Prologue

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{Awaken ft. Valerie Broussard - League of Legends}

Ses yeux.

Ses yeux sombres que je n'avais jamais vus d'aussi près, furent la première chose que je vis.

Je clignai des paupières pour m'habituer à la lumière. J'avais l'impression de ne pas avoir ouvert les yeux depuis une éternité. C'était peut-être le cas.

Le garçon penché au-dessus de moi était très beau. Il était chétif et ses cheveux bruns ne ressemblaient à rien mais, même comme ça, je voyais à quel point il était séduisant. Ses lèvres fines s'agitaient mais tout les sons que je percevais formaient une masse informe. J'avais la tête en coton. 

 Le garçon me prit par les épaules pour m'aider à m'asseoir. Je baissai les yeux sur ses mains graciles quand il enleva délicatement l'aiguille enfoncée dans mon avant-bras. Je la suivis distraitement des yeux, jusqu'à la perfusion à laquelle elle était reliée. C'était celle qu'ils me mettaient lorsqu'ils m'endormaient longtemps, plusieurs jours. Une fois, ils m'avaient gardée inconsciente pratiquement deux semaines. J'étais la seule à qui ils faisaient ça.

 Ils avaient peur de moi. C'était pour ça qu'ils faisaient ça. Ils me droguaient plus que les autres ; je leur faisais plus peur qu'eux. Pourquoi ?

 - ... tenant tu m'entends ?

 Je sursautai et levai les yeux vers le garçon. J'avais pratiquement oublié sa présence. Il était en train de défaire les velcro qui maintenaient mes poignets à la table. A force je ne les sentais même plus. Je l'observai faire alors qu'il s'attaquait à ceux retenant mes chevilles.

 Je le reconnus finalement. C'était le garçon qui était arrivé il y a quelques mois. Enfin c'était seulement une estimation, comme j'avais perdu toute notion du temps depuis que j'avais rejoint cet endroit de cauchemar. Il était gentil. Du moins, je l'imaginais. Je ne lui avais jamais parlé, mais à chaque fois que la douleur devenait trop dure, il prenait ma main et la douleur disparaissait. J'ignorais comment c'était possible, mais je savais qu'il le faisait aussi avec cet autre garçon, "le Vert" comme l'appelaient les médecins sans que je n'aie jamais compris pourquoi. C'était la première fois que je voyais son visage en entier. Il avait toujours une muselière en cuir attachée au visage. C'était d'ailleurs le seul d'entre nous à en avoir une. Pourquoi ?

 - Comment tu t'appelles ?

 Comment m'appelais-je ? Bonne question. Mon prénom n'avait pas été prononcé à mes oreilles depuis des années. Je n'étais pas certaine de m'en souvenir. Je ne voulais pas m'en souvenir. Mon prénom m'avait été donné par les parents indignes de ce titre qui m'avaient livrée au gouvernement contre de l'argent. Mon regard tomba sur un paquet de chocolat abandonné sur un bureau. Reese's. Ca sonnait bien. Ca me plaisait.

 - Reese. Et toi ?

 Ma voix n'avait pas été plus forte qu'un murmure. C'était à ça qu'elle ressemblait, ma voix ? Je ne l'avais pas entendue depuis des années. Les cris qui sortaient de ma gorge ne sonnaient pas pareils. Ma voix était rêche, rauque, très grave pour une voix féminine. Les voix des scientifiques m'étaient plus familières que la mienne.

 Le garçon sourit. Sa voix à lui était douce, mélodieuse.

 - Eh bien, Reese, tu es libre. Attends, doucement, je vais t'aider à descendre.

 Je ne compris pas vraiment le sens de ses mots. Je laissai mes jambes pendre dans le vide un long moment avant d'oser toucher le sol. Je relevai immédiatement les pieds et le frottai l'un contre l'autre. C'était froid. Beaucoup trop froid. Un rire retentit à coté de moi. Je levai les yeux vers le garçon. Il n'y avait aucune moquerie en lui.

 - Je sais, c'est froid au début. Ca doit l'être particulièrement pour toi, j'imagine.

 Lui aussi était pieds-nu.

 Je fronçai les sourcils, sans comprendre ce qu'il voulait dire. J'avais l'esprit encore trop embrumé que pour me poser la question. Il passa un bras autour de ma taille pour m'obliger à descendre de la table d'opération. Il ne semblait pas impatient, mais une tension certaine émanait de lui. Il m'entraîna doucement avec lui. Mes jambes tremblaient. S'il ne m'avait pas soutenue, j'ignore comment je serais allée jusqu'à la porte de la salle d'opération debout sur mes deux jambes.

 - Viens. Une voiture nous attend dehors.

 Je m'arrêtai. Une voiture ? Ca voulait dire que... 

 - On peut s'en aller ? On est guéris ?

 Il se tourna vers moi. Je le vis hésiter.

 - Oui, on peut s'en aller. On est pas guéris. Mais on veut que les médecins le pensent.

 Je fronçai encore plus les sourcils, incrédule. Mais qu'est-ce qu'il me racontait ? Je fis un pas en arrière en secouant la tête.

 - Mais alors si on est pas guéris on ne peut pas partir !

 Il me jeta un regard doux et sa voix fut dotée d'une patience dont on n'avait encore jamais fait preuve à mon égard.

 - Reese... Ils ne nous guériront jamais.

 Je continuai de secouer frénétiquement la tête.

 - Non ! Non... Nous... nous sommes des monstres. On est dangereux. Les gens... ils...ils pourraient mourir à cause de nous.

 Il m'observa un long moment sans bouger. Il me rejoignit finalement en deux grandes enjambées. Il posa ses doigts glacés sous mon menton et m'obligea à relever la tête vers lui, pour le regarder dans les yeux.

 - Tu n'es pas un monstre. Je t'interdis de le penser. Tu es ce qu'ils appellent une Rouge. Les plus dangereux sur leur échelle. Alors oui, tu es dangereuse, tu peux faire du mal aux gens, mais seulement si tu le veux. Tu n'es pas un monstre, tu es seulement puissante. Et ça leur fait peur.

 Pas un monstre, seulement puissante.

 Les mots se frayèrent un chemin dans mon esprit avec une facilité enfantine. Le garçon me tendit la main. Je n'hésitais pas et la saisis. Il m'entraîna dans le couloir d'un pas tranquille. Nous croisâmes plusieurs adultes en blouses blanches, certains que je n'avais même jamais vus. Ils avaient tous un sourire béat sur le visage. C'en devenait vraiment inquiétant. Je resserrai ma prise sur la main du garçon et me rapprochai de lui, inquiète. Il dût le remarquer comme il tourna un regard rassurant vers moi.

 - Tout va bien. Désormais, tout ira bien. Je te le promets.

 Nous sortîmes par une porte latérale et je plissai les yeux face à l'aveuglement soudain. Le ciel était couvert. Pourtant je n'avais pas vu la lumière du soleil depuis si longtemps que je fus contrainte de lever une main en visière pour pouvoir avancer. Quelques mètre plus loin, près du portail grillagé marquant la limite de Thurmond, je distinguais la forme d'un SUV noir. Mon souffle se coupa. Le portail était ouvert. Alors le garçon disait vrai ? Nous pouvions partir ?

 Je me tournai vers lui.

 - Tu ne m'as toujours pas dit comment tu t'appelles.

  - Clancy. Clancy Gray.


Let the Sparks Fly - Partie 2 {Darkest Minds}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant