Chapitre 3 : Le Leviathan

65 9 3
                                    

Joe ressorti, abattu. Il allait s'asseoir sur un des ponts lorsqu'un grondement lointain attira son attention. Le jeune pirate regarda avec anxiété l'horizon noire se répandre jusqu'au-dessus de leurs têtes. En quelques minutes le ciel s'était assombrit, le vent s'était levé, les vagues se déchaînaient et un grondement de bête féroce retentit partout autour d'eux.

—C'est un léviathan, hurla l'un des pirates, visiblement terrorisé.

Joe se retourna vers lui et la terreur le gagna à son tour. Si le monstre arrivait sur eux, ils n'en ressortiraient pas vivants.

Le Léviathan, le second, prit alors les commandes en hurlant des ordres pour tenter de les sauver du joug du monstre marin.

Chacun tenta alors d'aider tout en se protégeant eux-mêmes. Ainsi, certains s'enfermèrent dans les cales, d'autres s'attachèrent aux cordages tandis que les plus courageux, Le Léviathan compris, restèrent sur le pont et défièrent la mer.

Joe faisait partie de ceux tentant de décrocher la voile du mat, comme l'avait ordonné le second afin d'empêcher la mer et le vent d'arracher une partie des navires.

—Vous inquiétez pas les gars, Le Léviathan va nous sortir d'là, tenta de rassurer un des pirates.
—Et comment, hurla Joe malgré lui tout en tentant de couvrir le bruit des vagues.
—J'suis avec lui d'puis des années. C'était mon capitaine avant même qu'il rejoigne O'connor. Un jour on s'est fait attaquer par un léviathan comme c'lui-là. Fallait l'voir l’capt’ain : debout à défier cette créature du Diable. Ce jour-là, on a pas perdu un seul homme ni un seul bateau. C'est comme ça qu'il a gagné son surnom de Léviathan. Si y'en a un qui peut nous sortir d'là, c'est bien lui.

Joe regarda avec un œil nouveau cet ancien capitaine qui, une seconde fois, défiait les vagues venues tout droit des profondeurs de la terre.

La lutte contre les éléments sembla durer des heures. Les pirates crurent un moment qu'ils pourraient vaincre. Mais une vague colossale vint les contredire. Elle monta haut dans le ciel et s'abattit vers le Carmélide. Le bois grinça puis se fracassa sous la violence du choc.

Joe se retrouva à l'eau, il crut se noyer de nombreuses fois avant de réussir à remonter à la surface. Il lutta contre les vagues de plus en plus puissantes qui menaçaient de le submerger et chercha avec des yeux inquiets le navire amiral et son sang se glaça lorsqu'il assista, impuissant, au naufrage de celui-ci. Coupé en deux, la poupe avait déjà sombré dans la noirceur de l'océan tandis que seule la sirène de la proue flottait, lui rendant un dernier salut de ses yeux espiègles avant de disparaître, à son tour avalée par le monstre.

Regardant rapidement autour de lui, Joe vit de nombreux morceaux de bois à la surface. Des dizaines d'hommes étaient à l'eau. Trop peu nageaient encore.

Désespérément, le jeune pirate s'accrocha à un bout de bois où la délicate lettre 'C’ était encore visible, dernier pied-de-nez de l'océan au pauvre jeune homme. Alors il attendit. Il eut l'impression que les flots des enfers se déchainaient contre lui. Et alors que la douleur dans ses bras fut trop forte, qu'il était sur le point de lâcher pour se donner à la mer, le monstre marin s'éloigna, comme repu. Et Joe resta là, cramponné au bois comme à sa propre vie. Le pauvre pirate cru qu'il finirait ses jours ici, mais alors qu'il sentait ses forces s'amenuiser de plus en plus, et sa vue se brouiller, une forme apparut au loin. Un bateau. Malgré le risque que ce soit le celui d'un autre pirate, d'un corsaire ou pire, d'un capitaine d'une flotte royale, l'espoir renaquit aussitôt. Et quelques minutes plus tard, son calvaire prit fin lorsqu'il reconnut le pavillon de William O'connor flotter au vent. Avant même d'avoir eu le temps de penser à son père adoptif, il saisit la fine échelle de cordage envoyée par l'un des marins.

C'est avec un immense soulagement que Joe fut hissé à bord. Il tomba, épuisé, dans les bras du premier pirate qu'il vu. La respiration rauque, la gorge sèche et plus fatigué que jamais, Joe tenta alors de remettre de l'ordre dans ses idées. Après avoir repris son souffle, il s'adressa à l'un des hommes d'une voix plus cassée qu'il ne l'aurait voulu.

—Vous... Beaucoup de morts ?
—Une dizaine de bateaux ont coulé, on a repêché quelques gars mais pas beaucoup, une petite centaine.

Joe hocha la tête et après avoir vidé la gourde d'eau que l'homme contre qui il était tombé lui avait apporté. C'est alors qu'il regarda la mine défaite de presque tous les hommes présents à bord, ainsi que sur tous les autres bateaux, regroupés autour.

—Euh... Le Léviathan veut te parler. Il est dans la cabine.

Joe fronça les sourcils et après avoir repris un peu de contenance se dirigea d'un pas qu'il voulait sûr, vers la petite pièce retournée.

Joe TurnerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant