Je soupirai en me dirigeant vers le self du lycée. Je n'avais pas spécialement faim mais j'avais besoin de force pour le cours de sport de cet après-midi. Et puis nous étions jeudi, ce qui voulait dire que c'était Quatre qui avait fait le repas. Je ne le connaissais pas personnellement mais sa cuisine était exceptionnelle et le chef lui laissait les fourneaux tous les mardi et jeudi midis.
Je tournai la tête vers le parvis d'où me provenaient des éclats de voix. Des filles en pâmoison appelaient un garçon qui passait en discutant avec un ami. Il était habillé de noir, ses cheveux étaient de la même couleur, tout comme ses yeux, alors que sa peau était pâle, presque cadavérique. Et, malgré tout, son tempérament rebel faisait de lui le type idéal de beaucoup de filles et de garçons. Son nom ? Sept. Je haïssais les Sept. Trop vaniteux. Et il était le pire.
Avec une moue dégoûtée, je repris le chemin du self. En arrivant, je trouvai l'endroit désert. J'attrapai l'un des plateaux d'argent où il se trouvait déjà une serviette en tissu, des couverts en or, une assiette en porcelaine et un verre en cristal. J'approchai ensuite du buffet où Quatre attendait de pouvoir servir les élèves. Ses cheveux blond cuivré étaient coupés courts. Ses yeux étaient d'un vert clair où brillait une innocence pure. Sa peau basanée ajoutait à ce côté garçon des îles. Ou du moins, de la côte. La mer était incertaine, nous ne pouvions pas nous éloigner du rivage. Nous devions nous contenter d'observer ces îles paradisiaques depuis le continent.
— Salut, Quatre, dis-je avec un sourire.
Il avait deux ans de moins que moi et autant d'amis. Autrement dit, aucun. Lui, c'était par timidité. Il n'osait pas aller vers les gens et s'enfermait dans sa cuisine. Alors je me montrais gentille avec lui, ce qui avait l'air de lui faire sa journée. Voir son sourire éclatant de vie suffisait à faire la mienne.
— Neuf ! s'écria-t-il.
Il ferma son fameux carnet de recettes secrètes et le rangea dans son sac posé sous la table.
— Viens, dit-il, je vais te montrer le menu du jour.
Je le suivis jusqu'à la première table où le plat était caché sous une cloche en argent. Quatre la souleva pour dévoiler un grand plat de spaghettis et…
— Hum, qu'est-ce que c'est ? voulus-je savoir.
— Spaghettis au poulet caramel, répondit-il. Avec un soupçon de beurre.
Il reposa la cloche et me conduisit vers une deuxième table, en tout point similaire. Cette fois, le plat qu'il révéla était de la viande rouge entouré de riz, lui-même décoré d'une sauce à la couleur étrange.
— C'est de l'entrecôte, expliqua Quatre. Accompagné de riz et de velouté de légumes.
— Tu veux dire que c'est de la soupe ? m'étonnai-je.
— Oui. Je me suis rendu compte que les lycéens mangeaient plus facilement la sauce sans discuter que des légumes marinés.
Je hochai la tête. Il avait raison et son idée de soupe-sauce pouvait marcher.
Il cacha le plat pour me conduire vers le troisième et dernier. Sous la cloche se trouvait, cette fois, un plat végétarien.
— Pommes de terre et légumes dorés au four et beignets aux ingrédients secrets, décrivit-il.
— J'ai envie de goûter de tout, admis-je.
Une phras que je répétais souvent depuis le début de l'année. Surtout depuis que j'avais découvert que Quatre était un génie du palais. Certes, je venais manger en avance pour ne pas avoir à subir la foule de mes camarades bruyants, mais aussi pour pouvoir manger de tout. Le garçon m'aimait bien et m'accordait toujours ce souhait.

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Khāsa
Science FictionDepuis la Déclaration de Suppression de l'Occident, le Monde Oriental vit dans la méfiance. L'Europe, l'Asie et l'Afrique ne se font plus confiance. Ils vivent plus séparés que jamais. Les tensions sont à leur paroxysme. Il n'y a plus d'alliance mai...