Lorsque Woo-jae se réveille, il fait encore noir. Il lui faut un moment pour se rappeler où il se trouve ; il a la vague impression d'être à Séoul, mais son cerveau finit par se souvenir que ce n'est plus le cas.
Auprès de lui, la voix d'Elian lui indique de toute façon très vite la direction.
— C'est le matin à Coral Gables, mais les volets sont toujours fermés.
Après une courte pause, l'ancien chanteur reprend :
— Tu as bien dormi ?
— Je crois, répond Woo-jae avec un peu d'étonnement.
Il ne se souvient de rien ; il a donc dû traverser la nuit à bord d'un sommeil non-interrompu — une première depuis son installation à Miami.
— Et toi ?
— Très bien, dit Elian, et Woo-jae entend son sourire. J'ai vite pris goût à pouvoir dormir autant que je veux. Ça me rappelle les vacances quand j'étais ado.C'est seulement à cet instant que le Sud-coréen sent les doigts de son ami se dénouer des siens.
— Si tu veux te lever avant que je n'ouvre les volets ?
— Oui, acquiesce Woo-jae en passant une main sur son visage.
Il repousse la couette, fait basculer ses jambes en dehors du lit. Dans son dos, Elian s'étire.
— Ça ne te dirait pas d'aller faire un petit footing matinal ? Qu'on reprenne un peu un style de vie vaguement sportif ?L'ancien visual pivote vers lui, même s'il fait toujours trop noir pour qu'il puisse distinguer les traits de son compagnon. Il est surpris : Elian avait horreur de ce jogging à pas d'heure que leur imposaient au quotidien Manager Kim et l'agence.
— Tu voudrais aller courir ? vérifie-t-il de sa voix douce, prudente.
— Hmm, pas spécialement, répond l'Américano-coréen avec honnêteté. Mais je pense que ça nous fera du bien quand même. Parce qu'après avoir sué je ne sais pas combien d'heures par jour pendant des années, si on ne se bouge plus du tout, on risque d'enfler rapidement.De ceci, Woo-jae en est bien conscient. Il ose d'ailleurs à peine manger les repas que préparent Sophia ou madame Hayes de peur de prendre du poids. Il picore son assiette, à moitié parce que sa gorge est nouée en permanence depuis que le scandale a éclaté, à moitié car il est terrifié de perdre ce contrôle supplémentaire sur son apparence. Il ne se reconnaît déjà plus dans le miroir ; il ne veut pas ajouter des formes et des kilos qui l'éloigneraient davantage encore de Woo-jae Kyeong, le visual de 21st June. Bien sûr, il se sent terriblement ingrat à chaque heure de table de ne pas faire davantage honneur aux efforts des cuisinières, mais il n'est pas capable de se forcer pour cela aussi.
— D'accord, répond-il donc en se mettant debout. Je vais m'apprêter.
— Je t'attends en bas.
Le Coréen sait gré à Elian de ne pas lui faire remarquer qu'ils prendront de toute façon une douche en rentrant, qu'il n'a pas besoin de se maquiller pour aller faire du sport, et toutes les autres choses qu'une personne sensée pourrait avoir envie de lui jeter en constatant l'absurdité de son comportement.Personne dans la famille Hayes ne fait d'ailleurs de commentaire à ce sujet de manière générale, comme si c'était normal — pas même Reign et monsieur Hayes, qui n'ont pourtant pas l'habitude des obsessions de l'ancien visual. Woo-jae suppose qu'ils ont été briefés, qu'en réalité, ils s'étonnent peut-être, mais cela n'a pas trop d'importance tant qu'ils ne lui disent ou demandent rien.
Un quart d'heure plus tard, le jeune homme rejoint Elian dans le vestibule, blanc du sol au plafond comme le reste de la villa. Il se sent toujours perdu dans ces étendues immaculées où il n'est pas chez lui, mais la présence de son meilleur ami fait toute la différence, comme une ancre.
— Vingt kilomètres ? s'enquiert l'Américano-coréen en vissant une casquette bleu marine sur sa tête.
C'est la distance qu'ils couraient un jour sur deux lorsqu'ils étaient idols — et dix kilomètres les matins intermédiaires ; en toute saison, qu'il pleuve, vente, neige, que le soleil brûle ou que l'air saturé d'eau empêche la respiration.
— Oui.
— Tu me diras, ajoute Elian. Mais comme la chaleur est beaucoup moins humide, c'est moins pénible de courir ici, je pense. Si tu en as envie, on peut même tenter vingt-cinq kilomètres jusqu'à Virginia Key. Il y a un pont assez long au-dessus de la mer ; c'est sympa.
Woo-jae hoche la tête tout en ajustant lui aussi la visière de sa casquette.
— Quand on arrivera au moment de rebrousser chemin, je te dirai si je peux pousser encore un peu plus loin.
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Accord de sixte
Fiksi UmumC'est l'histoire d'un petit garçon transformé en visual. Tout est ©️Shukimo Studio/Alba.