L'autopsie de Lago

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     Le deuxième jour suivant la découverte du corps, le médecin légiste fut en mesure de procéder à l'examen. Les plumes rouges, en grande quantité, avaient été collées avec une sorte de résine indéterminée jusqu'à maintenant, mais qu'il soupçonnait être la même que celle retrouvée dans le cas de Cendrillon. De la résine de sapin. Enlever ces plumes et nettoyer le corps avec un produit particulier était déjà une tâche ardue et inhabituelle pour le spécialiste. Il lui fallut six heures pour avoir devant lui un corps, sans trop d'obstacles à l'examen.

Déjà, un élément majeur attirait son attention. Une entaille de trente centimètres partait de l'estomac jusqu'au bas de l'abdomen. Elle avait été recousue avec un fil noir de gros calibre. Il s'attarderait à cet endroit après l'examen sommaire. Il s'étira le bras droit pour atteindre le chariot contenant ses outils de travail. Il prit de sa main gauche la poignée du luminaire, situé au-dessus de la table. Ce dernier pouvait être tourné en tous sens, approché ou éloigné, et ce sur toute la longueur de la table de dissection. Un examen sommaire de la peau, de la tête aux pieds, fut la seconde approche sur laquelle le légiste avait décelé, hormis l'entaille, un trou qu'il avait lui-même pratiqué deux jours auparavant. De légères particules visqueuses étaient apparentes autour du cou et on pouvait constater une certaine décoloration de la peau au même endroit. Aussi, une lividité cadavérique était visible sur le torse, sur le dessus des cuisses et un peu sur le côté gauche du visage. Sachant que le corps avait été retrouvé sur le dos, il savait que ce dernier avait été déplacé après la mort et que l'homme avait été positionné sur le ventre, le côté gauche du visage au sol après sa mort. La lividité était un processus naturel qui se produisait deux heures après la mort et qui faisait en sorte que certains vaisseaux sanguins s'ouvriraient et entraîneraient le sang par gravité vers le bas, aux endroits qui n'avaient pas été compressés. En appuyant son doigt sur l'une des parties marquées par la lividité, deux conclusions seraient donc possibles. Si la tache disparaissait, c'est que la mort, avant le déplacement du corps, remonterait à moins de douze heures. Si la tache restait, la lividité serait considérée comme permanente. Cela équivaudrait à une mort remontant à plus de douze ou quinze heures, avant le déplacement du corps. Il appuya de son doigt. Quelques secondes plus tard, la tache avait disparu. Le corps avait donc été déplacé entre la deuxième et la douzième heure de sa mort. Un échantillon de la particule visqueuse fut mis en sac pour un examen ultérieur. La première approche faite par le médecin légiste avait été de faire pénétrer une sonde rigide pour l'analyse thermique, par le Nomogramme de Henssge. De là, le trou qu'il avait fait dès l'arrivée du corps, même gelé. Le Nomogramme de Henssge était un outil utilisé dans la plupart des autopsies judiciaires. Il servait à estimer à quand remontait la mort. En partant d'un corps nu dans un air calme, le médecin légiste appliquerait ensuite l'une des vingt-cinq variantes de la charte qui comprenait ; des éléments de correction selon l'endroit où le corps avait été trouvé, les couches de vêtements, l'air ambiant et la température des quinze derniers jours, à l'endroit où le corps avait été retrouvé. Dans le cas actuel, le médecin appliqua le septième point de correction. Corps peu habillé, air en mouvement : CF = 0,9. Considérant les plumes comme étant un léger habillement. La température de la glace et le poids de l'homme entraient aussi dans ce calcul complexe.

Larigidité cadavérique aurait également pu être un facteur important de ladatation, en fonction des variantes qui accélèrent ou ralentissent le procédénaturel. Partant de la nuque jusqu'aux membres inférieurs, elle ne fut pasprise en compte dans ce cas-ci, parce qu'on avait retrouvé le corpscomplètement gelé. La méthode ne pouvait donc pas s'appliquer. Avant depratiquer l'incision en forme de y, il devait couper le fil noir qui refermaitl'entaille. 93 points de suture exactement. Les seuls bruits entendus étaientceux de deux lames des ciseaux frottant l'une contre l'autre en coupant et lecondensateur des compartiments refroidis se trouvant au fond de la pièce. Lasurprise fut de taille au moment de séparer la peau avec l'écarteur de métal.Plus d'intestins. À la place, un sac hermétique que le médecin mit dans labassine. Il arrosa ensuite, d'un minuscule et délicat jet d'eau, le sangcoagulé qui cachait le contenu. Plus les caillots glissaient vers la bassine plusle spécialiste devinait ce qui ressemblait à un appareil photo qui était enparfaite condition, selon les apparences. Il y avait même le fil debranchement. Un appel aux enquêteurs s'imposait.

L'affaire WaltOù les histoires vivent. Découvrez maintenant