Les aventures de Valentin - Vald

Manque

Pdv Vald

J'aurai bien aimé en apprendre plus sur Chloé mais j'ai des vertiges depuis quelques minutes et la chaleur me montent violemment à la tête. Je les arrête dans leur conversation.

Sans avoir besoin de se concerter, ils me transportent à deux dans ma chambre. Mes bras passés autour de leurs cous. Je commence à mal respirer et mon état empire quand ils m'allongent sur le lit. J'ai l'impression que l'air ne rentre plus du tout dans mes poumons, les vertiges envahissant mon cerveau. J'attrape avidement le bras de mon meilleur pote qui m'aide à me remettre assis. Mes yeux voient de plus en plus flous et leur voix se font lointaines. Ad me retient, une main à plat sur mon dos.

Chloé est debout face au bureau. Je devine qu'elle prépare la bouteille d'oxygène. Elle vient s'assoir près de moi et me donne le masque. Elle accompagne le mouvement quand je le porte à ma bouche. J'inspire longuement et expire hors du masque. Les mains de Chloé, une sur ma nuque, l'autre sur ma propre main, me stabilisent. Son visage est proche du mien. Je plonge mon regard dans ses yeux graves. Désolé de l'inquiéter, j'essayede lui sourire mais avec la douleur, ça ressemble plutôt à une grimace. Peu à peu, l'oxygène fait son effet. Merci Chloé d'avoir agi vite... Merci de veiller sur moi et de pas me laisser crever. J'espère vaguement que mes yeux lui expliquent tout ça alors que j'agrippe son bras. Malgré tout la crise passe vite et elle me reprend le masque cinq minutes plus tard.

- Tu veux t'allonger maintenant ou tu restes assis ?... Ok, reste comme ça, je vais aller te chercher de la tisane...

Elle me laisse avec Ad qui est resté silencieux jusque là. Je prend alors conscience de son visage  choqué. Meeeerde, il sait pas pour ce matin.

- Sérieux, arrête deme foutre les boules comme ça...

- Je fais ce que je peux mec !

Après la tisane, je suis vraiment crevé. Ad va manger avec les gars alors que Chloé prend mon poul, ma température et ma pression sanguine. Allongé sur le lit, je la regarde faire en silence. Elle est concentrée, la tête baissée...J'ai presque l'impression qu'elle évite mon regard. Faut que je mette les choses au clair, rien à foutre de la fatigue.

- Chloé ?

- Mmmh oui ?

- Mes questions t'ont vexée tout à l'heure ?

- Pourquoi tu me demandes ça ?

- Parce que... J'ai l'impression que tu fais un peu la gueule depuis.

Elle soupire, ses yeux viennent seplonger dans les miens.

- J'sais pas, la plupart des gens que je rencontre me demandent systématiquement comment je gagne ma vie. J'trouve ça assez chiant.

- Et pourquoi tu trouves ça chiant ?

Elle lève les yeux au ciel, visiblement exaspérée par mes questions. Ça m'amuse.

- Parce que les gens ont cette manie de se juger à partir de leur compte en banque. Parce que la vie se résume pas à ça. Parce que ça vous vient pas à l'esprit qu'on puisse vivre sans. Comme l'idée qu'on peut pas vivre sans internet, sans smartphone, sans maison... Du coup, les gens sont choqués par ma vie et me prenne pour une folle. Ça me pète les couilles...

- Techniquement, t'as pas de couilles.

Elle se met à rire.

- T'es con... Bref, j'ai pas d'argent et ça me va... Mais les occidentaux ont du mal avec ça.

- Je comprend ta vision..

- T'es mignon, mais c'est faux. Regarde tes fringues, cette villa... Et tu vas pas pouvoir nier que ton compte en banque est bien rempli.

- Ça veut pas dire que je peux pas comprendre ! Mais ce qui m'intrigue plus c'est... le fait que tu... tu sois toute seule... Dans la jungle ? Pourquoi ?

Sa tête se redresse d'un coup.Visiblement, ma question la surprend. Un silence s'installe, sessourcils se froncent. Elle réfléchit à sa réponse et semble même hésiter à en donner. Finalement, elle se décide :

- Disons que j'aimais pas la meuf quej'étais en France. J'étais malheureuse et je rendais les autres malheureux. Je me levais la semaine pour gagner de l'argent et le week end pour le dépenser. A un moment, j'ai juste décider que ça menait à rien...

 -Donc tu t'isoles ici...

- Je m'isole pas ! Je croise plein de gens, je vais au village, des fois à Bangkok...

- Et rien qui te manques de la France ?

- Si... La bouffe.

- Le foie gras ?

- Ouai, tout le Sud-Ouest.

- Le fromage ?

- La raclette putain !

- Le vin ?

- Ouai et la bière de ouf.

- Tes amis ?

Deuxième effet de surprise. Le sourire qui était né sur son visage à l'évocation de la bonne bouffe s'évanouit d'un coup.

- Ta famille ?

Je crois que si j'avais pas été ko dans un lit, elle m'aurai insulté. Au lieu de ça, elle souffle un coup, les yeux clos.

- Si, bien sûr, j'ai pas de proches ici... Mais arrête de croire que j'ai un problème avec les autres, j'avais besoin de faire le point sur moi... Mon entourage me manque c'est sûr. Leurs câlins, leurs voix... Et y'a des jours ou j'ai besoin de parler et j'suis toute seule.

- Tu peux me parler à moi.

Ma réponse la fait sourire.

- C'est gentil.

On se regarde en silence, ses yeux deviennent sérieux quand elle reprend :

- Et toi ? T'es pas tout seul au sommet ? Sans copains, sans câlins ?

A mon tour d'être surpris mais je dois bien avouer qu'elle a pas tord.

- J'sais pas, y'a toujours du monde autour de moi mais quand je travaille pas, je vois personne... J'ai quelques vrais amis avec qui je taffe et ma famille. Les inconnus voient Vald. C'est comme ça.

- Rien ne te manque ?

- Oui et non, les copains et les câlins des fois oui... mais je sais que je peux pas me plaindre.

- Tu peux te plaindre à moi t'inquiètes.

On rigole tous les deux. La fatigue agit sur moi comme un sérum de vérité et j'ai une question au bout des lèvres. Je la tente :

- Et le cul, ça te manque ?

- Vicieux, va ! Tu manques pas de culot. Dans ta position mec, je suis pas sûre...

- C'est vraiment par curiosité, juré.

Elle réfléchit deux secondes.

- Sincèrement, c'est pas ce qui me manque le plus. Je dirais les câlins plus que le sexe.

- Je peux t'en faire des câlins moi...

Elle hausse les sourcils, amusée.

- Ça voudrait dire que toi aussi t'es en manque de câlins ?

- Peut-être... viens là.

Elle s'allonge à mes côtés et jel'accueille dans mes bras. Mes lèvres se posent sur son front tandis qu'elle ferme les yeux. Je ne peux pas dire qui des deux s'endort en premier...