L'histoire De La Demeure Du Diable

28 5 0
                                    

Cela faisait déjà quelques jours depuis la dernière fois que je vis Park, où du moins, sa dépouille vivante. J'avais repris une existence à peu près normale, mais je ne pouvais m'empêcher de penser à ce qui serait arrivé si nous avions été capables de le sauver, si nous avions pu empêcher l'horrible fin à laquelle cette créature infernale l'avait poussé. Si seulement... Mais, comme on dit, avec des "si" on referait le monde. J'essayais donc d'y penser le moins possible, notamment parce que sa monstrueuse apparence était traumatisante. Rien que son souvenir me provoquait des frissons.
Quelques jours passèrent encore avant que je n'eus le courage d'aller rendre visite au curé qui avait risqué sa vie pour nous aider. Je surveillais tous les jours le journal. Je n'avais pas encore vu de curé décédé dans la partie "nécrologie", donc pour moi il était encore vivant. Je me rendis à l'hôpital du village.

Quand j'eus demandé la chambre du curé, le jeune homme qui était à l'accueil me dit que je devrais attendre car son état était encore incertain et le temps de visites avait dû être écourté. Ce fut ce que je fis.
Je ne saurais dire combien de temps je suis restée assise à la réception, mais aujourd'hui encore je me souviens qu'il m'avait paru interminable.
Une dame, qui ressemblait fort à une infirmière s'avança vers moi pour me dire que je pouvais aller rendre visite au curé.
Une fois dans sa chambre, je pris place à côté de son lit.

-Bonjour, monseigneur... -dis-je sans grande conviction.

Le curé ouvrit un œil, puis deux. Non sans peine, il réussit à tourner la tête vers moi.

-Ah... C'est toi... -articula-t-il avec difficulté. -Que fais-tu ici, jeune fille ? Je ne suis qu'un simple curé mourant.

-Peut-être, mais si vous en êtes ici aujourd'hui c'est en partie à cause de moi. Si je n'étais pas allée avec mes amis jusqu'à l'église pour demander votre aide, aujourd'hui vous ne seriez pas entre la vie et la mort.

-Bah, au point où j'en étais... -fit-il pour enlever de l'importance à ce qui était arrivé.

-Écoutez, monseigneur, je sais que vous en savez plus que ce que vous dites sur cette maison. Pourquoi nous l'avez-vous caché ?

-Parce que c'est le genre de vérité que l'on ne raconte pas à n'importe qui. Tu as l'air curieuse d'en savoir plus...

-Vous dire le contraire serait mentir.

-Bien... -dit le curé en se redressant un peu. -La raison pour laquelle j'ai refusé de vous aider... C'est parce que j'ai vu un ami mourir dans cette maison il y a une dizaine d'années. Le jour où nous sommes allés exorciser ton ami tu m'as demandé si l'Église n'avait pas essayé de mettre son nez dans l'affaire pour voir de quoi il s'agissait; je t'ai répondu que non. Eh bien, je t'ai menti. Nous avons essayé. Une fois. Nous n'avons plus jamais recommencé. Je m'en souviendrai toute cette vie, et la prochaine aussi; c'était quelques jours après la disparition du bébé des derniers propriétaires. Étant donné que la police n'avait trouvé aucune preuve et que, à l'époque déjà, la maison avait une réputation assez trouble, l'église locale envoya quatre membres de la hiérarchie religieuse pour voir ce qui s'y passait; ordres du Vatican. J'étais parmi ces hommes. Mon ami était un rang au-dessus de moi, mais cela ne posait aucune entrave à notre bonne entente. Toujours est-il que nous fûmes envoyés tous les quatre pour jeter un coup d'œil à ce qui se passait dans la maison et, si il était nécessaire, nous débarrasser d'un hypothétique esprit malveillant. Nous étions aussi bien armés que vous. Mais cela n'a pas suffit. Il y avait en effet une présence démoniaque dans la petite maison, mais bien plus puissante qu'on ne l'imaginait. Elle emporta la vie de mon ami. Depuis ce jour-là, plus aucun membre de l'église locale n'a mis les pieds là-bas.

Je ne savais pas quoi répondre. L'histoire de cet homme était assez troublante. Le curé avait remarqué mon silence et, pour alléger l'ambiance de plomb qui s'était installée dans la pièce, il me demanda:

-Tu veux savoir qui est cet esprit, n'est-ce pas ?

-Oui... Je vous avouerais que ce détail me chagrine depuis un petit moment...

-Ce démon est l'esprit d'une femme, très rare, n'est-ce pas ? -demanda-t-il avec ironie. -En tout cas c'est une femme qui a été trahie par son fils alors qu'il était sur le point de partir de la maison. L'entente parents-enfant était, apparemment, devenue médiocre, pour ne pas dire nulle. Il n'y avait plus que l'héritage qui l'intéressait. Ses parents étaient encore en bonne forme, ils avait tous les deux dans les quarante-cinq ans et se portaient à merveille, l'héritage allait devoir attendre. Mais, d'après ce que j'ai pu savoir, ce gamin n'était pas du genre à aimer attendre longtemps. Pour accélérer les choses il a décidé de tuer ses parents. Il en avait déjà fini avec son père qui, au moment de sa mort bricolait dans le garage, et il était prêt à s'occuper de sa mère. Malheureusement pour lui, elle avait entendu les coups de feu. Quand il est arrivé pour la tuer, c'est elle qui l'a descendu en premier; elle a offert son corps à Satan et a fait des rituels avec jusqu'à ce que les villageois ont commencé à l'accuser de sorcière. La dernière chose qu'elle a offert à Satan fut son âme.

Après le récit du curé nous discutâmes encore quelques minutes, jusqu'à ce que ce fut l'heure pour moi de partir. Nous nous saluâmes.
Je lui rendis visite régulièrement tant qu'il fut à l'hôpital.

Aujourd'hui encore je me souviens de tout comme si c'était arrivé hier et le traumatisme persiste.
Enfin, voilà la fin de mon histoire. Je ne vais pas "espérer qu'elle vous ai plu", parce qu'une histoire comme celle-ci peut difficilement plaire. Je vais cependant vous souhaiter une bonne nuit...

Les Jeux De La Mort Où les histoires vivent. Découvrez maintenant