Chapitre 16 : Nostalgie de l'aventure

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A l’aube, les deux flottes se séparèrent pour rentrer chez elles, l’une alla vers l’Ouest, l’autre vers le Nord.

Jack, Billy, Mike et Joe étaient assis à même le sol sur le pont, ils parlaient pour faire passer le temps et le sujet dévia bien vite vers leur destination lorsque le second leur fit part de son impatience de rentrer chez lui.

—Ca y’est, on rentre enfin chez nous.

—Parle pour toi, bougonna Billy.

—Ça doit pas être facile d’avoir une vie, commenta Jack.

—C’est pour la bonne cause. Je ne suis pas souvent à leurs côtés mais au moins je leur permet de vivre.

Jack haussa les épaules et soupira et demandant ce qu’ils feraient une fois sur la terre ferme.

—Dépenser mon argent, profiter et c’est tout, répondit Billy dans un souffle.

—Comme à chaque fois ?

—Pourquoi changer ?

Billy et Joe rirent tandis que Mike questionnait le dernier du regard.

—Ça sera pareil pour nous trois, j’pense. On a pas tous la chance d’avoir une famille.

—Ou même une maison.

—Fallait pas partir de chez toi si tu voulais une maison, se moqua Jack.

Nombreux étaient les pirates qui n’avaient en effet pas ou plus de famille. Joe, enlevé par William n’avait jamais revu son village perdu sur une île de l’Océan Indien ou sa famille. Il avait une dizaine d’année et avec le temps, il avait fini par trouver un modèle paternel en la personne de l’ancien capitaine, et oublier ses géniteurs. D’eux, il ne se rappelait que l’accent irlandais : ils avaient quitté Belfast quelques années avant la naissance de leur fils ainsi qu’une comptine que sa mère lui chantait autrefois. Et certaines nuits, ses yeux bleus venaient hanter les rêves du capitaine. Jack quant à lui, venait d’une famille de marchands qui l’avait jeté dehors lorsqu’il avait émis le souhait de prendre la voix de la mer. Tout comme son capitaine, il ne les avait jamais revus. Billy s’était lui retrouvé par un une succession d’événements sur le bateau : d’une famille pauvre, il avait quitté la maison pour rejoindre  et espérer trouver un travail. Puis il avait profité d’une escale du corsaire Edward Mansfield pour se faire engager à l’âge de dix-sept ans. Mais à sa mort un an plus tard, son successeur avec qui il avait eu de nombreux conflits lui avait demandé de quitter la flotte. Ce fut à ce moment qu’il fut récupéré par O’Connor.

Ces histoires étaient similaires pour de nombreux pirates : peu étaient ceux qui choisissaient volontairement la voix illégale de la mer. Parmi les hommes de Joe se trouvaient des anciens esclaves, comme un des coqs, Harry, qui pour éviter de se faire punir après s’être enfuit, avait quitté la terre. Mais aussi des prisonniers d’autres équipages ou des exilés. Un véritable mélange d’hommes venant de tous horizons.

Billy s’étira longuement tout en observant les autres membres de l’équipage vaquer à leurs occupations.

—Alors qu’on a pas arrêté depuis deux ans, ça va être étrange de ne plus rien faire.

—T’as peur de t’ennuyer, demanda Mike avec amusement.

—On n’s’ennuie jamais sur terre, répondit-il avec un sourire mutin.

Le silence retomba quelques secondes et Jack observa Joe, perdu dans ses pensées, avec attention. Celui-ci, se sentant épié, finit par relever la tête.

—T’es pas bavard, commenta Jack en attirant la curiosité de ses deux compères.

Joe fronça les sourcils.

—Comment ça ?

—D’habitude tu parles plus que ça. Y’a quelque chose qui va pas ?

—C’est par rapport à Jessie, demanda Billy avec son éternel sourire en coin.

Joe soupira et passa une main sur son visage avant de répondre d’une voix lasse.

—Non, ça n’a rien à voir. C’est même mieux qu’elle soit partie. Elle aurait fini par nous attirer des problèmes. C’est juste que j’ai l’impression de ne plus avoir d’objectif, devant l’air interrogateur de ses amis il expliqua, avant c’était William qui décidait. Puis quand je suis devenu capitaine, j’ai voulu terminer ce qu’il voulait faire. Ensuite, on a été bloqués sur l’Île et on a aidé Jessie. Pendant deux ans, on a toujours eu un objectif, on savait toujours quoi faire le lendemain et où aller. Mais maintenant que tout est finit, qu’on a plus rien à faire j’ai l’impression que retourner sur la mer n’aura plus de sens. C’est vrai, qu’est-ce qu’on y fera ? On ira de mer en mer sans but précis pour attaquer les bateaux et les voler. J’dis pas que je veux tout arrêter. Jamais. J’ai vécu sur un bateau et je mourrai dessus. C’est juste que…

Billy posa une main sur le bras de son ami, l’interrompant. Il avait compris ce qu’il voulait dire, malgré sa difficulté à l’exprimer. Et même s’il ne partageait pas les mêmes craintes et incertitudes, ses décisions étant dictées par celles de son supérieur, il entendait que ce dernier puisse ne plus savoir sur quoi se concentrer, après deux ans à avoir été guidé par des quêtes précises.


—On a confiance en toi, capitaine. On sait que tu sauras quoi faire et on te suivras dans n’importe laquelle de tes décisions.


Petit point précision sur Les pirates : ils existent depuis l'Antiquité où régnait, notamment sur les mers, la loi du plus fort. Etymologiquement, il vient du latin "pirata" qui signifie "celui qui est entreprenant", qui vient du grec "peirates" qui signifie 'bandit", dérivé de "peiraô", "tenter sa chance à l'aventure". (Merci Wikipédia). En gros, les pirates sont des bandits qui attaquaient et pillaient les bateaux. Même s'ils ont plus ou moins toujours existé (et existent encore), la piraterie a connu deux périodes d'âge d'or au Ier siècle avant J-C en Méditerranée et à la fin du XVIIème siècle et première moitié du XVIIIème siècle dans les Antilles et l'Océan Indien. Ils pouvaient attaquer aussi bien les navires que les villes et villages côtiers, de nombreuses attaques sont d'ailleurs connues comme la prise de Maracaibo par Henry Morgan.

Les conditions de vie des pirates étaient dures: ils mangeaient rarement à leur faim , n'étaient pas riches et mourraient jeunes au combat ou de maladies.

Mais tous ceux qui pillaient les bateaux n'étaient pas des pirates: il existait les célèbres corsaires: ce sont des sortes de pirates légaux, autorisés par une lettre de marque à attaquer tout bateau n'étant pas allié à leur pays. Mais aussi les flibustier, qui sont en quelques sortes à mi-chemin entre les pirates et les corsaires. A l'origine, ce sont des Hollandais qui se sont révoltés contre la domination espagnole. Les flibustiers étaient donc considérés comme des pirates pour les espagnols mais comme des corsaires pour leurs alliés. Peu à peu, ils vont s'éloigner de la piraterie pour se tourner vers l'aventure, les guerres et le commerce.

Joe TurnerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant