A mon arrivée, je vis deux jeunes filles dont l'une allongée sur le lit après les premiers soins de mon assistant. Elle saignait abondamment. Selon sa camarade que j'écoutai plus tard, la patiente était une fille de dix-neuf ans qui portait une grossesse de seize semaines environ. Puisque son père était un agent de santé très connu dans la localité, elle ne voulut pas aller se faire avorter dans un centre hospitalier de la ville au risque d'être dénoncée. Si elle devait aller ailleurs, il lui fallait également obtenir la permission de ses parents, mais, quelles raisons devait-elle évoquer, surtout que c'était la période de révision pour le baccalauréat ? Finalement, son amie la conduisit dans un village environnant auprès d'une accoucheuse traditionnelle. Lorsqu'elles y arrivèrent, raconta la camarade, la dame les accueillit et les installa dans une chambre où attendaient déjà deux autres filles. Dès que leur tour arriva, elles entrèrent dans la salle de consultations où la patiente posa son problème au médecin. Cette dernière lui demanda de s'allonger, sortit trois petites tiges d'un arbuste qu'elle attacha. Au bout de ces tiges vertes, pendait de la sève. Elle enfonça ensuite cet ensemble dans l'appareil génital de sa patiente jusqu'au niveau du col de l'utérus. L'on lui demanda alors de se lever, de porter une robe sans culotte et de marcher dans la cour d'une école qui n'était pas loin de la clinique sauvage...
Lorsqu'elles marchaient, poursuivit-elle, la patiente ressentit des douleurs extrêmes au bas-ventre puis, dans le ventre . Elle tourbillonna et plus le temps passait, plus les saignements devenaient de plus en plus importants. En effet, l'effet de l'acide avait dépassé les limites prévues. Outre son col, l'utérus lui-même avait commencé par être rongé tout en progressant vers les trompes. La camarade prenant peur, appela la tradithérapeute qui les convainquit que c'était les effets secondaires qui avaient commencé.. c'était plutôt bon signe qui annonçait la sortie du fœtus dans les minutes qui allaient suivre.
Quelques instants après, alors que les saignements devenaient de plus en plus abondants, "l'accoucheuse-avorteuse" fut encore appelée mais elle se déclara occupée par un autre cas.
Voyant qu'elle était mourante, la camarade fit appel à un taxi qui les transporta jusqu'à ma clinique. La jeune fille était demeurée inconsciente avant de se réveiller dans un état de délire. Je fus obligé, avec mes collègues de procéder à une intervention au cours de laquelle nous ne pûmes nous empêcher d'en arriver à l'ablation de son utérus. Celà signifie scientifiquement que cette fille ne pourra plus jamais avoir un enfant de sa vie. Ses parents que je finis par appeler, n'eurent point la force de supporter cette situation pour leur fille en classe de terminale et à quelques semaines de l'examen. Lorsqu'elle revint à elle-même, tandis que sa mère pleurait, son père lui posa des questions : <<ma fille, pourquoi ? Pourquoi nous l'as-tu cachée ? Pourquoi as-tu préféré la voie traditionnelle ? Pourquoi as-tu donné l'occasion au destin de faire de toi à cet âge une femme stérile alors que l'auteur de cette grossesse ne pourra que compatir, s'il veut?>>. Bien que les parents décidassent d'intenter un procès contre l'auteur de la grossesse et la tradithérapeute, une chose est sûre, c'est que leur fille ne pouvait plus jouir de sa féminité...
Même s'il s'est agi dans ces deux derniers cas relatés de finaliser des actes d'avortement, je me souviendrai toujours de tous ces enfants innocents que j'ai fait avorter. En fait, je n'avais plus un cœur pour compatir, ressentir le traumatisme et partager la souffrance des avortons. Non, je n'avais plus ce cœur... Depuis que j'ai commencé ce métier, j'ai eu à pratiquer en moyenne deux mille cent soixante avortements. C'est avec courage et audace que je donne ce chiffre, car dès que je le prononce mon cœur bat la chamade et j'ai l'impression que ses avortons se lancent à ma poursuite. Cependant, si je vis aujourd'hui cette sensation, il y'a quelques années, je me réjouissais plutôt du jeune millionnaire que je devenais progressivement. J'avais quarante-deux ans à cette époque. Au delà du matériel, la seule chose qui me manquait et que plus d'une personne me réclamait c'était de fonder un foyer. C'EST dans ce contexte que j'activai une<<relation dormante>>.
VOUS LISEZ
Condamnés à ne jamais naître (Terminé)
Roman pour AdolescentsPourquoi ? Ce mot a huit lettres qui fait vaciller les esprits... L'on se demande le pourquoi la nature s'acharne sur nous alors qu'on a demandé une seule requête : VIVRE. Vivre, écrire son histoire, laisser ses traces... Plonge toi dans l'univers d...