27.

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Kyo et Sheran rejoignirent Abby près de deux heures après l'avoir quittée. Celle-ci dessinait des arabesques sur le sol, une proie déposée à ses pieds. Elle se redressa négligemment et un sourire s'épanouit sur ses lèvres à la vue de son frère accompagné par celui qu'elle avait décidé de sauver. Son regard dévia sur leurs mains jointes avant que Sheran s'échappe de ce contact dans un accès de pudeur déraisonné.

— J'y croyais plus, souffla la jeune femme.

— Désolé pour l'attente.

— Un peu plus et j'aurais pu préparer directement le repas du soir.

Elle désigna d'un mouvement de la main le lapin que des années d'entraînement lui avaient permis d'attraper sans la moindre difficulté. Une de ses prouesses dont elle ne se vantait plus tant elles étaient ancrées dans l'ordinaire.

Elle a pas perdu de temps, apparemment.

— Qu'est-ce qu'on fait ? s'enquit Kyo. On reprend la route ou tu veux qu'on le fasse rôtir maintenant, ton lapin ?

— Il reste deux heures avant qu'il fasse nuit, objecta Abby, d'une voix qui ne laissait suggérer aucune protestation. Si vous avez plus de messes basses à vous raconter, on peut bouger.

Elle l'a pas perdue non plus, sa grande gueule.

Kyo offrit un regard indifférent à l'animal qui reposait au sol. Au loin, il pouvait apercevoir les cadavres des soldats et cela lui apparut bien plus douloureux. Sheran se détacha véritablement de lui avec un regret muet et s'approcha de sa sœur. Il découvrit, au milieu de leurs affaires personnelles, des éléments intrus qui n'y figuraient pas avant leur départ. Une sacoche contenant quelques pièces d'or attira son attention alors qu'il demandait, d'une voix déjà pleine de reproches :

— Qu'est-ce que c'est ?

— J'ai pris quelques affaires aux soldats, répondit-elle, comme s'il s'agissait de la chose la plus normale du monde.

— On n'est pas des voleurs ! protesta son frère, avec virulence.

Pas sûr qu'ils en aient encore quelque chose à foutre de leur argent.

La jeune femme toisa le blond avec sécheresse. Elle détestait qu'on la contredise et n'y était pas habituée, pas depuis la disparition de leur père, en tout cas. Elle éluda, sans s'attarder sur la question.

— Ils sont morts, Sheran, et Kyo aura besoin de ça si on arrive à la frontière en un seul morceau. C'est pas juste pour le plaisir de les voler.

L'intéressé serra les dents et envoya la besace à son amant qui la réceptionna. Il n'approuvait pas l'idée de sa sœur, mais n'avait pas la moindre envie de créer des ennuis pour si peu.

— Tiens, lança Abby, tendant une seconde sacoche, plus petite que la première. C'est pas grand-chose, mais ça te sera sûrement plus utile qu'à nous.

Le ton était bourru et Kyo ne chercha pas à comprendre les raisons de ce changement d'attitude. Loin de la femme enjouée, inépuisable et d'un optimisme inébranlable, elle s'exprimait du bout des lèvres, un peu à la manière de son frère et ses mots transpiraient un agacement certain.

— Il lui arrive quoi, à ta sœur ? demanda l'assassin, mi-voix.

— J'en sais rien, elle est rarement comme ça.

Rarement ? Seulement les après-midi après avoir tué quelqu'un, c'est ça ?

Abby s'apprêtait à ouvrir la marche, fidèle à l'habitude à laquelle ils se conformaient tous depuis le début de leur périple. Elle s'immobilisa et leva la main, indiquant aux deux hommes de s'arrêter sans poser de question. Ses yeux scrutèrent les bois avec minutie et elle s'attarda sur plusieurs arbres assez épais pour y masquer une vie humaine. Soudain, alors que Kyo allait lui faire remarquer sa paranoïa croissante, elle clama :

Coeurs en cage [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant