Prélude

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Coral Gables (Miami), juin

Les premiers jours semblent s'étirer comme des années entières. Ils sont tellement remplis de vide qu'ils ne s'écoulent pas.

Dans la villa blanche, Woo-jae chute.

D'une
telle
hauteur,
c'est




interminable


Ici, tout est nouveau. Il ne parvient à se raccrocher à rien. Il ne sait pas quoi faire, quoi dire, où aller.

Il n'a pas d'endroit à lui. Celui qui lui semble le plus familier, c'est Elian, puis madame Hayes. Mais il ne peut pas rester agrippé à son meilleur ami ou à la mère de celui-ci toute la journée, et il se sent perdu.

Tout le monde lui laisse du calme et de l'espace ; on ne lui demande rien. 

Il ne se plaint pas : il est rempli de gratitude à leur égard d'avoir bien voulu de lui, rempli de gratitude pour tout ce qu'ils lui offrent comme gentillesse. 


Mais il erre sans boussole dans cette immensité.


« Sa » chambre, à côté de celle de l'Américano-coréen au premier étage, n'est pas à lui : c'est celle que les Hayes veulent bien lui prêter. Il n'y reconnaît rien non plus et il s'y sent terriblement dépaysé. C'est trop grand pour abriter sa solitude ; cette dernière y trouve trop d'écho. 



Seul dans la nuit, il ne dort pas. Il songe aux événements à Daegu, songe au passé puis, toujours, parce que c'est cela qui se trouve au bord de ses pieds, songe au futur. Mais

il n'y a rien à la lisière. 


Qu'une page vide, 


qu'un trou béant, 


qu'il ne sait pas comment combler. 


Il chute



mais
ne
s'écrase
jamais
nulle
part.



Il
continue
à
tomber ;
c'est



in
ter
mi
na
ble


Woo-jae a peur. Peur de ne jamais atterrir. Peur de ne jamais savoir quoi chercher. Qui est-il ? Où doit-il aller ? Que doit-il faire ? S'est-il perdu quelque part ou n'a-t-il jamais existé ? L'angoisse épouse le vide ; ils le dévorent, mais il n'est pas assez garni de substance pour qu'aucun puisse être rassasié.


Monsieur Hayes — « Ralph », comme il lui a dit de l'appeler, mais Woo-jae n'y parviendra pas — est un étranger, de même que Reign. Tous deux sont très gentils avec lui lorsqu'il les croise dans la maison ; il leur est très reconnaissant de leur accueil. 

Mais il ne sait pas comment leur parler. Il ne sait pas ce qu'ils attendent. Il est venu s'immiscer dans leur vie ; quelle opinion ont-ils de lui ? Quel comportement lui imaginent-ils, lequel souhaitent-ils qu'il adopte ?

Pour la première fois de son existence, il n'a rien à faire. 

À Daegu, il n'avait jamais de pause. À Séoul, les brefs moments pour souffler le dimanche après-midi étaient remplis par les propositions de ses amis. À Miami, en revanche, il n'a pas de tâches à accomplir, pas d'étude, pas de travail, pas d'obligations, pas de directives. 

Pour tout, on lui laisse carte blanche



— mais c'est trop de blanc.




Woo-jae vrille et chute dans l'espace, 

dans le temps,



i
n
t
e
r
m
i
n
a
b
l
e
m
e
n
t





🔽🔽🔽🔽

Si toi aussi tu as l'impression de chuter sans avoir rien auquel te rattraper, tu n'es pas seul(e) :
Suicide Écoute France : 01 45 39 40 00 -- Centre de prévention du suicide Belgique : 0800 32 123


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