Khāsa

DEUX

Les élections commencèrent le lundi matin. Nous avions décidé la veille de l'emplacement des cinq bureaux. Dan avait établi le sien devant le lycée où travaillait son père. Alm n'avait pas voulu nous le dire, prétextant qu'il voulait laisser le suspense. Cet idiot avait certainement oublié que la location des bureaux serait révélée publiquement lors de notre annonce officielle pour rappeler les règles des élections. Nous avions donc appris que son bureau se trouvait devant un salon de tatouage - celui de son meilleur ami, apparemment, qui avait abandonné le lycée il y a un an. Phoenix était devant le magasin de vêtements de sa mère. Jill était devant l'atelier de stylisme de la sienne. Personnellement, j'avais longuement hésité. Ma mère dirigeait un club de surf sur la côte, soit hors de la Capitale. Or, il était préférable que les bureaux y soient. Ça avait donc joué sur ma décision et j'avais installé le mien devant le lycée de psychologie où j'étais. Et pendant que j'ouvrais mon bureau de vote, je continuais encore et toujours de me poser la même question : pourquoi diable avais-je été sélectionné ?

Avec les Alphas, nous avions fait ce que j'avais proposé trois jours avant. Nous avions passé le week-end, à part à organiser les élections, à faire connaissance et à échanger sur nos différents atouts pour le Chensdone. Nous étions tous intelligents - quoique, pour Alm, j'ai de sérieux doutes - mais pas que. Phoenix était très fort au combat, ses aptitudes dépassaient de loin les nôtres parce qu'il avait fait du shenzulys, l'art martial de Sihepolis que peu de gens pratiquaient parce que c'était le plus difficile et le plus technique de tout le pays. Et donc Phoenix le maîtrisait, ce qui faisait de lui le plus intelligent de nous tous même s'il avait joué les modestes sur le sujet.

Même s'il semblait être un parfait imbécile, Alm avait quand-même des atouts derrière son arrogance. Par exemple, il avait un très bon sens de l'observation. On ne l'avait pas cru alors on l'avait testé. Un bon millier de fois. Et il n'avait pas échoué, à croire qu'il avait des yeux derrière la tête. On l'avait aussi testé sur ses capacités de voleur. Nous n'avions rien eu à redire.

Jill avait ensuite été testée sur ses aptitudes à déchiffrer les énigmes, étant donné qu'elle en avait parlé lorsque nous avions discuté des élections. Et elle était réellement imbattable.

Dan n'avait pas d'atout physique, il était très malin. Il avait beaucoup de ressources pour son âge. Et il savait plutôt bien cuisiner, apparemment.

Puis, ils s'étaient tous tournés vers moi pour savoir ce que j'avais à apporter au jeu. Je leur avais alors dit ce que mes amis disaient sur moi - ce qu'ils m'avaient même dit pour m'assurer que j'avais une place parmi les Alphas après la sélection. J'étais un fauteur de troubles qui était juste là pour faire rire les autres. Un élève moyen qui ne cherchait pas à trop travailler, mais pas non plus à se retrouver dans les cancres. J'avais un don pour dérider les personnes présentes avec moi, quelque soit la situation. J'étais toujours détendu, avais toujours les idées claires et c'était pourquoi j'étais le meilleur ami parfait pour certaines filles et que j'étais allé en psycho. Je n'étais ni super fort, ni super rapide, ni super intelligent. Alors, sérieusement, qu'est-ce que je faisais là ? Ce n'était quand même pas que pour mon abilité à rester calme ? Le Dissaire - l'ancien Dissaire - était sournois, il ne faisait jamais les choses au hasard et ne plaçait jamais ses pions s'il n'était pas complètement convaincu qu'ils étaient exactement là où ils devaient être. Alors que voyait-il en moi ?

Quand mon bureau fut ouvert, les lycéens se présentèrent alors pour venir voter - nous avions finalement décidé de ne pas suspendre les cours. Parmi eux se trouvaient mes amis, évidemment. Les professeurs vinrent plutôt à l'heure du déjeuner, comme la plupart des citoyens qui choisirent mon bureau pour voter. Ma mère se présenta la dernière de cette heure pour m'apporter un déjeuner. Je contournai le bureau pour la prendre dans mes bras.