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"Comment tu trouve ça ?
Ça te plaît ?
Moi, beaucoup.
J'ai cherché beaucoup depuis que je suis arrivé.
Arrivée.
Enfin bon.
Tu sais quoi faire.
Le temps, c'est ton affaire.
Allez, fais-le.
Ne t'inquiètes pas.
Réveille toi.
Elle arrive.
ATTENTION !"

Je me suis réveillée d'un bond. Je l'ai vue, penchée sur la couche, un couteau au dessus d'Hylios.
"Noooooon !"
J'ai saisi son poignet, j'ai tenté de le tordre, mais elle était habile. Plus que moi. Heureusement, mes cris ont réveillé Hylios. Il a à peine eu le temps d'ouvrir les yeux qu'il nous a vues. J'avais toujours le poignet entre les mains. Elle tentait de se dégager, elle se débattait, forçait. Je pleurais, j'avais les yeux pleins de larmes, mais je pouvais quand même la distinguer. Hylios se déroba de sa portée, et lui saisit l'autre bras. Je hurlais. Je pleurais. Jaymery, alerté par mes cris, est entré, et nous a vus, Hylios et moi, tenter de désarmer la jeune fille. Il s'approcha d'elle avant de lui frapper d'un coup ferme la cage thoracique. Elle se mit à tousser, lâchant le couteau. Il prit ensuite une chaise et l'assoma avec. C'est à ce moment que j'ai aussi lâché prise. J'ai continué à hurler, à pleurer, je ne pouvais plus m'arrêter.

Une bonne vingtaine de minutes plus tard, la jeune fille, que Jaymery avait solidement attachée à la chaise, reprit ses esprits. Je pleurais toujours. Hylios avait enfilé sa chemise et me tenait dans ses bras. Je sanglotais encore et encore. Jaymery se baissa en face de la jeune fille.
"Nom."
Elle ne répondit pas.
"Tu mourras de toute façon. Tu préfères mourir sans que personne ne connaisse tes intentions ? Sans que personne ne se souvienne de toi ? Nom."
Elle soupira.
"Ekané."
Jaymery sourit de satisfaction.
"Motivation."
"Je veux venger mon mari assassiné hier par cet homme", dit-elle en désignant Hylios.
Jaymery se tourna vers nous.
"C'est quoi cette histoire encore ?"
Hylios me regarda puis se tourna vers Jaymery.
"Il avait menacé de la battre et de la violer."
Il soupira.
"Bon..."
Il se releva, ramassa le couteau à terre et me le tendit.
"À toi l'honneur."
Je l'ai saisi puis je suis allée vers Ekané. Elle voulait garder un air fier mais elle puait la peur. J'ai souri. Et là, son air hautain s'est effacé totalement. Elle était juste une pauvre enfant apeurée.
"Une dernière volonté ?"
"Va crever en enfer."
J'ai souri encore plus.
"Toi d'abord."
Et j'ai planté le couteau dans son ventre. J'y ai découpé la chair. Et, tout comme l'homme de la veille, elle s'écroula, les yeux vitreux. Mes larmes coulaient. J'ai serré les dents et une frénésie s'est comme emparée de moi. Je me suis acroupie à côté d'elle et ai continué à la poignarder, encore et encore. Jaymery voulut m'en empêcher, mais Hylios le retint. J'avais du sang partout. Sur le visage, sur les vêtements. Je ne pouvais plus m'arrêter.

"...Et c'est ce qui arrivera désormais aux traîtres", dis-je. "Je ne suis pas votre ennemie. Je veux me battre avec vous, pas contre vous. Mais ceux qui sèment le trouble seront punis."
Les gens écoutaient attentivement. Les parents détournaient leurs enfants du spectacle macabre. Certains ont commencé à applaudir. D'autres se sont abstenus.
"Jetez le corps.", dis-je en tournant les talons.
Les hommes qui avaient applaudi ont pris le corps frêle et démantelé d'Ekané et l'on jeté des remparts, comme son mari la veille.
"À présent, il faut reprendre le travail. Je vous y aiderai. Il faut que nous soyions soudés, c'est important."
Les gens s'en allèrent reprendre le travail. Je pensais la veille que c'était fini, mais, dans la nuit, le vent avait soufflé extrêmement fort et avait emporté quelques installations. Je me suis avancée vers plusieurs personnes qui refaisaient la barricade de la porte quand un enfant tira sur mon vêtement.
"Dame ?"
Je me suis retournée.
"Ma mère dit qu'on va mourir. C'est vrai ?"
J'ai souri faux.
"Non. Nous n'allons pas mourir. Nous allons nous battre et vous serez cachés. Ce sera fini très vite, et tu pourras rentrer chez toi."
Il acquiesça. J'allais m'en aller, mais il continua.
"Avant, dans la ville, il faisait tout noir. J'avais peur, le soir. Ma mère allumait une bougie, et la laissait toute la nuit. C'était ma veilleuse. Mais maintenant, elle dit que je suis trop grand. Mais les grands ils n'ont pas de veilleuses ? Ma mère m'a dit que pour les grands, veilleuse c'est une personne qui pourra nous protéger quoi qu'il arrive. Une personne forte qui n'a pas peur."
Je ne voyais pas où il voulait en venir.
"Je pense que c'est toi, Veilleuse. Parce que tu veilles sur nous, comme la bougie quand j'étais petit."
Il sourit, puis il s'en alla. Je suis restée debout longtemps. C'est moi, Veilleuse ? Je ne vois pas en quoi je les protège, j'ai tout de même tué deux des leurs. Mais cet enfant avait espoir. Si penser que je suis Veilleuse peut lui faire garder le sourire, alors je serai Veilleuse.

Hylios surveillait toujours les remparts. Il y était allé tôt ce matin, et, vers midi, quand le travail fut achevé, il y était toujours. Je suis montée le voir.
"Tout va bien ?", ai-je demandé.
Il se tourna vers moi.
"Je me suis dit que je devrais t'avoir remerciée cette nuit. Sans toi je serai mort."
J'ai haussé les épaules.
"Ce n'était qu'un rêve. Je me suis réveillée au bon moment, voilà tout."
Il sourit.
"Je vois. Je crois tout de même que ce n'est pas un hasard, tu sais. Tes rêves ne sont pas anodins."
Il s'est de nouveau tourné vers l'horizon.
"Tu as parlé avec un enfant, tout à l'heure."
"Oui, c'est vrai."
"Que t'a-t-il dit ?"
J'ai souri.
"Eh bien il m'a comparée à la bougie qui lui servait de veilleuse dans sa chambre avant. Il me disait que j'étais un peu une veilleuse aussi."
Il acquiesça.
"Ça te va bien. Tu fais bien de ne pas trop divulguer ton nom. Avec la Terre, ça risquerait de créer quelques... Problèmes supplémentaires."
"Oh, ne t'en fais pas, pas grand monde le sait. Les châteaux que nous avons croisés, toi, Jaymery. Et les Capes-Noires, aussi."
"J'ai confiance en Terre-Noire."
J'ai acquiescé à mon tour.
"Tu penses qu'il vont bientôt attaquer ?"
Il se tourna vers moi.
"Ce n'est même plus une question de jours."
J'ai acquiescé. Il faudrait que les hommes bénéficient d'un entraînement. Il faudra cacher les enfants. Nous n'avons rien fini.
"Je vais devoir y retourner, nous n'avons rien fini, encore."
J'ai voulu partir, mais il me retint. Je me suis retournée vers lui.
"Je t'aime."
J'ai souri, puis je suis partie en direction des barricades.

Edanaelda - Tome 2 - Tout est susceptible de changer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant