SOFIA

74 19 80
                                    

Il y a quelques mois, un raz-de-marée apocalyptique avait submergé l'Océanie. Les îles qui avaient survécu à la catastrophe s'étaient aussitôt faites annexer par l'Asie. L'information avait immédiatement été classé confidentielle mais si Jake le savait, c'était parce qu'il était un hacker né. Il savait pirater à peu près tout sur l'hypranet depuis son enfance. La seule chose qu'il n'avait pas encore réussi à pirater était son tatouage magnétique, à l'arrière de la tête, qui permettait à n'importe qui de le trouver, où qu'il soit. Bien que désactiver son tatouage soit un crime passable de la prison à perpétuité.

Bref, toujours est-il que, si je le savais, c'est parce que Jake, mon meilleur ami, me l'avait répété. Qu'avait-il trouvé d'autre ? Un bijou. Un beau saphir décoré d'éclats de diamants pour la modique somme d'un million neuf cent cinquante mille euros. Alors après avoir conclu un accord – bon, ok, nous étions tombés sur la même décision –, nous nous étions lancés le défi de le voler. Oui, oui, vous avez bien lu. Kara, Jake et moi, Sofia, allions voler ce bijou.

Ne vous en faites pas, nous n'étions pas à notre premier délit. Nous formons une bonne équipe.

Nous avions toujours réussi, d'ailleurs, et ne nous étions jamais fait prendre. La police s'arrachait les cheveux à cause de nous. Nous étions recherchés dans tout le pays. Ou peut-être le continent. Toujours est-il qu'ils ne nous avaient pas trouvés et Kara et moi attendions que Jake ait enfin trouvé le moyen de pirater nos tatouages pour que nous puissions disparaître de l'hypranet.






A dix-sept heures ce samedi, Jake vint me récupérer avec une voiture volée. Kara était déjà à l'intérieur et me sourit de toutes ses dents quand je montai. La meilleure voleuse, normalement, c'était Nikki, ma grande sœur, mais après une violente dispute avec notre mère, elle avait rejoint son petit ami en Grèce. J'attendais toujours qu'elle donne des nouvelles, qu'elle vienne me voir, quelque chose. "Je ne veux plus rien avoir à faire avec quoique ce soit qui se rapporte à toi !!! Jamais !" avait-elle hurlé à ma mère avant de claquer la porte. Mon père disait que ça lui passerait, qu'elle se calmerait. Personnellement, je n'y croyais pas. Quand elle a quelque chose en tête, elle ne le lâche pas. Elle ne reviendrait pas sur sa décision. Malgré la rancœur qui me rongeait, elle me manquait. Je voudrais qu'elle soit là, qu'elle me serre dans ses bras, qu'elle me dise qu'elle m'aime. Au lieu de ça, je me laissais attraper par l'ennui et la solitude. Parfois, je lui envoyais un message en attendant avidement une réponse qui ne venait pas. Qui ne viendrait jamais.

Flunch ? proposai-je.

C'est parti, acquiesça Jake.

Il démarra et s'éloigna de chez moi pour emprunter l'aérovoie et se rendre au Flunch. Il y a une cinquantaine d'années, l'Inde avait développé le concept des aérovoies. Des autoroutes au-dessus de la métropôle. Paris était entièrement piétonne, maintenant. Les voitures ne descendaient en ville que pour aller au garage.

Jake avait une chevelure noire en bataille, une musculature importante et un regard de criminel prêt à commettre un délit. Kara, elle, avait une peau foncée, presque noire, de longs cheveux bruns et frisés et un air tellement mignon que personne ne la soupçonnerait d'être une criminelle ou qu'elle soit capable d'hypnotiser les gens. Sa grand-mère lui avait appris à mettre les autres sous hypnose et elle excellait, aujourd'hui.

Et enfin – oui, je sais, ça fait un moment que vous l'attendez – mon atout. Ma mémoire infaillible. Je retenais tout ce que je voyais au premier regard. Par exemple, je serais en mesure de vous dire la tenue du Président le jour de la Déclaration de Suppression de l'Occident. Ok, peut-être trop facile, étant donné qu'il s'agissait d'une vidéo accessible sur l'hypranet. Mais vous voyez ce que je veux dire.

KhāsaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant