Comme chaque lundi, Fanny faisait l'ouverture et l'accueil. Bientôt, elle vit Dylan tenant la main de son père. Lorsqu'il l'aperçut, plutôt que de le lâcher, il le tira pour qu'il court. Elle les salua et invita Dylan à entrer.
“- Ç’a été? Demanda-t-elle
“- Très bien, je crains plus pour ce soir.
Elle lut sur son visage l'inquiétude.
“- Pourquoi ne faites vous pas une demande pour obtenir la garde de Dylan?
“- Pour cela, il me faut des témoignages prouvant que je suis stable et que je peux offrir à Dylan un meilleur cadre de vie que chez sa mère. Les juges ont tendance à privilégier la mère pour le côté affectif. Et puis, je n'étais pas là le jour du jugement. Alors l'image du bon père, elle prend un coup.
“- Mais bon sang, vous êtes un bon père. C'est elle qui vous salit. Ne vous laissez pas faire! Battez-vous !
“- À vous entendre ça paraît si simple.
Soudain elle se rendit compte qu'elle se mêlait de ce qui ne la regardait pas. Elle n'avait jamais prit le partit de l'un ou de l'autre dans les affaires de divorce. Que lui arrivait-il? Elle voyait d'où Dylan tenait son charme. Elle était sous celui de Grant. Il était si désemparé face à la cruauté de son ex-femme…
La sonnerie retentit.
“- Je suis désolée, dit-elle, je dois vous laisser. On se voit ce soir ?
“- Oui je serai là.
Elle lui sourit puis entra dans la cour et referma la grille. Il la regarda s'éloigner. Machinalement, elle se retourna et l'aperçu. Elle se dépêcha de rejoindre Dorothée dans la cour.
La journée passa rapidement, il n'y eut aucun incident. À 16h30, c'est Dorothée qui fit la sortie permettant à Fanny de préparer la salle pour la réunion. Alors qu'elle rangeait la salle de classe, elle vit Dylan dans la cours.
“- Dylan ? Tu n'es pas parti ?
“- J’veux pas aller avec Madeleine.
Elle resta sans voix devant la détresse de cet enfant.
“- Même si papa serait très content de t'avoir avec lui, il faut rentrer avec Madeleine. Elle va s'inquiéter.
Il regarda Fanny, soupira, posa un baiser sur sa joue et se dirigea vers la sortie. Elle l'accompagna s'assurant que Madeleine était toujours présente. Il marchait à côté d'elle sans lui tenir la main. Fanny retourna dans la classe et termina le rangement. Il était 17h45 quand les membres de l'association commencèrent à arriver. Elle servait un verre à boire à chacun puis Grant arriva aussi et s'installa. Elle vint s'assoir à côté de lui. Le tour de table commença, chacun se présenta. Puis la présidente expliqua le rôle de l'APE pour les nouveaux parents et en vint aux différentes sorties prévues. Chacun se positionna pour participer un maximum. Grant proposa son aide pour les séances piscine. Elles commençaient ce vendredi après midi pour les CP/CE1 et les CE2. Madame Boucoeur aborda la sortie de fin d’année dans un parc animalier. Il lui fallait réserver un bus et pour cela elle avait besoin de savoir le nombre de parents et d’élèves qui serait présent. Il fut acté qu’un bon de réservation serait distribué aux parents pour la fin de semaine. La réunion se termina et chacun repartit d’où il était venu. Grant traîna un peu dans l’espoir de faire un bout de route avec Fanny, mais Madame Boucoeur l'interpella.
“- Je suis ravie de voir que vous tenez parole. Par contre une petite question, vous avez un agrément pour la piscine?
“- Un agrément? De quoi s’agit-il?
“- Pour pouvoir être dans l’eau avec les enfants, vous devez passer un petit examen. Il y a une séance samedi matin.
“- y’a pas plus tôt, sinon vendredi je ne pourrais pas être très utile?
“- Il y en a une mais elle n’est pas ici, il faut aller mercredi toute la journée à 30 kilomètres.
“- Inscrivez moi pour mercredi
“- Très bien, n’oubliez pas votre pique nique.
Il sortit de l’école et s’apprêtait à partir quand il entendit Madame Boucoeur demander
“- C’est bon Fanny?
Il sentit son coeur s’accélérer. Il ralentit le pas. Fanny salua Madame Boucoeur et se dépêcha de rentrer chez elle. Il se retourna au même moment où elle arrivait à sa hauteur.
“- Je pensais que vous étiez déjà partie, lui dit-il
“- Non, je remettais la salle en place.
“- Tout s’est bien passé avec Dylan aujourd’hui?
“- Oui, oui...soudain lui revint en mémoire l’épisode du soir où Dylan refusa de rentrer avec Madeleine.
“- Avez-vous déjà remarqué des bleus sur Dylan?
“- Non, mais vous savez, Dylan ne se déshabille pas devant moi. Pourquoi demandez-vous cela, vous en avez trouvés?
“- Non, comme pour vous Dylan ne se déshabille pas devant moi. Mais quand je vois comment il se comporte avec Madeleine, je me dis qu’il n’y a pas que la torture physique qu’on peut infliger à un enfant. La torture morale ou psychologique est plus insidieuse.
“- Quand Dylan est à la maison, c’est comme si sa mère n’existait plus, il ne veut plus en parler. Lorsque je lui pose la question ‘ça été cette semaine avec maman?’ il me répond ‘ici on parle pas de maman’. Que voulez-vous que je dise à cela, je ne vais pas le forcer à parler de quelque chose qui le perturbe. Si vous vous y arrivez, n’hésitez pas. Je ne sais pas si le juge tient compte des sentiments d’un enfant.
“- Je demanderai à Mme Boucoeur.
Fanny s’arrêta devant un petite maison. Il l’avait suivit sans prêter attention au chemin.
“- Voilà, je suis arrivée
“- Vous habitez ici?
“- Oui
Il lui sourit, pensif.
“- Merci
“- Merci pourquoi? l’interrogea-t-elle
“- Pour tout ce que vous faites pour Dylan. Vous ne savez pas toute l’importance que ça a pour lui et pour moi aussi.
Elle lui sourit à son tour. Il s’approcha et déposa un baiser sur sa joue.
“- A vendredi”
Elle le regarda s’éloigner, puis rentra chez elle. Don lui fit la fête. Elle prit la laisse et sortit avec lui.
Mercredi, Grant passa la journée à la piscine et réussi son examen. La semaine se termina avec la séance de piscine. Les parents, qui s’étaient portés volontaires pour accompagner, rejoignirent les élèves à l’école pour prendre le bus. Madame Boucoeur profita du trajet pour répartir les tâches des parents. Ces messieurs iraient avec les garçons dans le vestiaire du fond, tandis que ces dames accompagneraient les filles dans le premier vestiaire. Les premiers sortis des vestiaires amenaient les élèves aux toilettes puis à la douche et les guidaient au bord de la piscine. Madame Boucoeur et Mme Da Silva sortirent les premières et tandis que Madame Boucoeur se coordonnait avec les maîtres nageurs, Mme Da Silva gérait les enfants et les guidait vers les parents qui attendaient. Fanny fermait la marche avec les derniers enfants. Quand elle rejoint enfin le groupe, les parents avaient les yeux rivés sur elle. Son maillot de bain deux pièces dévoilait des abdominaux dessinaient à la perfection.
“- Ah oui quand même! s’exclama Grant
Des éclats de rire fusèrent.
“- Pardon, dit-il regardant les autres parents, j’ai pensé tout haut?
“- Oui, répondit Mme Boucoeur, c’est vrai que lorsqu’on voit un corps comme le sien, on est un peu dégouté voire jaloux!
Les rires fusèrent de nouveaux. Madame Boucoeur assigna à chacun un groupe après l’évaluation du maître nageur: 6 non nageur avec Fanny, 10 débutants avec elle et Grant, 12 nageurs avec Mme Da Silva et les deux mamans, Hélène et Camille et 10 expérimentés avec le maître nageur et le deuxième papa, Patrice.
Chacun s’absorba dans sa responsabilité et la séance se finit dans la joie. Les enfants retournèrent au vestiaire après une bonne douche puis montèrent dans le bus qui les ramenait à l’école. Fanny comptait de nouveau les enfants et s’assurait qu’ils avaient attaché leur ceinture. Elle était partie de l’arrière et revenait vers l’avant. Arrivée à la hauteur de Dylan, il lui prit la main. Elle se tourna vers lui et lui sourit.
“- ça va bonhomme?
Il lui fit oui de la tête.
“- Tu veux bien que j’aille m'asseoir?
Il lâcha sa main, elle caressa sa joue et s’assit auprès de Madame Boucoeur sur la même rangée. Arrivée à l’école, Madame Boucoeur sortit la première et dirigea les enfants dans la cour. Grant attendit avec Dylan que tous les élèves soient descendus pour faire de même. Fanny fit le tour du bus, ramassa les objets oubliés et leur emboîta le pas. Il y avait encore une heure de cours dont vingt minutes de récréation. Certains parents restèrent dans le parc non loin plutôt que de rentrer chez eux. Dylan s’accrocha au cou de son père lorsque celui-ci l’embrassait pour lui dire au-revoir. Fanny avait le coeur déchiré de le voir pleurer ainsi. Accroché dans les bras de son père, il sanglotait à chaudes larmes. Elle s’approcha de lui.
“- Viens avec moi bonhomme, papa doit partir.
“- Non, pleura-t-il de plus bel en serrant son père.
“- Je sais, c’est dur, mais s’il te plaît, viens dans mes bras.”
Il s’accrocha alors au cou de Fanny. Grant l’embrassa et remercia tout bas Fanny puis tourna les talons. Elle regarda ce père rongeait par la douleur s’éloigner de son fils. Mais au moment où elle entrait dans la cour, Dylan hurla;
“- Papaaaa
Elle le serra fort contre elle et sentit une larme couler sur sa joue. Elle emmena Dylan dans la salle de garderie pour qu’il puisse se calmer. Elle y passa la récréation. Lorsque les élèves retournèrent en classe, Madame Boucoeur leur donna un travail et vint voir Fanny.
Dylan s’était endormi dans ses bras et chaque fois qu’elle essayait de le poser, il sanglotait. Madame Boucoeur lui suggéra de rester là durant le temps qui restait. Elle lui proposa de la remplacer à la sortie ce qu’elle accepta. Les parents récupérèrent leurs enfants et Madame Boucoeur vit arriver Madeleine.
“- Je vais voir où en est Fanny avec Dylan, lui dit-elle.
Elle s'éclipsa quelques minutes.
“- Je suis désolée, Fanny a quelques difficultés à le réveiller. Elle ne voulait pas lui révéler qu’il était de nouveau en pleurs et qu’il refusait de partir avec Madeleine. Madame Boucoeur osa la question.
“- Est-ce que tout va bien entre Mme Babou et Dylan?
Elle la sentit réticente à répondre.
“- Si vous êtes au courant de quoi que ce soit vous devez le signaler vous savez, pour le bien de Dylan.
“- Ecoutez, j’ai bien conscience que ce n’est pas tout rose et violette entre Dylan et sa mère. Elle est souvent absente depuis qu’elle a un nouveau compagnon. Après sa semaine de travail, elle va le rejoindre là-bas comme ce week-end.”
Au moment même où les paroles lui sortaient de la bouche, elle se rendit compte qu’elle venait de dévoiler une information que Bénédicte lui avait demandé de tenir secrète. Il était trop tard, Madame Boucoeur réagit immédiatement.
“- Bien donc comme l’a décidé le juge Cromwell, en l’absence de Mme Babou, Dylan va chez son père.
“- Ah...soupira Madeleine, je vais me faire tuer.
“- Qu’est-ce que cela sous-entend?
Madeleine ne savait que répondre. Madame Boucoeur l’invita à la suivre dans son bureau. En passant devant les fenêtres de la garderie, elle regarda dans la direction de Fanny. Elle expliqua à Madeleine qu’elle allait suivre les recommandations du juge et enregistrer la conversation. Madeleine expliqua ce que Dylan subissait régulièrement de la part de sa mère, les railleries, les rabaissements, les punitions et les devoirs intempestifs, les insultes, les menaces de le séparer définitivement de son père, de le changer d’école pour l’éloigner de Fanny. Madame Boucoeur tombait des nues.
Dylan se réveilla enfin vers 17h30. Fanny lui donna un petit quelque chose à manger et alla s’enquérir de la suite à donner.
“- Permettez? dit-elle à Madeleine en se levant
Elle suivit Fanny et l’informa brièvement de la situation.
“- Appelez vite M. Smile pour qu’il vienne chercher son fils.
Il était presque 18h. Elle composa le numéro de Grant et sortit dans la cour, un oeil sur Dylan.
“- Grant, c’est Fanny
“- Fanny? Qu’est-ce qu’il se passe? Y’a un problème avec Dylan?
“- Votre ex s’absente ce week-end, est-ce qu’il vous est possible de venir chercher Dylan, on est toujours à l’école?
Elle le sentit hésiter un peu.
“- Il y a un souci?
“- Non, aucun, c’est juste que je m’arrange pour ne travailler le week-end que quand Dylan est chez sa mère et là…
“- Vous travaillez?
“- Pire encore, je dois carrément partir, j’ai une négo à Paris et je pars dans 1h.
“- Vous ne pouvez pas l'emmener avec vous?
“- Si bien sûr, mais je ne pourrai pas m’occuper de lui pendant la négo et s’il a besoin de moi...vous comprenez.
“- Le problème c’est que, si je dis ça à Mme Boucoeur, vous risquez de perdre aussi Dylan.
“- Non, j’t’en prie, ne fais pas ça. Je vais me débrouiller. Est-ce que vous pouvez me l’amener?
“- D’accord j’arrive.
Elle raccrocha, prévint Madame Boucoeur qu’elle déposait en passant Dylan chez son père et rentrait chez elle.
Quand ils arrivèrent, Grant remarqua chez Dylan un souci.
“- ça va mon grand?
Il embrassa son père et partit dans sa chambre. Grant chercha des réponses auprès de Fanny.
“- Il a eu beaucoup de mal à se calmer après votre départ. Il a finit par s’endormir dans mes bras au cours de la récréation. Mais impossible de le poser. Et à 16h30, plus moyen de le réveiller. Quand j’y suis enfin arrivée, il s’est remis à pleurer en sachant que Madeleine l’attendait. Madame Boucoeur a décelé une certaine nervosité chez elle et elle a finit par lui avouer que votre ex était partit rejoindre son compagnon chez lui.
“- Il a l’air épuisé
“- Il l’est, tant physiquement que moralement.
La sonnerie du portable de Grant interrompit la conversation. Le client qu’il devait rencontrer à Paris acceptait d’avancer la négociation au samedi matin. Il regarda Fanny.
“- Est-ce que je peux vous demander un service ?
Il avait le même regard que Dylan. Ses yeux noisettes étaient attendrissants. Elle ne voulait pas craquer.
“- Est-ce que ce serait abuser si je vous demandais de rester ici cette nuit avec Dylan ?
Elle fut prise au dépourvu par la question.
“- Je dois aller porter Don chez le vétérinaire...
“- J'vous en prie, supplia-t-il
Elle accepta pour Dylan. Grant l'embrassa sur la joue et après avoir embrassé son fils, se sauva.
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Sauver Dylan (Terminée)
ContoEnlevé à son père, maltraité par sa mère, Dylan, 7 ans, est en danger... Comment Fanny, psychologue et atsem, pourra-t-elle le sauver ? Aura-t-elle assez de force pour affronter son passé et construire son avenir... Photo de couverture libre de droi...