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Les chevaux etaient prêts tôt dans la matinée. Je ne me suis pas demandée si Hylios avait pris assez de forces, car en deux jours, je pense qu'il pouvait se reposer autant qu'il le voulait.
"Au revoir", dit Pawen. "Les portes de la ville vous seront toujours ouvertes."
J'avais remplacé les vêtements noirs de fugitive pour une tenue de rouge, plus adaptée au combat. Je l'avais réclamé moi-même. Hylios avait retrouvé une de ses chemises systématiques. J'avais l'impression d'être de nouveau en route pour Vendel. Mais ce n'était heureusement pas le cas. Vendel était un passage qui était loin, désormais. Je n'y pensais presque plus. Nous sommes montés sur nos chevaux et avons entamé la marche.

Je me taisais. Je n'avais rien à dire. La fontaine n'étais pas si loin, et la pierre brillait quand nous prenions la bonne direction.
"Tu penses qu'on trouvera quelque chose là-bas ?", me demanda Hylios.
Il avait tenté plusieurs fois d'entamer une conversation, mais ça avait échoué à chaque fois.
"Je n'en sais rien."
Le soir tombait déjà. Le soleil m'éblouissait, et mon cheval avançait, impassible, jamais dérangé par le crépuscule qui approche. Puis, nous nous sommes arrêtés sous un petit regroupement d'arbres qui semblait être apparu d'un coup au milieu de la plaine. Hylios est descendu et m'a aidée à faire de même. Le sol était jonché de feuilles mortes rouges et dorées et j'avais presque l'impression de faire qu'un avec le sol de la forêt. Hylios ne voulait pas que nous fassions de feu. La pierre bleue, quant à elle, brillait insolemment, indiquant toujours la même chose : l'ouest. Je me suis adossée contre un arbre, ma pierre sur mes genoux. Hylios est arrivé.
"Ça va, tu n'es pas trop fatiguée ?"
"Non. Merci."
"On trouvera bientôt la forêt je pense. Elle brille beaucoup. Peut-être qu'on y sera demain. Quel vœu tu comptes faire ?"
"Je ne sais pas. Sur la guerre j'imagine. C'est plus simple pour s'en préparer."
"Et tu ne peux pas le savoir toi-même ? En étant Clairvoyante ?"
"J'ai des visions. Mais pas de date, ni de lieu. C'est ça que je cherche."
La forêt était humide et semblait être plus vivante la nuit que le jour. La lune était pleine et brillait d'un éclat doux. Hylios s'assied à côté de moi. Les feuilles crépitaient, elles faisaient le même bruit que le feu. Je me suis blottie contre Hylios et je me suis endormie.
Elles faisaient le même bruit que le feu.

"Un torrent de pluie.
Les nuages étaient noirs.
Toutes les torches étaient éteintes.
Les remparts étaient solides.
Ils se sont levés avec le soleil.
La bataille avait commencé."

Il faisait encore nuit. Hylios dormait toujours. Je me suis levée et ai marché un peu. Le ciel était parsemé d'étoiles, et je me plaisais à me dire qu'il était impossible de les compter. Je me suis mise à pleurer. Mais ce n'était pas des mauvaises larmes. J'avais l'impression de me débarrasser de la peur et de la faiblesse que j'avais en moi auparavant. Comme si elles s'en allaient avec les larmes. Je me suis jurée de pleurer que lorsque cela serait nécessaire. Quand je serai à bout. Quand je ne serai même plus capable d'expliquer la cause de mes pleurs. Je suis forte à présent. J'ai fait couler du sang plusieurs fois. Je ne suis plus la même, et je ne le serai plus jamais.

Nous avons repris la route. J'ai gardé la tête haute, et Hylios est resté à mes côtés. Nous avons vu une forêt au loin, que la pierre indiquait.
"Je pense que nous sommes arrivés", dit alors Hylios.
"C'est probable.", répondis-je.
Nous avons accéléré, et nous sommes entrés dans la forêt. Elle paraissait normale, comme les autres, bien que toutes les forêts ne se ressemblent pas. Mais celle-ci avait quelque chose d'anormal. Les paysages défilaient plus vite que l'allure des chevaux, et le type de végétation semblait changer de manière totalelnt aléatoire.
Tout devint noir.
La lumière revint lentement, pour nous laisser distinguer une clairière d'arbustes, au milieu de laquelle trônait une fontaine de pierre blanche et d'eau claire. À côté de cette fontaine se trouvait une jeune femme vêtue d'une robe blanche dont les longs cheveux blonds tombaient jusqu'à la ceinture.
"Bonjour, Absolus de Liéssance", dit elle. "J'ai déjà reçu ici la sœur de ce jeune homme. J'espère que l'enfant se porte bien. Je sais ce qui vous amène."
Nous sommes descendus des chevaux et avons avancé. Elle souriait d'un sourire étrange. Nous nous sommes avancés et l'eau nous appelait. Elle criait nos noms dans nos têtes et la femme posait sur nous ses yeux bleus clairs. Elle vint vers moi.
"Penche toi. Pose ta question. Dis ce que tu veux. Respire l'air pur de la vérité."
Je me suis penchée. J'ai inspiré.
"Guerre."
La femme m'a plongé la tête dans l'eau. J'ai fermé les yeux et je me suis débattue.
~Ne bouge plus. Ouvre les yeux. Regarde.~
C'est ce que j'ai fait. J'ai vu un emblème avec des remparts gris sur fond blanc. Je ne connaissais pas cet emblème. J'ai vu une longue route, un long convoi jusqu'à un fort. J'ai vu l'orage. Je me suis vue tuer des gens. J'ai vu la mort. J'avais la tête haute, sans pitié ni miséricorde.

J'ai arraché ma tête de l'eau pour respirer. Mes yeux étaient grands ouverts. Hylios était à côté de moi. Son regard était interrogateur, mais je ne pouvais comme rien lui dire. J'étais pétrifiée. J'étais devenue une statue. La femme lui demanda de s'avancer à son tour, ce qu'il fit à contrecœur. Elle lui mit la tête dans l'eau de la même manière. Il ets resté longtemps. Je ne sais si il allait voir la même chose que moi, mais j'avais l'impression que c'était interminable. Il sortit la tête de l'eau. Il pleurait. Il tremblait. La femme sourit, comme toujours.
"Aucune prophétie n'a comme vertu celle de l'or", fit-elle en tendant la main. Je sortis la bourse d'or et la lui tendit. Nous sommes remontés sur les chevaux et la fontaine disparut.

Hylios semblait dévasté.
"Je... J..."
Je me suis tournée vers lui.
"Je dois le dire, mais..."
J'ai attendu.
"J'ai vu que le Maître avait une femme. Une alliée. Elle se fait appeler actuellement ma Reine Noire, est très connue à l'ouest."
J'ai tendu l'oreille. Il déglutit. Je sentais que c'était compliqué pour lui de le dire, mais je n'arrivais pas à déceler la difficulté.
"Je l'ai vue."
Ça y est. Je voyais où il voulait en venir. Je voyais parfaitement.
"C'était ma sœur. C'était Orella Ostanar."

Edanaelda - Tome 2 - Tout est susceptible de changer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant