Chapitre 19

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Dans ma hâte de rejoindre l'hôpital et d'annoncer la nouvelle à ma mère, nous arrivâmes à Dakar à trois heures du matin et nous dirigeâmes directement vers l'hôpital Fann. Sur place, je m'adressai aux médecins de garde, cherchant des informations sur Madame Diouf, hospitalisée sous ce nom après son remariage avec Ablaye Diouf. L'un d'eux, une femme, m'interrogea sur mon lien avec la patiente, et je répondis que j'étais sa fille. Elle nous guida alors vers la chambre, au fond du couloir à droite, avant de s'éloigner. Je mentionnai rapidement que la personne qui m'accompagnait était le donneur, et elle répondit simplement "parfait", ajoutant qu'ils allaient se préparer pour la transfusion.

Je me dirigeai vers la chambre de ma mère en compagnie d'Ousmane. En ouvrant délicatement la porte, je découvris ma mère allongée sur le lit, dans un état moribond. Elle tenta de se redresser à mon arrivée, mais je lui conseillai de rester allongée. Dans ses yeux, je voyais qu'elle essayait de reconnaître la personne qui m'accompagnait. Ousmane avait changé sur quasiment tous les points depuis l'époque où il était le jardinier de notre demeure.

Je lui annonçai alors la nouvelle : "Maman, j'ai une bonne nouvelle. Nous avons trouvé un donneur. Ousmane, ici présent, est du même groupe sanguin." Elle me regarda avec étonnement avant de demander de quel Ousmane il s'agissait. "Ousmane Thiam," répondis-je. La surprise se peignit sur son visage lorsqu'elle remarqua son élégance et son assurance. Cependant, elle exprima immédiatement son refus catégorique de recevoir un sang qu'elle jugeait impur, préférant affronter la maladie plutôt que de vivre avec ce qu'elle appelait un sang souillé.

Je tentai de la dissuader, lui expliquant les risques et la rareté d'une telle opportunité, mais elle resta inflexible. Son discours me stupéfia. Déçue par sa réaction, je lui adressai un adieu avant de partir, priant pour qu'Allah la guide et la pardonne. Ce fut la dernière fois que je la vis.

Sur le chemin du retour, j'ai reçu l'appel annonçant son décès. Anéantie, je me sens pourtant chanceuse de bénéficier du réconfort de mon époux et de mon père, qui s'efforcent de préserver mon âme du chagrin. Cependant, dissimuler ma détresse reste un défi. Mon travail offre un bref répit, mais parfois les souvenirs affleurent à la surface de ma mémoire, ravivant la douleur lancinante.

Je m'interroge sur la nature de cette douleur qui m'étreint, cherchant à comprendre si elle est seulement la peine ou quelque chose de plus profond. Ma mère nous a quittés dans des circonstances sombres, et mon père, malgré ses efforts, ne peut cacher sa peine.

Engagée dans une thérapie, j'espère dissiper les brumes énigmatiques entourant mes rêves, où ma mère apparaît malade et en colère. Après des mois d'accompagnement, le médecin m'a expliqué que mes rêves sont dus à une colère envers ma mère, enfouie depuis mon enfance.

Ma mère fut une amie extraordinaire mais en tant que mère et épouse, elle a failli. Seul mon père peut témoigner de cela. Ainsi, je me heurte à l'incompréhension de ceux qui l'ont connue et qui estiment que j'ai été chanceuse d'avoir une mère telle qu'elle. Personne ne se trouvait à ma place.

Je ne m'étendrai pas sur ses erreurs, mais la question cruciale demeure : comment se libérer de cette colère envers une personne décédée ?

Un Amour impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant