Chapitre 21 : Une rencontre en haute mer

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La séparation avec Léviathan après quelques jours de cohabitation bonne enfant permit à Joe de se reconcentrer sur ses propres objectifs. Il navigua ainsi au grès du vent pendant plusieurs semaines, se rapprochant parfois des côtes Africaines dans l'espoir de croiser un navire. Son vœu ne fut exaucé qu'à la moitié du premier mois de l'année mille-six-cent-soixante-quatorze.

« Capitaine, avait hurlé une voix depuis les hauteurs du mât, navire à babord. »

Joe s'était alors précipité de ce côté et avec sa longue-vue, avait longuement observé les trois galions qui semblaient encore plus gros que le navire amiral du pirate. Un sourire aux lèvres, Joe s'était alors retourné et avait balayé du regard l'assemblée de huit-cent hommes qui depuis ses différents bateaux, attendaient le moindre de ses ordres. A ses côtés, le regard brillant d'une nouvelle flamme, Mike était prêt

—T'es avec moi ?
—Jusqu'au bout du monde.
—Et si on va plus loin que le bout du monde ?
—Alors je te suivrais jusque dans les profondeurs de l'enfer.

Satisfait par cette réponse, Joe tapa amicalement l'épaule de son second et lui donna ensuite ses ordres. Aussitôt, Mike les relaya et s'assura que tous se préparent à l'abordage de ce qui semblait être des navires de la couronne espagnole.

Mais alors que le pavillon était levé et les premiers forbans prêts à attaquer ;

— Capitaine, cria la vigie, un autre bateau les attaque par l'autre côté.

Joe pesta, aborder des bateaux était suffisamment difficile et dangereux pour qu'une seconde bataille ait lieu par la suite.

— Qui ?
— J'arrive pas à voir leur pavillon, mais il est noir.

Les pavillons au fond noir ou rouge ne pouvaient signifier qu'une seule chose : d'autres pirates. Le capitaine se tourna vers son second et son canonnier. D'un simple regard il leur demanda s'ils le suivraient et d'un par un air appuyé, les deux répondirent qu'ils seraient toujours derrière leur capitaine. Celui-ci se tourna alors vers ses hommes, de braves gars qui le suivraient partout : il avait une confiance infinie en chacun d'entre eux et ils lui rendaient bien.

— Mes amis, commença-t-il en s'approchant d'eux, ceci sera le coup de notre vie. Tous nos abordages ne seront que minimes face à celui que nous allons faire. Les espagnols ont toujours été nos ennemis, ils nous ont haïs, pourchassé, torturé, exécuté.

Des cris de colère et de haine répondirent à ses paroles.

— Et c'est aujourd'hui que nous allons nous venger. Nous allons leur montrer que nous, pirates d'aucune nation, sommes plus forts que ces moins que rien. Nous allons leur montrer ce que c'est que de déclencher la fureur des pirates. Suivez-moi et ensemble attaquons et montrons qui nous sommes une fois pour toute à la couronne espagnole.

Ensemble, les hommes se levèrent, ensembles ils attaquèrent les espagnols. Ensembles, ces hommes différents, aux origines variées et venant d'horizons divers ne faisaient, à ce moment plus qu'un et c'est comme un seul homme qu'ils ne firent qu'une bouchée de leurs ennemis de toujours. Mais soudain, alors que son arme à feu ne pouvait plus tirer, Joe se retrouva sans adversaire, l'homme qu'il affrontait quelques secondes auparavant gisant sans vie par terre et derrière lui, l'arme encore fumante d'une jeune femme dont quelques mèches rousses s'échappaient d'un chapeau abimé.

— La Rose des Mers, comme on se retrouve, souffla Joe avec un rictus.
— Et on dirait bien qu'encore une fois, je t'ai sauvé la vie, ricana-t-elle.
— Sauvé ? Il aurait fallu que je sois en difficulté, s'offusqua le jeune homme.
— Pour l'instant.

Jessie voulu alors se retourner mais son bras fut retenu. Elle se retourna en fusillant le jeune capitaine du regard tout en tentant en vain de se libérer de son emprise.

—On fait cinquante-cinquante.
—Tu rêve, siffla-t-elle. Mes hommes ne vont pas se battre pour au final ne pas avoir la part qu'ils méritent.

Le jeune homme avait quitté le navire, laissant sa place au capitaine qui, les yeux sombres menaça celle qui avait été sa coéquipière.

— Ne m'oblige pas à te tuer.

Celle-ci se redressa, ne rivalisant pas par sa taille mais par sa prestance et son courage.

— Essaies pour voir. Tu as beaucoup trop confiance en toi, Turner.

Les deux capitaines devenus rivaux se jaugèrent du regard avant d'être déconcentrés par une explosion. De justesse, ils évitèrent le mât qui venait de s'effondrer. En tombant, le rondin de bois avait soulevé un nuage de poussière qui permit à la Rose des Mers de retourner aux combats. Joe se releva de son côté avec quelques difficultés et épousseta sa chemise en pestant contre la pirate. De tous les équipages présents dans toutes les mers et océans du globe, il avait fallu que ce soit le sien qui accoste la flotte espagnole en même temps que lui.

Rapidement, les combats cessèrent. Les morts furent jetés à la mer et d'un commun accord dirigé par leur haine contre la couronne d'Espagne, les deux capitaines décidèrent de ne faire aucun prisonniers et de ne laisser pour survivants qu'une poignée d'hommes qui devraient alors se présenter au Roi Charles II et à la régente Marie-Anne d'Autriche et leur annoncer qu'ils avaient perdu la totalité des richesses venant de leurs colonies.

Joe TurnerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant