Esdéhèffe

PDV Sierra

    « On fait quoi donc Emma ? Et où sont les garçons ?

- On va se regarder un film. Et les mecs sont surement en virée. »

Je le vois à son visage qu'elle essaie d'échapper à un interrogatoire. Mais je n'y peux rien, et sachant que je ne suis que la nouvelle, je ne voudrais pas me montrer très curieuse. Je préfère donc laisser passer celle-ci et me concentrer sur la page de site streaming qu'a mis en place ma copine. Elle clique sur « Rasta Rocket ». Ce nom ne me tente pas tellement mais vu le style d'Emma, j'en conçoit qu'il doit être bien. On ne devrait pas ce fier uniquement à l'apparence ni au premier regard que l'on jette. Et en parlant de cela, je trouve que beaucoup de couple sont basés sur ce point. Ayant passée environ un an à la rue, j'ai pu observée bon nombre de choses. Déjà, je voudrais dire un mot de la part de tous les SDF à la population. « Ayez un cœur bordel ! » Beaucoup de sans domicile fixe sont morts à cause de votre ingratitude. Vous devriez avoir honte, vous qui passez, qui pourtant ayez une somme extraordinaire d'argent en poche, mais qui ne donnez aucuns sous, pas même un regard. J'aimerais vraiment vous voir dans cette situation, mendiant à leur place. Mais pourtant, vous ne souffrirez pas autant qu'eux. Car eux, ils auront vécu cela, ils auront été aimables, accueillant envers vous. Je ne sais pas si je vous ai fait changer de regards envers eux, mais au moins, je me suis exprimée et ce discours, un jour, parcourra le monde entier. Qu'il sorte de ma bouche, ou de celle d'une autre personne.

Le film commence et je suis encore dans mes pensées à songer à ces pauvres gens que j'ai vu ce coucher sur un banc sans se réveiller... Je regarde le film à moitié, n'ayant plus le moral à ça. La porte d'entrée claque. Des gémissements se font entendre. Emma me regarde et je fais de même. Ni une ni deux, on se lève pratiquement au même moment, en nous précipitant vers le hall d'entrée. Je ne sais pas comment réagir. Je suis à la fois terrifiée et heureuse. Terrifiée car l'état de Laurent est atroce. Il est sale, comme s'il s'est battu dans de la terre, son visage est marqué de bleu, de rouge et de violet. Sa lèvre est saignante et enflée. Il boite et est soutenue par Larry qui lui est indemne d'où mon sentiment de joie. Mais qu'ont-ils fabriqués ? Je n'arrive plus à bouger. Pourquoi Larry a emmené Laurent ici et pas directement à l'hôpital ? Il me regarde avec une peur dans les yeux. Je ne sais pas quoi faire. Je n'arrive plus à bouger tandis qu'Emma se précipite sur son petit-ami en pleurant.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? arrivais-je à prononcer.

- Il est tombé en voulant faire les gros bras au skate. »

Il me ment. Je le sens qu'il ne dit pas la vérité. Que dois-je faire ? Tout gober ?

« Du skate ? Il a un œil au bord noir ! Larry dit moi ! »

Il pose son frère sur le canapé et Emma lui fait un signe approbateur. Il hésite. Est-ce si mal pour qu'ils ne me disent rien ? Et Emma est-elle au courant ?

« Je... Je ne peux pas te dire Sierra.

- Je vais bien ne t'en fait pas. Je suis juste trop bête d'avoir pris ce foutu skate à ce mec. »

Son histoire est compréhensible.

« D'accord, je comprends mieux. »

Je passe le fait qu'Emma soit au courant d'une chose que je ne sais pas et essaie de les aider.

« Tu ne voudrais pas aller à l'hôpital Laurent ? »

Les trois se regardent l'un après l'autre.

« Non, je déteste les hôpitaux. Je me fourre toujours dans des situations de ce genre donc j'ai l'habitude, ne t'en fait pas. Mon médecin traitant va bientôt arriver. Il va gérer. »

Comme dit comme fait, la sonnerie retentit. Je me presse donc à aller ouvrir a porte. Je découvre un homme plutôt baraqué avec une grosse mallette sur roues à la main. Il porte une veste blanche avec un stéthoscope au cou. Il me présente sa main accompagné d'un sourire.

« Bonsoir, je me présente Ryan, le médecin de la famille. Où se trouve Laurent ?

- ICI ! Crit le concerné »

Toujours le sourire aux lèvre, il me fait signe de la tête et se dirige vers le salon où se trouve le blessé. Directement, il s'accroupit près du canapé et ouvre sa mallette. Elle contient tout un tas d'objet d'infirmier. Je ne peux pas plus vous décrire ce qu'il contient car croyez-moi, déjà ça me prendra du temps mais en plus, je ne connais pas le nom scientifique de tous ces objets. Il se met à analyser les blessures de Laurent. Larry est en sueur et a le visage crispé, Emma est en pleure et se ronge les ongles. Cette scène me gêne donc je préfère me réfugier dans la cuisine pour boire un verre d'eau. Je ne suis pas en pleure en ce moment car je repense à ces personnes à la rue qui souffre et qui sont morts, j'ai beaucoup pleurée en voyant ces scène donc sachant que Laurent est en vie me va très bien. Vous le comprenez surement du mauvais sens si vous êtes choqué. Ce que je veux dire, c'est que Laurent est en vie, comparer à ces personnes qui sont, elles, mortes. Donc je vois que tout va pour le mieux. Je préfère largement le voir dans cette état que ne plus le revoir du tout !

Je me trouve face à l'évier, je pense, je réfléchis, je songe si vous préférez. Bref, j'essaie d'oublier cette scène que je viens de voir mais cela ne dure pas longtemps. Des bras m'enserrent. Un corps se cale contre le mien et une tête se pose dans le creux de mon cou. Des larmes. Je sais immédiatement que c'est Larry. Je pose mon verre, me retourne et le prend dans mes bras.

« C'est ma faute Sierra. Je m'en veux. Si j'avais été près de lui pour le protéger ça ne se serait pas arriver.

- Calme toi. Si tu n'étais pas là, il serrait souffrant de douleur, quelque part tout seul dans cette ville. »

Il relève sa tête et me regarde. J'ai le cœur qui serre à la vue de sa bouille d'ange qui pleure. C'est affirmé ! Je n'aime pas le voir dans cette état, et encore moins si ce n'est pas de sa faute. Il plonge son regard dans le mien. Je ne peux m'en échapper. C'est comme ci il m'hypnotisait. Et cette bouche pulpeuse qui m'appelle toute brillante de ses larmes. Je passe une main dans ses cheveux et pose mon front sur son torse.

« Tout ira bien. »

Il resserre sa prise autour de moi quelques secondes, puis s'écarte.

« Pourquoi tu ne dors pas encore ? »

Alors là, je ris, je m'esclaffe.

« Ton frère souffre et toi, tu me demande pourquoi je ne suis pas au lit ? »

Il me regarde d'un air attentif avec ce sourire qui fait fondre.

« Je compte sur toi Larry pour veiller sur ton frère. Il ne doit pas poser le pied par terre pendant 3 semaines au moins.

- 3 semaines ? Mais et la compét' ?

- Je suis désolé, mais je l'interdis de poser le pied par terre ! »

Ryan lui serre la main et s'en va. Larry fronce les sourcils et se dirige au salon, moi sur ses pattes.

« Comment on fait ? On doit se désinscrire mon chou. »

Laurent secoue la tête en infirmant totalement cette décision.

« Pas question ! On n'est pas du genre à abandonner bébé. On la fera cette compét' et je compte sur toi pour ne pas désespérer. Tout à une solution. »

Il se font un tchèque de la main et Larry s'assoie dans un fauteuil en face de son frère. J'hésite à aller vers lui et je pense qu'il le remarque. Il me fait signe de venir discrètement et dès que je commence à marcher vers lui il se mord la lèvre. Arrivée à son niveau, il me prend par les haches et me dirige sur ses genoux. Il me lance un large sourire et m'embrasse sur la joue. Je dois avouer que je me sens bien dans ses bras.