Jay regardait tout autour sur les murs de l'école, afin de voir si des caméras s'y trouvaient. C'était négatif.

- Faudra voir s'il y a des témoins, affirma-t-il à Louis.

- Ouais. Mais avant, je vais appeler Florian pour qu'il demande au mari la description des lunettes, pour être certain que ce sont bien celles de la victime.

Sur les photographies judiciaires, la pomme attira le regard de Jay. Il suffisait, selon lui, de retourner sur les lieux avec une pomme de même variété, d'en découper un morceau et de la déposer où la première avait été trouvée, pour la regarder s'oxyder. En comparant l'oxydation de cette pomme à celle des photos de la scène de crime, ils sauraient, à peu de temps près, à quand remontait la scène de crime. Le temps exact n'ayant pu être déterminé avec précision par le médecin légiste. Florian, à l'écart de certaines règles d'éthique, prit la parole.

- On va être là un bon bout de temps si on fait ton truc avec la pomme. J'emporte ma ligne à pêche.

Ainsidébuta l'affaire Walt.

L'affaire WaltOù les histoires vivent. Découvrez maintenant