Repousser ses limites

Chapitre 19 : St Lô, jour 3

La sonnerie du jury. Les cris d'encouragements de mes amis. La chaleur de la baie sous ma selle, et enfin ma propre respiration, calme et décidée.
Je ressens tout ça, et mon ventre se tord de stress. Nous y voilà enfin, mon rêve de cavalière. Courir une As élite.

Je souffle, lève les yeux, croise ceux rassurants d'Ayden, ceux pleins de détermination d'April et enfin ceux de Matthieu, emplis d'un encouragement muet. Je vois aussi Loïc, près de la porte, concentré. Je vois toutes ses personnes qui m'aident, me forment, me soutiennent, et grâce auxquelles, sans nul doute, je suis là aujourd'hui.

Je relève la tête, pars au galop. Athénä bondit, et je souris, libérée de toute angoisse. C'est elle, moi, notre bulle et les obstacles qui nous attendent. Je mets du rythme, me redresse, m'intime intimement de ne pas foirer. Le numéro 1 arrive, vertical palanque, pour bien commencer. Un, deux, trois, elle s'envole. Je rééquilibre, attend mon oxer numéro 2. La foulée est un peu longue, je prends le risque, je sais qu'elle peut couvrir. Elle ne touche pas, envoie les fesses derrière pour protester. Je m'entends rire et la caresse. 3,4,5,6, ils passent comme si ils n'existaient même pas. Athénä est déterminée, innarêtable. Le vertical 7 arrive, je faute, une barre. Le violent coup de dos de ma jument me rappelle à l'ordre et je m'excuse. Je soigne mes derniers sauts, faute encore en sortie de combinaison. Enfin, l'oxer 11 arrive et on le franchit comme dans un rêve. On passe la ligne d'arrivée et je ne peux toujours pas réaliser ce qu'il vient de se passer.
Je repasse au pas, me mords la lèvre pour essayer de contenir le sourire débordant qui éclate sur mon visage. J'enfouis ma tête dans l'encolure de ma fabuleuse ponette, la remercie encore et encore.

- C'était bien. Très bien même, pour un début. Les fautes sont pour toi, c'est des erreurs techniques, mais le travail les effacera. Bravo à vous.

Les mots de Loïc brisent soudainement le brouillard dans lequel je suis, complètement shootée aux endorphines et à l'adrénaline. Ses paroles me gonflent à bloc et j'acquiesce. On va bosser, ça oui. Pour les gagner ces épreuves, pas seulement y prendre part.
Je sors du manège, et croise Ayden qui descend des tribunes. Lui prend part à l'As 1 mais il passe en dernier, lui laissant donc le temps de me voir avant d'aller préparer Temp'oo. Il s'approche de moi, caresse ma jument et s'exclame

- C'était vraiment pas mal !

Je rigole et le remercie : de la part d'un cavalier de son niveau, ce commentaire vaut de l'or. De la part du garçon qui anime mes pensées, ça me réchauffe le coeur.

April me rejoint ensuite, suivie de Matthieu. Les deux me félicitent aussi et je me sens incroyablement chanceuse de les avoir dans ma vie. Ayden s'éclipse avec Mathieu pour aller préparer son gris et Ap me raccompagne. On marche et je commente mon parcours, encore terriblement excitée.

- Et le 8 bordel le 8 je me suis envolée !

Elle rigole et me répond

- J'ai vu ça Alex.

Je continue de parler sans m'arrêter, et la blonde à mes côtés m'écoute en riant. Nous sommes presque arrivées aux boxes lorsque je me rappelle la discussion qu'on a eu il y a quelques heures : celle qui évoquait Matthieu... avec qui je l'ai vue discuter. Merde, je suis vraiment une amie en carton

- April j'ai oublié de te demander comment ça c'était passé avec Matthieu... oui je sais je suis une horrible personne

Elle éclate de rire en m'entendant et je me sens rassurée : elle a retrouvé son insouciance et sa bonne humeur habituelle. Elle se pince les lèvres, passe une main dans ses cheveux et se lance :

- On a donc reparlé de ce que je t'avais dit, et j'ai suivi tes conseils, je lui ai tout déballé : à quel point cette période où j'ai dû les aider à les relever à été difficile, et comment j'ai encore trop peur de souffrir si on revenait à se séparer. C'est ça qui me fait le plus peur finalement dans l'idée qu'on se remette ensemble : on pourrait se séparer, encore, et je ne suis pas sûre de pouvoir le supporter. Alors que si on reste amis... on pourra jamais se quitter tu vois ?