Pas sans Toi

▶️ Chapitre 1

Tout est flou dans ma mémoire... Je revois ma mère me fixer d'un regard fou, prendre la bouilloire entre ses deux mains tremblantes et sous l'effet de la peur ou de la folie, renverser le contenu bouillant sur mon œil gauche. Je me souviens également d'une douleur ingérable, de l'effroi de ma génitrice quand elle a enfin compris son acte. Ses yeux bleus fous sont redevenus chaleureux et m'inspiraient une tristesse sans égale. Elle a rappelé le SAMU à une vitesse surprenante... Mais après ça, tout est flou. Je ne me souviens pas nettement des événements, juste quelques moments où je jonglais entre l'inconscience et la conscience.

Tout ce que je sais, c'est qu'on m'a rapidement amené à l'hôpital dans un état critique. Les médecins en voyant mon œil si abîmé avaient bien peur de ne pas le sauver d'après Fuyumi, ma sœur. Ils ont tout de même tenté une opération qui a, heureusement, réussi et je pourrais recouvrir la vision de l'œil gauche dans peu de temps. Enfin, pas une vision nette et précise comme je pouvais avoir avant l'incident. Non, pas très précise mais suffisante pour que je puisse voir devant moi et que je survive dans la société.

Mon unique œil encore utilisable parcourt ma chambre d'hôpital du regard. Tout est blanc, sans vie, limite triste. Je me demande comme les malades font pour supporter à longueur de journée dans une pièce pareille, sans aucune occupation valable. Personnellement, voilà déjà sept jours que je suis conscient et débranché des machines aux bip incessants et je m'ennuie à poing fermé. Malgré les visites fréquentes de mes proches, il me reste de nombreux temps morts et je ne trouve jamais d'occupations pour les passer.

Je partage actuellement ma chambre avec un jeune adolescent -sûrement de mon âge- qui ne parle jamais. Il est très silencieux, je viens même à douter parfois s'il n'est pas muet. On m'a confirmé qu'il ne m'était pas lors de la visite d'une infirmière durant laquelle il a été très bavard avec la jeune femme. Peut-être qu'il ne veut juste pas me parler ? Dommage, ça tuerait le temps que je trouve beaucoup trop long.

J'ai déjà essayé de lui parler et j'ai remarqué que mon colocataire n'était pas très chaleureux. Je préfère limite qu'il reste silencieux.
Je lui avais juste demandé s'il aimait les animes et les mangas puisqu'il lisait un volume du célèbre manga avec All Might. Il m'a répliqué un : « Ta gueule, double-face. Je perds pas mon temps avec les merdeux comme toi. » Et la conversation s'est arrêtée à ce moment-là. Je ne vais pas vous le cacher, j'étais extrêmement outré devant le manque de politesse de ce gars. Et d'abord, ça sort d'où ce double-face ?

N'empêche que ce malade a plus de visites en une journée que j'en ai en une semaine. Tantôt ce sont ses parents, qui passent d'ailleurs matin et soir, tantôt ce sont d'autres enfants de l'hôpital. Il y a surtout un petit vert très sympathique qui passe de temps à autre, en général deux à trois fois par jour. Parfois accompagné, parfois seul.

A présent, le blond cendré qui me sert de colocataire lit une nouvelle fois ce même volume de ce manga sans un bruit. Je n'ai rien pour m'occuper, même pas un crayon histoire d'écrire et dessiner sur les serviettes en papier qu'on nous donne. Je soupire. Ce séjour a l'hôpital risque d'être extrêmement long si je ne trouve rien à faire.

Un frappement à la porte me sort de mon ennui et je regarde la gentille infirmière qui s'occupe de moi entrer dans la pièce. Elle apporte mon déjeuner sur un plateau, un sourire ornant son visage. Il me semble qu'elle s'appelle Takeyama Yû.

Malgré son allure de bimbo avec la vingtaine, c'est une fille assez douce et très calme. Par exemple, elle ne perd pas patience face à mon camarade venimeux quand celui-ci refuse de manger quoi que ce soit.

Cette fois-ci, contrairement à d'habitude, ses cheveux blonds sont attachés en une queue de cheval haute derrière son crâne ce qui lui donne une toute autre allure. Elle paraît beaucoup plus jeune soudainement.