Chapitre 9 : De retour

31 6 1
                                    

Sur la Discorde, Mike Hamilton, second de Joe Turner, s'ennuyait ferme. La flotte n'avait pas bougé et attendait le retour de son capitaine. Il allait pourtant devoir prendre son mal en patience car Joe n'était parti que depuis trois jours. Pourtant, alors que le soleil commençait à décliner, il entendit la vigie crier : "Canots à tribord". Mike se précipita alors vers ce côté du bateau et vit qu'en effet, des dizaines de canots revenaient de l'île. Il fronça cependant les sourcils en ne reconnaissant par certains pirates. Ce fut pourtant la voix de Joe qui cria : "Vingt hommes sur Le Callisto, Le Solitaire et Le Victorieux, trente sur La Discorde, Le Résistant, Le Revenge et Le Philosophe et le reste sur El Niño. Le second vit alors avec stupéfaction les pirates inconnus se diriger vers les bateaux cités.

« L'échelle c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? »

Mike se reprit alors et lança l'échelle de cordages. Quelques minutes plus tard, Joe était à bord de son navire et certains canots repartaient vers l'île pour soi-disant aller chercher les autres.

—Tu m'expliques c'qu'il s'passe, demanda Mike à son capitaine.
—Allons dans ma cabine, ça sera plus simple.

Mike emboita le pas à son capitaine et son incompréhension grandit plus encore lorsque ce dernier fit signe à des pirates inconnus de le suivre.

Appuyé contre un mur, Joe triturait comme à son habitude le médaillon qui pendait autour de son con, avant d'expliquer la situation à son second.

Entre temps, Jessie avait libéré ses cheveux sous le regard de surprise de Mike.

—Tu veux dire que tu vas sur une île pour chercher un trésor et tu reviens avec une femme et son équipage, résumait-il finalement amusé.

Le regard taquin de Joe confirma ces paroles.

—Retournons sur le pont, intima le capitaine.
—Attend, je voudrais te parler, le retint le second.

A peine Jessie et son propre second eurent-ils refermé la porte que la mine du pirate devint grave.

—Tu tiens à perdre tous tes bateaux et ton équipage ou quoi ? Une femme à bord porte déjà malheur mais celle-là est encore pire : elle va déchaîner les enfers sur nous. C'est une vipère, une sirène, elle est mauvaise, manipulatrice et toi, tu te laisses guider comme un pantin.
—Vipère ou sirène ? Parce que c'est pas la même chose, tenta de plaisanter le jeune homme sous le regard réprobateur de l'autre.
—Joe...
—Je sais, je suis au courant des risques. Je maîtrise la situation plus que tu ne le penses
—Espérons que tu aies raison, marmonna alors Mike, peu convaincu.

Joe tapa amicalement l'épaule de son ami et sortit.

Après avoir rassemblé ses hommes autour de lui, Joe leur expliqua la conversation, présenta Jessie James et comment les choses se dérouleraient à présent : l'équipage de Jessie était réparti sur les différents bateaux. Cette dernière resterai avec Joe sur le navire amiral avec son second et quelques hommes. Voyant que la nouvelle ravissait peu son équipage, il poursuivit :

—En contrepartie, nous nous partagerons les 60% du trésor qui nous reviennent.

Jessie, jusqu'alors muette descella les lèvres et intervint :

—60% ? Et puis quoi encore ? C'est mon trésor.
—Et ce sont mes bateaux, riposta tranquillement l'homme.
—Nous avions convenu 50%, siffla-t-elle.
—C'est vrai, mais j'ai estimé que ce n'était pas suffisant. Mais si ça ne te plaît pas tu peux retourner à la nage sur ton îlot, ma chère rose.

Jessie pinça ses lèvres, mais se sachant avec un équipage plus que réduit et entourée d'hommes armés jusqu'aux dents et guère ravis de sa présence, elle fut contrainte d'accepter.

—Tu me le paieras, Joe Turner, murmura-t-elle.
—Avec plaisir, répondit-il avec un air malicieux.

Joe s'adressa ensuite à ses hommes : « On attend que les autres reviennent de l'île et demain à la première heure, on retourne vers l'Est. »

*

Deux semaines étaient passées et contre toute attente, Jessie et son équipage s'était intégrés à celui de Joe Turner. Ce dernier avait d'ailleurs apprit à connaître ce qu'elle montrait d'elle ainsi que Grant, l'armoire à glace à la figure défigurée par de grandes cicatrices qui faisait office de second à la femme. Désormais, dans le ciel on pouvait voir flotter et danser au vent les deux Jolly Rogers réunis l'un sous l'autre : le crâne couronné à la larme de sang de William O'connor repris par Joe au-dessus du pavillon de Jessie : un crâne immaculé surmonté d'une épée dorée et qui avait une traînée de sang sous la gorge. En le voyant, Joe s’était dit que jamais un pavillon n’avait mieux représenté un équipage et son capitaine.

Mike était à la barre en compagnie de l'un des hommes de Jessie. Grant jouait aux cartes avec d'autres membres des deux équipages tandis que Joe et Jessie étaient enfermés dans la cabine, penchés sur des cartes maritimes et discutant avec leurs conseillers de la meilleure chose à faire.

—Si on s'approche des terres, on aura plus de chance de trouver des bateaux, proposa Jessie.
—Je ne m'approcherai pas. Je ne vais pas risquer mes bateaux, mes hommes et ma vie pour toi. Restons en pleine mer et attaquons la prochaine flotte que nous croiserons.
—C’est trop hasardeux. Même en se mettant au milieu d'une route nous ne sommes pas sûrs d'en croiser et de réussir à être assez rapides pour l'aborder.
—On se met près du Cap de Bonne Espérance. On croisera rapidement une flotte là-bas et ça ne prendras pas plus de trois mois pour nous y rendre.
—Tu ne sais même pas où nous sommes exactement, ça pourrait au contraire nous prendre des mois, protesta Jessie, on devrait approcher des côtes.
—Tu sembles avoir oublié que nous sommes hors-la-loi. Si on s'approche et qu'on se fait capturer on sera pendus haut et court. Je veux mourir en mer, sur mon bateau et pas avec une corde autour du cou devant des centaines de curieux.

Sentant la tension monter, et craignant de se faire abandonner, Jessie abdiqua.

—Très bien, on fait comme tu le sens. Mais c'est moi qui récupérerai les bateaux abordés.

Le regard fier, Joe tendit la main vers elle pour qu'elle lui serre. Elle s'exécuta de mauvaise grâce, haïssant le fait d'être si dépendante du jeune pirate.

Joe TurnerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant