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Un lundi matin. Entraînement. Comme Memphis a passé sa fin de week-end à se repasser la soirée en boucle, il n'a pas très bien dormi. Et est d'une humeur massacrante au passage.

Houssem n'est même pas présent à l'entraînement mais comme le coach semble plus au courant qu'eux, il ne dit rien.

Au fond, ça l'agace. Mais qu'est-ce que ça l'agace ! Il veut qu'ils aient une vrai conversation. Non, il en a besoin. Mettre au clair ses sentiments aussi.

— Bah alors c'est quoi cette tronche ? Tu t'es toujours pas remis de la soirée de samedi ?

— Honnêtement ?

— Oui ?

— Ta gueule Nabil.

Mais le français ne se froisse pas. Au contraire, ce dernier éclate d'un rire franc et un peu bruyant, faisant que les autres joueurs se retournent vers eux.

— T'es de mauvaise humeur mais ça te dispense pas de courir.

Il lance un regard noir à son capitaine mais s'exécute.

— Tu peux me dire ce qui va pas, tu sais ? Je vais pas te juger quand même.

Il a un air sceptique que personne ne peut lui reprocher vu la réaction précédente du plus vieux mais fini quand même par parler. Il en a besoin.

— J'ai embrassé Houssem-

— Naaaaaan ? Jure ?

Il s'arrête presque de surprise parce que l'autre lyonnais a un air très content sur le visage. Il ne comprend pas pourquoi.

— C'était comment ? Il embrasse bien ? Vous sortez ensemble ?

— Quoi ? Pourquoi tu poses ce genre de questions ? 

— Je m'intéresse à toi c'est tout. Tu préfères que je m'en foute ?

— Actuellement, je suis plutôt content que tu ne sois pas dégoûté ou quelque chose du genre.

Soulagement qui s'est répandu dans sa poitrine. Il s'assume comme il est mais il a toujours peur que les autres aient un soucis avec sa sexualité. Il ne veut pas perdre ses amis. Il ne veut pas que quelque chose change juste parce qu'il peut aimer les garçons comme les filles.

Nabil a un petit air surpris avant de lui sourire et de lui taper dans le dos.

— Pour ça ? Non, jamais. Je ne pense pas que ça te définisse, Memphis. T'aime qui tu veux. Mais bon, raconte alors !

— Oh. Ça ... ça s'est mal passé. Il s'est excusé et est parti en courant, me disant qu'il avait besoin de réfléchir.

— Mince. C'est qu'un demi pari de gagné alors. 

— Pardon, quoi ?!

Ils rejoignent le groupe d'entraînement et il se voit obligé de baisser d'un ton s'il ne veut pas que tout le monde soit au courant de ses problèmes de cœur. Leur conversation se poursuit en chuchotant.

— Vous avez parié sur moi ?

— Non. Sur vous. La différence est là. Désolé mais vous vous tournez un peu trop autour. On commence à se dire qu'il fallait qu'on vous pousse.

— Mais mêlez-vous de vos culs.

— Nos culs se portent très bien merci.

Le néerlandais soupire, se demandant ce qu'il a fait pour avoir une équipe pareille. Puis après réflexion, il se dit que, non, pour rien au monde il ne changerait cette équipe. Il l'aime telle qu'elle est.

— Je m'inquiète, finit-il par dire pour redémarrer le sujet. Il n'est pas venu aujourd'hui et il ... il y a d'autres choses qui font que je m'inquiète.

— Ouais. J'aimerais que tu me dises tout et pas seulement à propos de ta vie amoureuse. Je ne suis pas si aveugle que ça, tu sais. Je suis votre capitaine. Je m'inquiète pour vous deux.

Des mots sincères qui le touchent en plein cœur.

— Merci. Merci beaucoup.

Il n'a qu'un sourire en réponse. 

Le retour au vestiaire et chez lui se fait un peu trop rapidement. Il se retrouve, seul, dans sa maison un peu trop grande pour une personne et ne sait pas quoi faire. 

Il se laisse tomber sur le canapé, revoit la couverture sous laquelle lui et Houssem étaient ce samedi et sent le désespoir affluer. Qu'est-ce qu'il peut faire ? Il n'a toujours pas demandé le numéro de son coéquipier.

Il aurait dû. Mais il a eu peur de s'apercevoir que c'était le même que celui de son inconnu. Au fond, il a toujours cette appréhension, cette peur de découvrir que son ami vit avec de tels ténèbres à l'intérieur.

Memphis a peur de ne pas être assez. De ne pas réussir à le réconforter assez. De finir avec son sang sur les mains. 

Parce qu'il n'est qu'une personne, qu'il n'a pas réponse à tout. Et que même en essayant de comprendre les autres, on peut finir par quand même les blesser. Comment être sûr de dire les bonnes choses, les bons mots, quand il n'est que lui ?

C'est une sorte de détresse qui est en lui. Il veut l'aider plus que tout. La question reste donc la même. Est-ce que sa volonté suffira.


De : "Tonkin"

Oui.

De : "Tonkin"

Tu m'as fait beaucoup réfléchir.

De : "Tonkin"

Je ne sais pas comment évaluer la valeur d'une vie. La mienne. Mais je sais que tu essaies d'être là pour moi quand même. Tu n'es pas forcément au courant de tout mais tu essaies quand même. Je suppose que ça fait bizarre.

De : "Tonkin"

Comment te dire ça ? Ce n'est pas une question de ne plus vouloir sauter d'un pont, de ne plus se lever le matin la boule au ventre. C'est une question de t'attendre toi, chaque jour. Parce que, malgré tout, malgré ma volonté, tu réussis à t'immiscer en moi.

De : "Tonkin"

Comment est-ce que tu peux réussir ou tous ont échoué ? Je me demande toujours. Tu es spécial, Memphis. Je ne peux pas te l'enlever. Merci pour tout ce que tu as fait. Mais je ne peux pas te laisser faire ça. 

De : "Tonkin"

Je ne peux pas te laisser me voir. Je suis pathétique. Mais s'il y a une chose que je ne te laisserai pas faire c'est détruire ta carrière. 


Il sent une vague d'irritation le prendre. Détruire sa carrière ? Qu'est-ce qu'il s'en fout de sa carrière, bon sang ! Ce n'est pas ça dont il est question. Ce n'est pas ça dont il est ...

Tellement d'indices encore une fois, tellement de choses. Il ne s'est pas attendu à avoir autant de messages d'un coup. C'est une confession. Quelque chose qui dit qu'il n'est pas si inutile. Mais ce n'est pas assez.


À : "Tonkin"

Je prendrais le risque.

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Mot de l'auteure :

Une absence de Houssem, planifiée ou non ? Memphis qui se pose beaucoup de questions et s'inquiète, un Nabil pas si aveugle que ça. Qu'en pensez-vous ? Le grand retour de Tonkin qui se confie plus que jamais sur ses peurs. Et un Memphis qui ne tremble pas devant. Comment vous sentez-vous à propos de ces confessions ?

Reach You [Depay/Aouar]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant