Chapitre 2 - Timidité

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— Alors ? insiste le barman.

Je l'observe à nouveau d'un air angoissé et réprime quelques soupirs de panique.

— Bah quoi ? tu as perdu ta langue ? taquine-t-il en riant. Je ne vais pas te manger.

— Laisse-la, intervient un homme.

Je tourne la tête, surprise, et croise la silhouette d'un homme aux cheveux blonds tirés en arrière et à la peau blafarde. Je fronce un peu les sourcils : celui-ci m'est familier. Je regarde alors au loin, vers mon voisin du comptoir : il n'est plus là.

— Qu'est-ce qu'il y a Kerry ? tu voulais te chopper une meuf, toi ?

— Laisse-la, j'ai dit. Tu es lourd.

Je me tétanise : ce cher Kerry est vraiment très beau. De près, je perçois ses yeux cérulés dessinés en amande qui épousent un visage ni trop carré, ni trop rond. Son regard déploie une certaine douceur mais aussi une grande détermination. Ses lèvres sont légèrement charnues et son nez entre en harmonie avec sa tête. Il est grand, les épaules charpentées, et je devine sous sa chemise un corps bien entretenu.

— C'est bon, je te la laisse, râle le barman. Pour une fois qu'une fille t'intéresse.

Il me lâche la main et retourne vaquer à ses occupations. Nerveuse, je reste figée, le regard rivé sur le bois du comptoir, le cœur battant la chamade dans ma poitrine.

— Navré..., me dit Kerry en se penchant un peu vers moi pour se faire entendre. Il n'est pas méchant, juste un peu maladroit.

Un nouveau choc électrique s'empare de mon corps, mais celui-ci est bien plus agréable et chaud. Intimidée, je tourne lentement la tête pour le regarder droit dans les yeux et lui offre un petit sourire maladroit avant de lui répondre :

— Ce n'est rien....

Il me sourit à son tour, tapote amicalement mon épaule puis fait volte-face pour retourner à sa place. Mon attention est figée sur lui, comme si j'étais totalement envoûté par ce dernier. J'ignore si j'avais déjà rencontré des hommes aussi beaux que lui auparavant, mais je dois admettre que son charme ne me laisse pas indifférente. Cependant, un nœud douloureux tire sur mes tripes ; j'ai envie de lui parler, mais j'ai peur qu'il me prenne pour une de ces dragueuses torrides.


Je déglutis difficilement et tourne la tête lorsqu'il lève la sienne pour m'observer. Malgré la musique rythmée et la cacophonie provoquée par la foule, j'arrive à cerner son petit rire taquin. Je me mets à rire à mon tour, bêtement, et sens mes joues devenir encore plus rouges.

— Bah alors, Gwendy ?! s'écrie Alison.

Je sursaute, surprise, et me retourne pour croiser le sourire narquois de mon amie. Je réponds ensuite en balbutiant :

— Qu-quoi... ?

— Arrête, je t'ai vue mater le mec là, au comptoir.

— C'est faux !

— Bou, la menteuse ! pourquoi tu ne vas pas le voir ?

— Mais il ne m'intéresse pas !

— Si, il t'intéresse ! je le vois dans ton regard.

Je grommèle et tire une petite moue boudeuse avant de faire les grands yeux à Alison. Cette dernière se met à rire aux éclats, amusée, puis se saisit de ma main et me dit :

— Allez ! toi qui rêves d'amour, c'est peut-être l'occasion !

— Ne dis pas n'importe quoi, on est en boîte de nuit. L'amour n'existe pas ici.

— Arrête de chipoter, viens !

Il me tire avec elle et, malgré ma réticence, je me lève du siège et la suis. Je me sens cependant très fébrile et quelques vertiges tourbillonnent dans ma tête. Surtout lorsque nous arrivons près de ce fameux Kerry qui fait déjà chavirer mon cœur – alors que je ne le connais même pas.

— Salut toi ! accoste-t-elle avec beaucoup de facilité.

Kerry se retourne et croise d'abord le regard de mon amie avant d'apercevoir le mien. Je cerne un petit sourire narquois s'ancrer sur le coin de ses lèvres avant qu'il demande :

— Je peux vous aider ?

— Mon amie aimerait te parler ! répond Alison.

— Alison..., ronchonné-je en tirant sur sa main.

— Elle te trouve très craquant !

Là, c'est trop. Je sens que je vais m'évanouir....

— Vraiment ? reprend-il en poussant un petit rire mielleux.

Je baisse la tête, honteuse, et sens mes joues devenir chaudes comme la braise. Je ne dis rien et reste silencieuse : je suis bien trop gênée par la situation.

— Bon, je vous laisse ! annonce-t-elle.

Elle lâche ma main et repars aussitôt sur la piste de danse, me laissant bredouille face à ce bel inconnu. Je frotte nerveusement le parquet sous mon pied et me racle à plusieurs reprises la gorge. Je ne sais pas quoi lui dire et je n'ose pas l'observer ; je sens pourtant son regard peser sur moi.


J'inspire et expire profondément, cherchant à retrouver mon calme, en vain. Plus les secondes passent entre nous, plus je me sens mal à l'aise.

Il poussa un nouveau petit rire, doux, qui n'est pas moqueur.

— Eh bien, on est timide ? me taquine-t-il.

— J'ai honte..., avoué-je.

— Il n'y a pas de honte à avoir. Je vous trouve également très plaisante.

Mon cœur fait un bond soudain dans ma poitrine. J'écarquille les yeux et les lève pour croiser son beau sourire. Je balbutie quelques mots incompréhensibles, me racle une nouvelle fois la gorge et, après avoir poussé un rire nerveux, lui réponds :

— M-merci.

Malgré mes vingt-trois ans, je n'ai pas beaucoup d'expérience en termes de drague et de relations avec les hommes. J'ai toujours été très timide et réservée avec eux, et je n'ai eu qu'un seul petit-ami dans ma vie. Un gars que j'aimais de tout mon cœur et qui m'a trompée pour une autre femme.


Ce simple souvenir ternit tout à coup mon visage. Le sourire bas, je darde mon attention sur les fenêtres de la boîte donnant sur la rue principale de Blackpool et soupire.

— J'ai dit quelque chose qui ne va pas... ? s'inquiète Kerry.

Je remue mollement la tête, reviens sur lui, lui souris et lui réponds :

— Non, non... juste un mauvais souvenir. Ne vous en faites pas.

— Vous voulez que l'on converse tranquillement, ensemble, à l'extérieur ? je dois admettre que la musique commence à me donner un sacré mal de tête.

J'esquisse un petit sourire guilleret et hoche la tête en guise de réponse. J'ignore pourquoi l'idée de parler avec lui hors de ces lieux infernaux me rend heureuse. Peut-être parce que je me sens déjà très à l'aise avec lui ? ou alors j'ai trop bu. En même temps, j'étais à mon quatrième cocktail, et il ne me faut pas beaucoup d'alcool dans mes veines pour que je devienne ivre.

— Parfait, se réjouit-il. Je vais aller chercher ma veste dans les vestiaires. On se rejoint devant la boîte ?

— Oui..., oui, on s'y rejoint, affirmé-je.

Il m'offre un dernier et grand sourire avant de se lever de sa chaise puis de traverser la foule endiablée pour accéder aux vestiaires. Je le suis du regard, contemplant une dernière fois sa belle allure avant qu'il disparaisse dans le flux. Malgré mon rictus joyeux qui écarte mes lèvres, un soupir nerveux s'échappe de ma bouche. J'ignore qui est cet homme : peut-être est-il comme les autres ?

Esclave de la ChapelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant