Chapitre 1

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    Savourant les rayons du soleil levant en passant la grille de la zone Alpha, je salue les gardes chargés de surveiller son entrée et remonte jusqu'au bâtiment 08 qui est en effervescence ce matin. Je croise Alison qui fait ses adieux dans le couloir du 2e étage et c'est alors que je réalise que mon tour va arriver dans peu de temps. Nous échangeons un sourire entendu indiquant que nous nous retrouveront au Palais malgré le fait que nous ne partons pas exactement au même moment. Je passe la porte de mon appartement grande ouverte pour découvrir deux valets à l'intérieur, l'un d'entre eux me presse gentiment de finaliser mes valises afin de permettre notre départ au plus vite. La référente chargée de mon briefing tape du pied. Je me dis qu'ils ne doivent pas beaucoup apprécier cet environnement bien différent de leur quotidien luxueux dans les quartiers supérieurs.

Connor en finit avec le dernier bagage qu'il aligne avec le reste de la magnifique panoplie de sacs de voyage offerts par le Florilège avant de se tourner vers moi avec un sourire. D'un signe de tête, j'indique aux valets de nous laisser un instant seuls. Une fois la porte claquée, Connor attrape ma main avec douceur et ses traits s'assombrissent.

- Je suppose que tu as lu le règlement...

Je baisse à mon tour les yeux, nous avons évité le sujet depuis quelques jours déjà mais je savais qu'il allait bien falloir le mettre au clair à un moment ou un autre. Car en effet le règlement bien étendu du Florilège inclut un article interdisant aux candidates de se présenter au Palais sans être célibataire ainsi que de n'embrasser aucun homme durant toute la durée de la compétition. Or Connor et moi sommes maintenant plus que des amis et c'est aujourd'hui que je me réjouis que nous n'en ayons encore parlé à personne car cela signifie que nous sommes en mesure de garder le secret tandis que je me présenterai au Florilège.

Je pose une main que je veux rassurante sur sa joue et plante mes yeux dans les siens :

- Personne n'en sait et n'en saura rien jusqu'à ce que je sois revenue.

Son regard s'éclaircit quelque peu et il acquiesce avant de m'attirer par la taille pour m'embrasser une dernière fois, je savoure cet instant car je sais que je vais devoir m'en contenter pour de longues semaines loin de lui.

Il replace une de mes mèches derrière mon oreille pour déposer un baiser sur mon front.

- Tu vas me manquer, je murmure en posant ma tête dans son cou.

Sa deuxième main vient se poser sur mon omoplate et il me sert contre lui, je pourrai presque sentir mon cœur s'aligner sur les battements du sien lorsque d'une voix réconfortante il promet :

- Personne ne te remplacera.

Je voudrais arrêter le temps mais la référente restée dans le couloir atteint les limites de sa patience et frappe énergiquement sur la porte, m'obligeant à m'arracher des bras de Connor :

- Mademoiselle Romero, je vous prie, nous devons partir.

Elle attend que je lui adresse un signe afin de faire entrer les valets qui s'emparent de mes valises à la vitesse de l'éclair. Je suis surprise de voir que tous mes camarades sont patiemment restés dans le couloir pour me dire au revoir à leur tour, je prends Naomi et Tiago dans mes bras avant que la référente ne me mette un dernier coup de pression. Elle consulte son calepin afin d'entamer son briefing car elle est chargée d'organiser mon arrivée au Palais et mon agenda, mais je ne l'écoute que d'une oreille tandis que nous nous engageons dans la cage d'escaliers, trop occupée à adresser mon dernier regard à Connor.

J'embarque dans la voiture privée garée en bas de l'immeuble un mélange de fierté et de mélancolie dans le cœur. J'ai travaillé dur pour arriver jusqu'ici et je ne compte pas laisser passer ma chance d'infiltrer le Cercle et d'enfin mettre la main sur ses failles, alors je me résous à détourner les yeux de mes amis pour les fixer sur mon objectif tandis que le chauffeur fais tourner le moteur électrique du cabriolet et démarre.

La référente dois sentir mon attention soudaine et en profite pour se présenter :

- Je pense qu'il serait bon que nous nous entendions, maintenant que vous semblez plus disponible, je suis Maria votre référente et manager en chef pour toute la durée de votre séjour au Palais, ravie d'être à votre service.

Elle me tends une main que je sert amicalement et en lui offrant un sourire enchanté, car je dois avouer que je me sens bête et immature de ne pas lui avoir accordé son importance plus tôt, elle qui est là depuis sept heures ce matin. Je me rattrape en écoutant attentivement ses indications :

- Pour aujourd'hui donc, nous arriveront au Palais d'ici une vingtaine de minutes où vous serez conduite à votre chambre et pourrez prendre congé pour vous installer sereinement, vos dames de compagnie seront là pour vous aider si besoin.

Je m'accorde un instant pour observer la route qui nous précède où j'entrevois une ligne de voitures similaires à la notre, Maria capte la direction de mon regard et adapte son discours :

- Ce sont les voitures des autres candidates comme je vous le disais, tout est organisé pour que vous arriviez en file indienne et que les caméras puissent en profiter.

Je dois avouer que j'avais quelque peu omis la présence des caméras depuis que j'ai arrêté de fréquenter le Centre de Sélections, espérons que l'habitude se réinstallera rapidement.

- À part cela, il me semble n'avoir rien oublié, vous serez tranquille jusqu'au dîner...

Malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à maintenir mon attention car je reconnais l'arche de la porte du Palais tandis que nous fendons une foule d'inférieurs en délire bien que les vitres soient totalement opaques à la vue extérieure. Je réalise que je passe de l'autre côté du rivage, je passe une porte qui m'est toujours restée fermée avant aujourd'hui. L'excitation et la curiosité prend le dessus sur ma politesse envers Maria lorsque la voiture passe l'immense porte de sécurité pour s'engager sur une route de graviers, me dévoilant un décor de conte de fées.

Le Palais est digne de son nom, c'est le moins que l'on puisse dire avant même d'en avoir aperçu l'intérieur. Tout de blanc immaculé et de pierres bâti, il trône au milieu de magnifiques jardins ornés de fleurs de toutes les variétés. Roses, orchidées, dahlia et amaryllis offrent un ballet de couleurs se mariant à la perfection. Une fontaine centrale vient ajouter sa touche de paradis au lieu baigné dans les rayons du soleil. Sur le côté, une lignée d'orangers exhibent leurs fruits éclatants, on pourrait presque que croire que la nature a finalement pu reprendre ses droits dans au moins un endroit à l'intérieur du Cercle, seulement il suffit de constater la perfection irréelle du jardin pour comprendre que ce n'est encore une fois qu'une question d'apparence.

Maria me tire de ma rêverie et je m'aperçois alors seulement que la voiture est arrêtée. Dehors un immense tapis blanc saupoudré de pétales de roses trace le chemin qui mène à la porte d'entrée. Un tissu satiné reliant quelques poteaux sert de barrière a des dizaines de journalistes qui brandissent caméras et micro vers la candidate passant dans l'allée. Je l'observe achever son élégante marche jusqu'aux portes où elle disparaît.

C'est alors que le chauffeur ouvre brusquement ma portière, me faisant sursauter en même temps qu'un flash vient brouiller ma vue. Je comprends tout de suite que le niveau de médiatisation des Sélections était ridicule comparé à ce que j'ai devant moi. Je m'extirpe de la voiture suivie de Maria qui m'indique de ne pas l'attendre et d'aller vers l'entrée. Le bruit est infernal, j'entends crier mon nom de tous les côtés, je parviens même à entendre un supérieur m'insulter de traîtresse. Je plaque un sourire sur mon visage et me dirige vers l'entrée, partagée entre l'envie de foncer le plus vite possible ou de prendre du temps pour le public. J'étais fixée sur la première option mais je craque lorsque j'entrevois, coincée entre deux autres supérieurs, une petite fille accrochée au tissu avec une photo de moi dans la main. Ses yeux s'illuminent lorsque je dévie de ma trajectoire pour m'orienter vers elle. Je l'aide à passer sous le garde-fou pour la sortir de la foule écrasante, le sourire qu'elle m'offre à ce moment précis n'a pas de prix. Maria me passe discrètement un stylo afin que je signe sa photo sous l'œil attentif de centaines de caméras. Mon geste me vaut une acclamation mais je ne prête que peu attention.

- Où sont tes parents, ma grande ?

Elle se tourne pour me désigner un homme que je suppose être son père. J'offre au téléphone qu'il brandit mon plus beau sourire en m'accroupissant à côté de sa fille pour que le photo soit parfaite, il me remercie d'un signe de tête que je lui rends avant de m'en retourner vers le Palais. Je salue la foule qui m'offre une dernière ovation avant que je ne passe finalement la majestueuse porte d'entrée.

Le Cercle - le FlorilègeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant