Chapitre 5

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Je passe la matinée dans les vapes oscillant entre sommeil et semi-éveil, entre rêve et réalité. C'est Esther et Eileen qui finissent par me secouer et me prier de me lever.

- Mademoiselle, il est déjà 14 heures, je vous en prie vous avez déjà sauté deux repas !

Je ne sais pas ce qui inquiète le plus ma dame de chambre entre le fait que je soit encore au lit à deux heures de l'après-midi ou le fait que je ne soit pas allée aux repas. Je penche pour la deuxième option, après tout dormir jusqu'à cette heure-ci n'est pas ma meilleure performance niveau grâce matinée.

Bien que le fait d'avoir pu dormir dix heures d'affilée me mette de bonne humeur, ce n'est rien comparé au petit-déjeuner apporté par Eileen. Toujours aussi parfaitement adapté à mes goûts. Ma curiosité ne prend pas de pincettes ce matin :

- Comment vous saviez dès le départ ce que j'aimais manger au petit déjeuner ?

Eileen me lance un sourire malicieux, je sais qu'il y a une astuce derrière ça. Un regard suppliant de ma part et elle finit par m'expliquer que c'est grâce aux algorithmes d'analyse des écrans de commande de la salle de réception où l'on prends nos repas. Je suis encore surprise par l'efficacité de la technologie utilisée ici, il faut avouer que c'est un point que je n'ai jamais su élucider : comment une seule entité, même si gigantesque que le Cercle peut-elle disposer d'une exclusivité sur des technologies bien plus avancées que celles du monde réel ? Il me semble incroyable étant donné les circonstances du monde globalisé qui est (devrais-je dire était) le mien qu'il n'y ai eu aucune fuite de partage technologique.

Je suis tirée de ma réflexion par les bavardages de mes femmes de chambre, elles semblent se disputer à propos de la robe que je devrai porter aujourd'hui. Même si la situation est irrésistiblement drôle pour moi qui n'ai pas grandi dans le luxe et qui avait de vrais problèmes plus importants que régler des conflits entre dames de chambre, je me résous à sortir de la couette pour intervenir, engloutissant ce qu'il reste de mon muesli au fruit d'une manière bien peu princière.

En m'apercevant adossée à l'encadrement de la porte du dressing, elles se taisent soudainement. Un silence qui ne dure que quelques secondes avant qu'elles ne reprennent à l'unisson leurs arguments pour plaider la robe qu'elles m'ont chacune choisi. Je lève le doigt en l'air, la bouche encore à moitié pleine :

- Avant toute chose, je peux savoir pourquoi je suis supposée porter une robe aujourd'hui ?

Les yeux ronds qu'elles m'affichent comme réponse me font comprendre que j'ai encore du louper un épisode des annonces de la référente. Oups.

Esther pose sa main sur son front d'un air désespéré par mon ignorance.

- Vous n'êtes donc pas au courant que vous passez votre toute première interview à 19 heures ce soir ?

Je lève les yeux, faisant mine de remonter dans mes souvenirs pour me rendre compte que je le savais.

- Eh bien... non.

Soupir général. Je rigole de moi-même et tente de détendre l'atmosphère :

- Oh, mais c'est dans cinq heures ! Asseyez-vous et prenez un jus de fruit avec moi.

Eileen pouffe sous le regard noir et préoccupé d'Esther tandis que je m'affale de nouveau sur le gigantesque lit.


Malgré la pause jus de fruit et commérages, je ne réussis pas à échapper bien longtemps à mon sort. Je compense en prenant tout mon temps sous la douche, il est clair que passer une interview aujourd'hui est la dernière chose dont j'ai envie et je sens qu'il va me falloir encore quelques heures pour me remettre dans l'ambiance hypocrite qui régit ma vie en présence de caméras.

Le Cercle - le FlorilègeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant