Échanges

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- Tu ne voudrais pas venir avec nous en ville cet après-midi? On peut te déposer à la librairie.
Lui cria sa mère de l'étage du dessous, inquiète du mutisme de sa fille depuis quelques jours déjà.

Tempérance bondit presque de son matelas, germe d'idée à l'esprit alors qu'elle emballait ses affaires.

- Je viendrai.

***

- Mademoiselle Lequndre ?

Le nez arraché à la contemplation d'une couverture sublime des Fleurs du mal, respirant l'ancienneté entre ses lignes de cuir.
Elle scruta la visage de la libraire, incrédule.

- Tempérance ?
S'essaya à nouveau la vieille femme, ses petits yeux intelligents avides, d'une réponse qui tardait à venir.

Elle portait sur elle une odeur de rance et de renfermé, mais l'intelligence luisait dans ses petites billes noires, jusqu'au sourire mesquin qui déformait un pli de sa bouche.

- C'est bien moi, Affirma Tempérance, mais je ne crois pas vous connaître.

Cassandre, selon l'étiquette qui pendait au col de sa robe brune, ignora la question silencieuse.

Elle alla se perdre une poignée de secondes dans l'arrière boutique, d'où l'adolescente put entendre un remue-ménage monstre, des cartons fracassés au sol, des meubles poussés en tous sens.

Elle revint pour écraser un énorme dossier sur son comptoir, soulevant un nuage de poussières sous l'impact et, en seule explication, murmura :

- Jean tenait à ce que je te donne ça.

Jean, son oncle.

La prise de conscience glaciale, suffocante. Elle n'eut qu'à parcourir quelques notes, les mains tremblantes, pour en deviner le contenu.

Son oncle savait qu'il ne survivrait pas au jeu. Plus inquiétant encore, il savait que Tempérance prendrait sa suite.

Le dossier lui était adressé.

***

Son téléphone sonna, elle n'eut pas à zieuter le nom de l'émetteur.

- Tu m'as menti.

Elle se redressa, devinant l'allusion à son petit tour de passe-passe, lorsqu'elle avait voulu verifier si elle était surveillée autrement que par son téléphone.

- À moins que tu n'aies une excuse m'expliquant pourquoi ton téléphone reste dans ta chambre à longueur de journée.

Caché sous un oreiller, le micro étouffé contre le matelas.

- Je ne me rappelle pas vous avoir menti.

- Ton histoire d'enquête était un prétexte.

Le dernier mot sifflant, la menace distincte. Elle n'en vint pas à nier, concentrée au paroxysme, consciente de l'importance de ses prochaines réponses.

- ... Pour savoir si vous m'entendiez hors de nos échanges téléphoniques, effectivement.

La sueur collait à sa peau, suintante, la peur en frissons contenus.

- - Or, je ne perçois toujours pas de mensonge.

Contre toute attente, l'homme rit à l'autre bout du combiné, calmement puis à gorge déployée, l'amusement malsain, bancal, rebondissant contre les murs de la chambre.

- Pas de mensonge, il est vrai, petite peste.

L'insulte enfantine sonnant presque comme de l'affection, puis la ligne se fit plus calme, il ajouta :

- Nouvelle règle, le téléphone reste dans ta poche.

L'ombre d'un message [Creepypasta]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant