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Je ne savais pas qu'un cheval pouvait courir aussi vite. Pawen était à côté de moi, le visage concentré sur le chemin, Hylios à demi endormi devant lui. Il avait ouvert les yeux. Il me ragardait d'un air paisible. Un doux sourire illuminait son visage. Je le lui rendis. La course folle continuait, et nous étions déjà loin quand le vent recommença à balayer nos visages. Hylios respira une grande goulée d'air, comme s'il n'avait pas respiré depuis une éternité.
"Où va-t-on ?"
J'ai haussé les épaules.
"Nous sommes à une heure de Terre-Noire. Nous pouvons vous y accueillir le temps qu'Hylios reprenne des forces."
Je souris à Pawen.
"Allons-y."
Pawen changea de cap, et nous l'avons suivi. En effet, le château de Terre-Noire n'était pas loin, il était même très proche. Pawen accélérait, et nous avions du mal à suivre. Le pont-levis du château était plus grand que le donjon de Vendel, et les briques grises donnaient un air très imposant à l'édifice. C'était sûrement le plus vieux de tous ceux que j'avais vu depuis mon arrivée.
"On y va."
Le pont-levis s'abaissa et nous sommes entrés. La ville n'était pas particulièrement joyeuse, mais elle ne semblait pas fausse, comme celle de Vendel. Le château, pour une fois, était juste à l'entrée, à l'intérieur de la ville. Pawen à laissé les chevaux, et a pris Hylios sous l'épaule pour l'aider à se tenir debout. Nous sommes entrés dans le château le plus imposant que je n'avais jamais vu. Ce n'était pas le plus somptueux, du tout, mais de loin le plus ancien. Il avait été conçu pour la guerre, ça se voyait. Aucun détail n'avait été omis.
"Sofielle !"
Le hall était désert. Hylios était en train de s'écrouler et Jaymery accourut pour aider le pauvre Pawen. Une jeune femme fit son entrée. Elle portait une petite robe de soie verte serrée au col par deux boutons d'argent. Ses cheveux bruns cascadaient le long de son dos et une mèche rebelle couvrait son front blême.
"Voici Sofielle de Terre-Noire."
Sofielle. Elle avait tellement changé. Elle avait vraiment l'allure d'une reine aujourd'hui. Elle me souriait et se jeta dans mes bras.
"Merci pour tout ce que tu as fais pour nous."
Je ne savais que trop dire. Elle me souriait d'un air d'ange. Elle se tourna vers son mari et vit Hylios. Elle retint un hoquet de surprise, et pris une chaise. Pawen assit Hylios dessus.
"Que s'est-il passé ?", demanda la jeune reine.
"On vient de le sauver d'Albanar. Vendel avait porté plainte contre eux.", répondit le jeune roi.
Sofielle se couvrit la bouche de ses mains.
"Je leur ai dit qu'ils pouvaient rester un peu ici. Le temps de le garçon aille mieux."
"Bien sûr.", dit Sofielle. Puis elle partit.
Il sourit.
"Dans ce cas, bienvenue", lança Pawen. "Je vais vous demander des appartements."
Jaymery était toujours là. Je me suis agenouillée devant Hylios. Jaymery se mit à siffloter. Je me suis tournée vers lui.
"Je vais vous laisser, je crois."
Il s'en alla. Je me suis retournée vers Hylios. Il avait les yeux fermés. J'ai dégagé ses cheveux noirs de son visage.
"J'ai fait un rêve...", murmura-t-il.
Je souris.
"Tu étais sur un cheval blanc. Tu me disais que bientôt nous serions tous les deux. Loin. Loin des hommes et de la guerre. Loin de ceux qui ne voulaient pas de nous. Tu m'appelais. Tu ne m'entendais pas te répondre. Mais tu souriais. C'était un rêve fabuleux."
Et ce n'en était pas un.
Pawen revint.
"On vous a trouvé quelque chose."

Les servants aidaient Hylios à s'installer dans son lit. Je suis restée dans l'encadrement de la porte. Comme à Erminalle, nos chambres communiquaient. Je préférais cela. Il était vrai que nous étions très jeunes, mais nous n'étions pas des enfants au fond de nous, et, même si ça avait été le cas, nous avons vécu bien trop de choses pour en rester. Nous étions bientôt majeurs en Edenilde, et, même si c'était bien plus tôt que sur Terre, l'attente était pour moi interminable. Quand les servants eurent terminé, ils s'inclinèrent et partirent. Je m'apprêtais à faire de même mais Hylios m'appela d'une faible voix. Je me suis approchée de lui.
"Je... Où sommes-nous ?"
Il faisait peine à voir.
"À Terre-Noire."
"Co... Comment sommes-nous arrivés là ?"
J'ai regardé d'un air piteux le sol.
"Je ne sais même plus. Je... C'était tellement rapide."
Il sourit. Il était épuisé. Je voulais le laisser dormir. Je me suis levée, mais il m'attrapa la main.
"Reste... Avec moi..."
Je me suis assise près de lui. Il respirait bruyamment, comme si il avait du mal. Je posai ma main sur sa gorge. Il avait froid. C'était normal. Il faisait si froid en haut de sa tour. Il me regardait. Ses yeux étaient de la couleur de la glace. Il me souriait. Il y avait de la chaleur, dans son sourire, une chaleur que je lui pensais incapable de me donner. Mais il était là, devant moi, et me prouvait que j'avais eu tort. Je lui rendis son sourire.

La nuit était tombée sûrement depuis longtemps, il devait être lune demi. J'étais allongée à côté d'Hylios, sur les couvertures. Il était collé à moi et souriait, comme si tout son être était en paix. Je venais de me réveiller, et lui dormait. Il était si paisible. Je voulus d'abord rejoindre ma chambre, mais j'ai vite changé d'avis. Je n'ai pas pu dormir pendant des jours, et je n'ai jamais été aussi sereine qu'aujourd'hui. Il y avait Hylios, le garçon que j'aimais, la chaleur qu'il dégageait, et un véritable foyer. C'est sur ces réflexions que je me suis rendormie, au même endroit que celui où je m'étais réveillée.

J'avais dormi des heures. Peut-être même des jours. Quand je me suis levée, Hylios dormait encore. Il était blême et de lourdes cernes bleues lui ceignaient les yeux. Je me suis rendue compte que les vêtements que je portais dataient du moment où nous étions partis d'Erminalle, et, même si ce n'était pas si loin, j'avais l'impression que ça faisait une éternité. Je suis sortie par la porte communiquante et suis entrée dans ma chambre. Je n'y avais pas dormi, mais je ne voulais pas laisser Hylios seul. Au moment où je me suis dirigée vers la porte, j'entendis comme un appel venant de mon lit. J'y suis allée et je me suis rendormie.

Edanaelda - Tome 2 - Tout est susceptible de changer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant