L'animal qui les guide depuis quelque temp déjà ne lui fait ni chaud, ni froid. Elle ne ressent étrangement aucune crainte envers ce fourbe renard, mais n'est pas spécialement confiante non plus. Son ressenti est au centre de la balance, mêlant méfiance et confiance. En fait, il est neutre. Comme souvent.
Le paysage terne, presque mort qu'ils traversent ne lui arrache même pas un frisson. Elle promène ses yeux verts d'eau, où aucune émotion n'est visible, sur cet environnement désolant.
Apparemment, ce serait l'œuvre de leur proie, pour reprendre les mots de l'animal flamboyant. Mais Edwina n'y croit pas. Jamais une bête n'aurait pu détruire ainsi son habitat.
Elle secoue la tête et souffle. Elle ne comprend pas. Son cerveau s'embrouille dans la toile de ses réflexions.
Après plusieurs heures de marche, ils quittent le paysage désolé pour un environnement plus verdoyant. La luminosité commence doucement à décliner, donnant un caractère chaleureux au panorama qui s'étend sous leurs yeux. De nombreux arbres se dressent, serrés les uns contre les autres, et lancent à l'assaut du ciel leurs longues branches feuillues. Les feuilles miroitent, de centaines de tons de couleurs différents.
La perle de jour disparaît soudainement, happée par la grandeur et l'ombre d'une montagne lointaine. La végétation, sous les yeux ébahis d'Edwina, semble s'allumer dans l'obscurité nouvellement apparue. Les feuilles luisent d'une lumière bleue, pure. Les buissons, qui peuplent le sol aux pieds des arbres, sont phosphorescents, tout comme les délicats champignons et fleurs qui forment un parterre brillant.
Le groupe observe, les yeux grands comme des soucoupes, le monde de Mythomorphia qu'ils découvrent sous un nouvel angle. Même le Prince, qu'Edwina aurait pensé habitué, regarde la forêt lumineuse avec un air ébahi.
C'est magnifique. Les jeunes évoluent parmi ces lumières naturelles, les pupilles dilatées paraissant découvrir le monde. Le moment semble magique.
Soudainement, la monture d'Edwina, qui jusque-là s'est montrée docile, piaffe et s'arrête. La jeune fille presse ses flancs à plusieurs reprises, mais le cheval, les oreilles couchées sur son crâne, ne veut pas avancer. Il commence à piétiner sur place, et effectue des mouvements de plus en plus incontrôlés. La jeune fille n'a plus de prise sur l'animal, qui recule de quelques pas, avance, fait une enjambée sur le côté... Elle fronce les sourcils et essaie de reprendre la situation en main.
Ses camarades se sont arrêtés à bonne distance, observant le manège de sa monture. Tout à coup, comme piqué, l'animal bondit en avant puis galope. Les doigts de la jeune fille glisse le long des rênes, qu'ils finissent par lâcher involontairement. Une vilaine griffure due au frottement violent du cuir entaille sa paume droite. Edwina s'accroche comme elle le peut, les mains dans la crinière du cheval alors qu'elle tente vainement de le ralentir. Tandis que le vent hurle à ses oreilles et lui gifle le visage, elle entend un cri d'effroi quelque part derrière elle, suivi de quelques mots. Elle n'y prête aucune attention jusqu'à ce que son cerveau arrive à analyser l'information. La voix, pressante et alarmée, lui hurle de faire quelque chose, de s'arrêter ou d'arriver à faire demi-tour. La fin de la phrase est avalée par la vitesse, mais elle semble traiter d'un danger. Le cœur battant calmement dans sa poitrine malgré la situation, elle s'assoit violemment dans la selle et tire sur les rênes. L'animal secoue furieusement la tête et paraît ralentir.
Cependant, quoique fasse sa cavalière, il continue inlassablement sa course. La jeune fille commence légèrement à s'inquiéter. Contre quoi la voix veut-elle la mettre en garde ? Alors que la vitesse de sa monture ralentit peu à peu, ses yeux arrivent enfin à bien discerner la route. Ils s'écarquillent d'horreur lorsqu'ils aperçoivent le ravin abyssal qui arrive sur eux à toute allure.
Le cheval, qui vient de voir l'obstacle, comprend qu'il ne peut malheureusement pas le sauter et souhaite s'arrêter net. Il bascule son poids sur ses postérieurs, tend les antérieurs tandis qu'il redresse la tête. Edwina est fermement agrippée à son encolure, les yeux fermés.
Avec un violent à-coup, tout s'arrête. Le cheval reste quelques secondes dans cette position avant de se redresser violemment, oubliant sa jeune cavalière inexpérimentée. Celle-ci, qui était jusque-là couchée sur l'encolure de l'animal, ouvre les yeux pour se voir à présent parallèle au sol, le fessier décollé de la selle.
Elle se sent inexorablement glisser sur la crinière de sa monture, qui baisse la tête sous son poids, cou tendu. Edwina se rapproche dangereusement des oreilles de l'équidé, situées au-dessus du gouffre.
Elle tente de ralentir voire d'arrêter sa lente chute, mais l'animal commence à la trouver lourde. Il secoue alors la tête, et Edwina valse. Elle ferme les yeux lorsque ses mains quittent les crins de sa monture et son corps la sécurité d'un appui.
Elle ne veut pas se voir mourir. Elle ne veut pas penser à la mort qui l'attend, un sourire sadique aux lèvres, à la fin de cette chute interminable. Le vent commence à hurler à ses côtés, et le froid que procure la vitesse la saisit.
Elle ne veut pas se voir mourir, tout simplement car elle ne veut pas mourir.
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L'Esprit de la forêt
FantasíaMythomorphia : un pays onirique, où le chaos n'a jamais eu sa place. Shayna, Farid, Edwina et la fratrie Cécilia et Josh sont amenés dans ce monde de légendes à dos de créatures mythiques. Sur ces terres, ils vont vivre une incroyable aventure ; le...