Prologue, GOF 2020

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Le dernier obstacle approche, un gros vertical blanc et bleu. Mon poney frappe sa battue d'appel, rassemble ses postérieurs et s'élance par dessus. Le temps semble suspendu, je ne respire plus, je n'entend plus, il n'y a plus que moi, mon poney, et cette fichue barre.

Et lorsque enfin les quatre sabots sont retombés à terre, que je m'écroule sur son encolure, n'arrivant toujours pas à le réaliser, des hurlements de joies se font entendre de la part de ma famille et de mes amis. J'ai le droit à un coup de cul après la ligne d'arrivée, mon gris manifestant sa joie aussi. Mon sourire ne me quitte plus, je suis à deux doigts de pleurer tellement je suis heureuse. Je suis quadruple sans faute. Après trois jours de championnats incroyables, trois jours de championnats fabuleux, mon Baloo vient de m'offrir un ultime sans faute, un ultime parcours sans toucher une barre.

Je fais un énorme câlin à ce poney qui a tout donné pour moi, qui m'a sauvé un nombre incalculable de fois et qui a enchainé les obstacles avec brio tout au long de ce championnat. Je le repasse au trot avant de sortir de la carrière. Je souris sans discontinuer, aux anges, et même si je sais que je n'ai pas été assez rapide pour prétendre au titre de championne de France, je sais que je dois être classée. 10 minutes après, alors que je le marche devant la carrière 4, rênes longues, en observant les derniers barragiste de mon épreuve, les résultats tombent. Je suis 3ème. Bordel. Pour ma première saison en As2, je vais à une remise des prix aux championnats de France. J'arrive pas à réaliser. C'est trop beau pour être vrai. Ma sœur vient me voir, un grand sourire sur son visage, son appareil photo dans les mains. Elle a stressé plus que moi sur ce championnat, priant à chaque fois pour que je fasse sans faute. Et ça a marché il faut croire !
Ma coach me rejoint à son tour et me félicite. C'est un moment de pur bonheur, un moment hors du temps, la consécration de plusieurs années de travail, de galères, de remises en questions.

Après un gros détour pour bien le marcher et éviter de trop grosses courbatures, je rentre aux boxes jaunes avant de m'occuper un long moment de Baloo, car aujourd'hui il le mérite plus que jamais. Après une bonne douche sous cette chaleur écrasante et un gros pansage accompagné d'un mash, je range mes affaires dans le camion et pars manger. La remise des prix est à 14h20, j'ai le temps si je me dépêche. Posée devant le camping-car loué pour l'occasion, je décide d'appeler Louise, ma meilleure amie pour lui annoncer. Ma sœur l'a peut-être déjà mise au courant, mais je veux lui parler de vive voix. Elle m'a tellement soutenue sur ce championnat, et même si elle n'a pu m'accompagner que les quatres premiers jours, elle a continué de m'appeler et de m'encourager chaque jour. Elle décroche presque immédiatement, et j'entends le sourire dans sa voix quand elle me lance un

- C'est grâce à mon tapis ça 

On rigole toutes les deux avant que je ne lui réponde que bien évidemment c'est grâce à lui. Elle m'a offert un magnifique tapis bordeaux cette semaine, et je l'ai mis pour la finale. Résultat, j'ai fais deux sans faute. On discute encore une dizaine de minutes, avant que je ne raccroche pour aller préparer mon poney pour l'une des dernières fois. En effet, l'année prochaine une nouvelle aventure m'attend. J'ai une ponette à confier, Athenä. Pour évoluer je n'avais pas le choix, je devais partir de ce club et quitter mon champion. Et même si ça me déchire le cœur, je sais que j'ai bien fait, et que si je voulais progresser je ne pouvais pas rester. La décision n'en est pas moins dure...

Le tapis, l'amortisseur, la selle. Je sangle, accroche les protections, mets le filet et part. J'ai la gorge nouée tout le trajet, et je suis à deux doigts de pleurer. Parce que c'est fini. Cette folle aventure qui dure depuis maintenant 3 ans, ce poney qui m'a fait tomber la première fois que j'ai posé mes fesses dessus. C'était en février 2016, et on avait mit 20 minutes à le rattraper. Je souris en repensant à ce moment et continue de me remémorer notre histoire. Il m'a emmené sur mes premières p1, mes premières pelite, mes premières As2. Il m'a fait passer mon galop 5, puis 6. Il m'a appris ce que c'était de se remettre constamment en question, de ne jamais rien prendre pour acquis. Au départ, je ne l'aimais pas particulièrement, je dois l'avouer. Il n'était pas du tout mon style de poney, et je ressortais souvent des séances dégoûtée. Mais au fil du temps, des parcours, notre relation s'est améliorée, jusqu'à ce qu'il devienne, indéniablement, le poney de ma vie. Et le quitter est un déchirement.
Je me suis faite la promesse de le récupérer pour sa retraite, et de lui offrir des derniers jours heureux. Je lui dois bien cela.

Repousser ses limitesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant