Edanaelda - Tome 2 - Tout est susceptible de changer

9

Dehors, le froid mordait, l'automne était là. La cour était dallée de gris et autour, les arbres laissaient tomber leurs feuilles.
"Eh !"
Je me suis retournée. C'était Jaymery.
"Je croyais que tu voulais t'entraîner un peu. Arrête d'être ainsi, pour l'instant, il n'est pas question de guerre. Les temps sont troublés, mais tout le monde reste en paix."
"Tout le monde à part nous. Si je peux me permettre."
Jaymery regarda autour de lui. Il soupira.
"Je comprends. Ne soit pas si dure avec Hylios. Il est dans le même état de choc que toi lorsque Vendel a voulu ta peau. Il réagit juste différemment."
J'ai acquiescé.
"Mais, jeune fille, un vrai combattant doit s'entraîner dur. Allons-y."
Je souris. Je sortis Rouge de son fourreau. Elle était parfaitement aiguisée, je le faisais assidûment tous les matins comme on me l'avait appris. Jaymery sortit la sienne.
"Elle a un nom ?"
"On ne demande pas ce genre de renseignements à son adversaire."
"Tu n'es pas mon adversaire."
"Elle s'appelle Quartz."
En effet, l'épée était incrustée de petits cristaux de quartz rose, très doux, qui donnaient un air de légèreté à l'épée. Il s'élanca. J'ai bloqué. Droite. Gauche. Je n'avais rien perdu. Haut. Bas. Blocage. Je m'élance. Esquive de coup haut. Tentative d'attaque. J'échoue. Attaque surprise de Jaymery. Je tombe. Je me relève. La lumineuse rendait ma vue trouble. Je me suis sentie trébucher et quand j'ai repris contrôle de mes sens, j'étais à terre.
"Et encore une fois je triomphe. Allez, lève toi."
Je lui tendis la main et il m'aida à me remettre debout.
"Je ne veux pas seulement être une bonne guerrière, Jaymery, je veux aussi être une stratège."
Il acquiesça.
"Tu es sur une bonne voie. Tout le monde le sait."
"Comment cela ?"
"L'un de tes titres est Sœur des creatures du ciel, n'est-ce pas ?"
"Oui."
"On t'as sûrement déjà dit que ces créatures étaient les dragons. En fait ton titre vient d'une légende connue des guerriers. Au temps anciens où les dragons combattaient avec nous, nous avons découvert qu'ils n'étaient pas de simples animaux. Ils ont aussi des fils, des empeureurs. Et ce sont les meilleurs stratèges que le monde ait porté. Un jour, le roi d'Ermise leur demanda si un jour les humains pourraient les égaler. Ils ont alors dit qu'un jour, quand la jour se sera levé, quelqu'un sera à leur hauteur. Et ce jour là on pourra l'appeler Sœur des Dragons. Mais jusque là c'était une légende."
"Pourquoi est-ce moi qu'on choisi toutes les légendes ?"
"Peut-être n'est-ce pas plusieurs légendes mais une entière. Nous n'en savons rien. Ce sont peut-être des fragments que nous avons interprété."
"Je vois. J'ai l'impression que tout ce qui est arrivé et tout ce qui arrivera est bien plus grave que je ne le pensais. Il faut que nous partions vite."
Jaymery prit un air désolé.
"Et tu sais où tu vas ?"
"Oui."
"Où ?"
"La sœur d'Hylios nous a donné une pierre bleue, qui est l'héritage de ses parents. Elle mène à une fontaine aux souhaits. Nous emporterons de l'argent pour payer les vœux que nous ferons. Et je demanderai des images de la guerre. Nous pourrons ainsi nous en préparer."
"Ah oui, la frangine Ostanar. Alors ? Comment est-elle ?"
"C'est une personne que le désespoir a rendu mauvaise."
"Je vois. Et Hylios ?"
"Quoi, Hylios ?"
"Qu'est-ce que ça lui a fait de la revoir ?"
"Pas grand chose. Il a eu les reproches qu'il attendait, et moi quelques une aussi. Enfin."
"Et pour votre départ, je préfère que vous soyez seuls. C'est mieux pour vous."
"Pardon ?"
"Je pense que vous avez des choses à vous dire. Et je ne veux pas être un poids. Accepte, je t'en prie. Il a besoin de toi. Et toi aussi, tu as besoin de lui."
J'ai regardé le ciel. Il était nuageux, les oiseaux volaient sans but. J'ai soupiré.
"D'accord. Nous partirons demain."
"Il le sait ?"
"Il le saura."
Puis je suis partie.

Sofielle arriva vers moi dans le couloir.
"Je ne viens pas pour te retenir. Je veux simplement te souhaiter bonne chance."
Elle sourit.
"Et puis... Terre-Noire est un peu votre maison aussi, vous êtes des Capes-Noires, au fond."
Je souris.
"Désolée de vous laisser si vite. Mais la guerre n'attend personne."
"Terre-Noire sera toujours avec vous."
Elle est partie. Je suis restée seule. Jaymery avait raison. Je ne savais pas si Hylios avait besoin de moi, mais moi, j'avais besoin de lui. Et maintenant plus que jamais. Je suis arrivée devant la porte de sa chambre et j'ai toqué. Il vint m'ouvrir. Son visage était moins blanc, manifestement je l'avais réveillé.
"Oui ?"
"Désolée."
Il sourit faiblement. Il tenait toujours la pierre bleue dans ses mains.
"Mes parents sont morts."
Je me suis sentie coupable. C'est vrai que la dernière chose qu'il a su avant d'être enfermé, c'est que ses parents étaient décédés, et la pierre bleue était la seule chose qu'ils avaient laissé de leur passage en Edenilde.
"Ils ne m'ont pas aimé comme je voulais. Mais je n'ai pas fait d'efforts non plus. Et aujourd'hui le poids retombe sur mes épaules."
Je l'ai regardé dans les yeux.
"Je pense qu'il faut qu'on mette les voiles demain. Cette pierre nous servira à quelque chose. Je le sais."
"Et après ?"
"Je ne sais pas. Je ne sais pas si les gens nous laisserons un jour en paix. Je ne sais pas si un jour on sera heureux. Mais que vaut nos vies par rapport à celles de milliers d'autres ?"
Hylios soupira.
"Toutes les vies se valent."
Je souris. Il fit de même.
"Tu voulais me parler ?"
"Je viens de le faire."
Il resta debout sans rien dire.
"Merci."
J'ai relevé la tête.
"Pourquoi ?"
"Pour être venue me chercher. Pour ne pas m'avoir laissé tomber."
"Je n'aurais jamais pu supporter de te perdre. Et puis maintenant... Nous sommes deux contre le monde. Nous avons un nouvel allié. Et tu es vivant. Cela vaut tous les sacrifices."
Il me prit dans ses bras. Je n'en avais pas envie. Mais c'était Hylios, et j'avais besoin d'Hylios, quoi que j'en dise. J'ai fermé les yeux.

"La forêt est claire.
La femme est habillée de noir.
Le muet respire des cendres.
Les royaumes sont en feu.
Le fort résiste.
Les guerriers rouges.
Ils tuent et pillent.
Le monde se lève.
Le bruit de l'acier.
Il m'endort."